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04/02/2006

Vous avez dit « pas de chance » ?

Il y a deux semaines, je vois en consultation hospitalière une patiente de 75-80 ans en pré-opératoire.

 

 

Elle doit bénéficier d’une splénectomie prévue 48h après, dans le cadre d’un purpura thrombopénique idiopathique.

 

 

Cette intervention a été qualifiée de « la dernière chance » par l’interniste.

 

 

En effet, sur le bilan, il ne lui reste que 4 G/l de plaquettes. Elle a donc largement le temps de se vider de son sang avant que deux plaquettes ne se croisent, et ne s’agrègent.

 

 

Le problème est que l’anesthésiste a repéré un souffle, et demande un avis cardio.

 

 

Je trouve un rétrécissement aortique serré à l’échographie (0.69 cm²/m²), qui contre-indique l'intervention.

Mais on ne peut pas remplacer une valve aortique avec 4 G/l de plaquettes, et une transfusion plaquettaire est classiquement rapidement détruite par les anticorps du patient.

 

 

Voilà donc un cas intéressant: deux pathologies contre-indiquant mutuellement leur traitement respectif.

 

 

Je l’ai fait hospitaliser en cardio, pour lui faire faire une dilatation « de sauvetage » avant la splénectomie et plus tard la chirurgie cardiaque.

 

 Aux dernières nouvelles, les plaquettes sont remontées, et elle devrait pouvoir être opérée de sa valve d’emblée (bien meilleure solution).

 

 

 

C’est bien l’immense force de l’hôpital, la complémentarité de médecins permettant a priori de se sortir de situations inextricables.

 

 

22/01/2006

La Rolex en or.

Pas grand-chose de passionnant cette semaine.
Vendredi, je revois un patient fort sympathique qui avait pris en charge à la clinique il y a quelques semaines.
En l’examinant, je repère une Datejust or jaune à son poignet gauche
La bête est entièrement en or, boitier et bracelet.
Le cadran est doré, bien entendu. On ne craint pas le ton sur ton chez Rolex.
Le genre de montre qui se repère à 300m.
Très « oriental touch », en l’occurrence très « sepharad touch ».
Je lui emprunte, ce n’est pas tellement lourd, en tout cas pas beaucoup plus que le modèle acier que je portais. Elle est bien entendu authentique, connaissant mon patient, et inspectant le modèle, pas d’hésitations.
La fabrication est impeccable, comme d’habitude, le modèle date des années 80, comme me le confirme mon patient.
« Vous voulez que je vous la prête quelques jours ? ».
Et bien, j’ai hésité à faire l’échange. Assez longtemps même. Pas par crainte de l’abîmer (c’est indestructible), ni de la perdre ; mais c’est vrai que ce modèle est difficilement portable en public. En tout cas,  en dehors d’un contexte oriental très marqué.
On parle un peu, je suis assez surpris qu’un homme aussi discret que lui porte un truc aussi visible.
Il m’explique sa vie dans « le sentier », et la quasi obligation, pour être pris en compte par ses interlocuteurs de respecter un code vestimentaire strict (comme au yacht club, en fait) :
- Rolex tout or pour le couple
- Grosse chaine Cartier en or, perdue dans les poils pectoraux
- Fourrure changée chaque année pour madame
Je lui ai dit que c’était comme dans « la vérité si je mens ». Il sourit, et me dit qu’en 20 ans, il a vécu toutes les situations du film, sauf la scène des robes pour poupées.
Je n’ai pas vu les films, j’acquiesce avec le sourire de celui qui veut faire croire qu’il comprend/sait.
Il faut que je loue le DVD.
Si il me refait cette proposition, je ne suis pas sûr de résister.
« Champion du Monde »

13/01/2006

30 minutes.

C’est le temps durant lequel j’ai côtoyé, Monsieur L. .

Je ne soupçonnais pas son existence avant, et après, c’était trop tard.

A 8 h, arrêt cardiaque, 8h30, fin de la réanimation.

Il avait 75 ans, et était malade du cœur.

Mais rien ne laissait prévoir cela.

Appel à une famille que je ne connais pas, et qui ne me connaît pas, en l’occurrence, sa fille.

Sonnerie

« Allo ?

-         Bonjour, vous êtes bien la fille de Monsieur L. ?

-         Oui ? (un peu inquiet)

-         Je m’appelle Lawrence Passmore, je suis cardiologue à la clinique XXX, je vous appelle parce que votre papa a fait un gros gros malaise ce matin à 8h. Pouvez-vous venir ?

-         Oui (elle a compris), j’arrive tout de suite ».

Elle arrive 20 minutes plus tard, avec ses deux frères.

Je leur annonce la nouvelle.

Ils sont effondrés, les frères un peu inquisiteurs et emportés.

Etait-ce prévisible ?

Hier il toussait, pourquoi n’avez-vous rien fait ?

Les infirmières sont-elles formées, le matériel est-il moderne ?

On ne  nous a pas dit que son cœur était fatigué, pourquoi ?

Pourquoi ne communiquez-vous pas entre médecins ?

 

Des questions en rafale, certaines n’ayant pas de réponses.

Surtout ne rien dire qui pourrait les choquer, ou les faire rechercher les fautes, là où il n’y en a pas. Y a-t-il eu des fautes ?

A vrai dire, j’ai toujours tendance à penser que oui.

La mort d’un patient est pour moi toujours un Mat, pour lequel il faut trouver le faux mouvement initial.

Alors que j’imagine ma propre mort comme faisant partie du cycle naturel, indissociable de ma vie.

Je compatis, et me retire, alors que commence pour la surveillante un dialogue éprouvant, mais qui déjà ne me concerne plus : levée du corps, inhumation avant ou après Shabbat….