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10/06/2008

Atterrissage.

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Deux consultations intéressantes depuis mon retour.

La première, une jeune femme de 19 ans, 3 mois post-partum d’un second accouchement qui s’est bien déroulé.

Au cours de sa grossesse, elle consulte un très distingué confrère pour des malaises, parfois avec perte de connaissance.

Ses malaises sont d’allure vagale, et n’ont pas de facteur déclenchant ou de chronologie particulière.

Le confrère fait une échographie cardiaque qui revient normale, et étiquette les malaises de fonctionnels.

Trois mois après son accouchement, elle continue à faire des malaises et l’inquiétude gagne le couple.

Ils reviennent voir les cardiologues à l’hôpital et tombent sur moi.

 

Les malaises ne me semblent pas inquiétants, en effet, mais j’essaye de tourner autour du problème pour trouver une ouverture et la cause de tout cela.

Ils sont sans emploi tous les deux, et elle allaite.

A première vue, elle mange convenablement. Je lui ai fait détailler un menu, car c’est incroyable le nombre de pathologies liées à une alimentation déséquilibrée chez des personnes en situation précaire, et il y en a de plus en plus.

 

Le menu n’est quand même pas fameux : boulettes de viande haricots verts en boite, ou viande et pâtes.

Je lui explique que ses malaises semblent sans gravité, mais que je vais faire un petit bilan complémentaire : NFS + ionogramme + bilan thyroïdien, afin de dépister un désordre en post-partum.

Je lui prévois un tilt test et un holter ECG, mais je ne suis pas convaincu.

Alors que je me lève pour lui prendre la tension couchée/debout, la chance me sourit enfin.

Elle me sort presque négligemment cette phrase : « Ah oui, je ne mange que le soir ! ».

« Ah bon ? Et Pourquoi ?

- Manger me dégoûte dans la journée, je fais ça depuis des années ».

C’est sûr, mais elle n’était ni enceinte, ni allaitante, ni occupée par deux enfants en bas âge avec toute la dépense énergétique que l’on peut imaginer.

Il ne restait qu’à en faire la démonstration, et encore une fois j’ai eu de la chance.

Elle m’a fait une superbe perte de connaissance avec prodromes (heureusement !) qui a cessé en la resucrant. La tension artérielle et son ECG n’ont pas bougé d’un pouce. Je n’ai pas eu le réflexe de lui faire faire un dextro (je ne sais même pas si j’ai un appareil dans mes petites consultations).

J’étais tout content de moi, même si le sort m’a beaucoup aidé dans l’histoire ; mais pas eux.

J’ai eu toutes les peines du monde à leur faire comprendre que la cause de tout ses problèmes venait probablement de là. Ils ont discuté, pinaillé, et ergoté.

Quand les gens viennent voir le cardio, inconsciemment, ils veulent une vraie maladie cardiologique avec un nom compliqué, mais si possible pas trop grave. Et pas qu’un médecin leur fasse la morale en leur disant qu’ils mangent n’importe comment…

 

La seconde est en fait un doppler artériel et veineux pour un bilan d’ulcère chez un homme de 81 ans dynamique mais avec un état général un peu moyen.

En général, je ne trouve rien. Mais dans ce cas l’ulcère était clairement artériel, et mon espoir a grandit.

Je n’ai pas été déçu : un anévrysme de l’aorte abdominale de 73 mm de diamètre maximal, partiellement thrombosé, une occlusion de l’artère fémorale superficielle à droite, et une sténose serrée de la fémorale superficielle gauche, du côté de l’ulcère, donc.

Je pense qu’une dilatation à gauche pourra améliorer les choses.

J’aurais volontiers fait un scanner pour voir si un geste endovasculaire sur l’aorte était jouable. J’ai appelé le généraliste qui prône l’abstention pour l’anévrysme. Je n’ai pas insisté, ça se discute, et il le connaît bien mieux que moi.

23/04/2008

Le double maçon.

Enfin, je ne sais plus si il était maçon, mais en tout cas, il travaillait dans le bâtiment.

Mon interne lui faisait un doppler des troncs supra aortiques, quand j’entrai dans la salle d’examen.

Sur son torse nu, je remarque une épaisse chaîne en or autour du cou, avec au bout de sa courbe un tellement gros énorme symbole maçonnique émergeant d’une moquette de poils noirs, qu’il en devenait ostentatoire.

Je me suis dit, tiens, curieux, en général les francs-maçons préfèrent en général la discrétion.

 

Plusieurs mois après, c'est-à-dire hier cette histoire m’est revenu à l’esprit en lisant un livre titré « Tout Homme est une merveille » de Denis Lafay aux éditions RH (une maison d’édition lyonnaise, cocorico !).

Ce livre est un recueil de textes qui tentent de comprendre la place de l’homme au sein de la société, l’entreprise. Les auteurs sont très divers, il y a des ultralibéralistes, des universitaires, des syndicalistes, des économistes, des gens de droite comme de gauche, des chrétiens et un patron franc-maçon.

Dans son texte, ce dernier explique son engagement au quotidien, et dans son entreprise, et la nécessaire rigueur pour ne pas être tenté par le copinage entre « frangins ».

Il concède que certains soient tentés de devenir francs-maçons pour profiter d’un réseau, et notamment remporter des appels d’offre. Il cite l’exemple des « fraternelles » qui regroupent des membres d’un même secteur d’activité et des BTP ou la concentration de frères semble être particulièrement dense. D'un autre côté, il remarque que la suspicion de copinage peut aussi s'appliquer à toute association humaine,  avec un but philosophique, religieux, caritatif ou autre, en citant le cas des rotariens.

J’ai repensé à mon maçon maçon.

Son engagement était il maçonnique ou maçonnant ?

Et d’une certaine façon dire « G eu le marché »…

09/04/2008

LOVE.

Une jeune femme échevelée et discrètement moustachue entre dans ma salle d’examen, talonnée par une dame consciente de son importance, qui se révélera être sa mère.

 

Elles sont bien excitées toutes les deux, et malgré la petitesse de la pièce elles s’interpellent lourdement et se coupent la parole sans cesse.

Patiemment, j’attends que le nœud de leur pensée se desserre un peu. J’ai donc le temps de les détailler.

 

La jeune a 37 ans, un petit poil de moustache, un air vaguement bête et des cheveux blonds teints devant lesquels n’importe quel coiffeur consciencieux se serait mis à sangloter.

La maman, blonde teintée aussi, est littéralement couverte d’or : nombreux bracelets, lourde chaîne, nombreuses bagouzes. Je ne vois que partiellement son visage caché derrière une paire de lunettes de soleil Dior® qui sont bien inutiles aujourd’hui ou le ciel est gris plombé et bas.

Je remarque enfin à son poignet droit deux bracelets en or dont je reconnais la marque aux 2 C entrelacés. Ils font partie de la collection LOVE® (Luxe Ostentatoire, Vulgaire et Epanoui).

 

Finalement, la cacophonie diminue d’intensité, et me permet de poser quelques questions à la fille, auxquelles la mère s’empresse de répondre.

L’histoire est finalement assez simple : une hypertension s’est déclenchée chez la fille en péri-partum, et cette dernière veut que j'arrête son traitement qui l’empêche de boire de l’alcool, à cause de flushs et qui « lui prend la tête » dès le lever du lit.

Je suis le second cardiologue qu’elle va consulter en plus de son cardiologue traitant, car ce dernier est « vieux ».

L’autre confrère qu’elle est allée voir lui a aussi « pris la tête » car il lui a conseillé de diminuer sa consommation de sel.

Mais ce n’est pas ça qu’elle veut : elle veut que tout redevienne comme avant, sans régime ni comprimé.

Elle a d’ailleurs, sur les conseils éclairés d’un non médecin, commencé de son propre chef à diminuer son traitement en ne prenant que la moitié d’un de ses comprimés (d’ailleurs non sécable, soit dit en passant).

 

Je lui prends la tension : 150/80 au bras droit.

Je commence à lui expliquer un peu la situation, sans pouvoir terminer une seule phrase, puisque sa mère m’interrompt constamment.

C’est que cette dernière a une théorie fort intéressante car elle pense que tout vient du petit dernier qui est hyper remuant, mais attention, pas hyper actif (nuance). Elle pense aussi que « tout est dans la tête » de sa fille.

Encore une qui lit trop les pages psycho des magazines féminins, et qui est persuadée que Madame Figaro est à Gala ce que le Dit du Genji est aux Liaisons Dangereuses.

Enfin, cerise sur le gâteau, l’affaire familiale est l’objet de tracasseries des services fiscaux, ces requins sanguinaires, qui leur réclament indûment environ 250000 euros d’impayés.

 

J’ai consciencieusement compati à leurs problèmes d’argent, et leur ai fortement conseillé de revoir leur cardiologue traitant, à la compétence et à la sagacité reconnues de tous ses confrères.

 

Vint alors pour moi le meilleur moment, celui du règlement.

Aucun soucis de ce côté-là : la jeune femme a la CMU…

 

En les raccompagnant, je leur ai souhaité à toutes deux une bonne santé, et surtout leur ai assuré de mon soutien moral total dans leurs ennuis avec le fisc.

J’espère en effet qu’ils ne baisseront pas le rideau de sitôt.

 

Ils tiennent un bar-tabac-presse.