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04/04/2005

Psychiatrie.

medium_chess.jpgCette spécialité ne m’a jamais attiré, mais les cours de psychiatrie à la faculté faisaient mes délices.

Notre Prof. s’appelait Jacques Hochmann. Il était plutôt débonnaire, et organisait tous les 15 jours des enseignements « à la Charcot » dans l’enceinte du vénérable « Vinatier » à Lyon.

Tout l’amphithéâtre, même ceux que l’on ne voyait jamais assistaient à ses cours.
Nous nous entassions dans une grande salle de classe, au plafond de laquelle pendaient des dizaines de microphones.
Je me suis toujours demandé à quoi ils pouvaient servir, et leur effet sur des patients un peu paranoïaques.

Le rituel est toujours identique : nous nous installons, Hochmann arrive et nous salue, puis viennent une interne de psychiatrie et son patient.
L’interne fait tapisserie, Hochmann et le patient s’assoient, et un entretien débute pour 30 minutes chrono. A la fin, le patient est raccompagné, et Hochmann nous met en valeur les points importants de l’observation, à l’aide éventuellement de l’interne.

Ce rituel peut sembler un peu étonnant, voire agressif pour le patient, de s’exposer devant près de 75 inconnus.
Mais à chaque fois le miracle se produit, dès l’entrée du patient, un silence profond s’instaure, tous respirent dans le même rythme, on entendrait pêter une mouche.
L’entretien débute, et le patient semble totalement nous oublier. A la fin, il semble surpris de nous trouver dans la pièce.
Evidemment, Hochmann choisissait des cas assez typiques, par pédagogie.

Certains patients, et internes de psychiatrie m’ont marqué.

La plus remarquable était une patiente hystérique, habillée en tenue couleur fourrure de panthère, et très maquillée. Elle nous a tellement séduit, ainsi que Hochmann, que l’entretien a dépassé les 30 minutes. J’ai trouvé ce pouvoir de séduction fascinant, presque surnaturel. Il m ‘a rappelé de ce passage de « Ravages » de Barjavel, qui a lieu dans un hôpital psychiatrique à l’abandon.

Nous avons vu un dépressif, et là, nous nous sommes franchement ennuyés (pour rester poli), comme Hochmann qui consultait sa montre toutes les cinq minutes. C’était un maçon qui vivait constamment avec un petit nuage de pluie personnel au dessus de la tête. Pas une tuile qui ne lui soit arrivée.

Je n’ai quasiment aucun souvenir d’un jeune schizophrène.
Mais je me souviens de l’interne, ressemblant à un "Freudet" trentenaire.
Le schizophrène était typiquement un jeune des banlieues (les Minguettes), issu de l’immigration, et au parcours scolaire et professionnel que l’on peut imaginer sans peine (il nous l'a en partie raconté, et Hochmann a complété le tableau).
L’interne se met à nous raconter que le patient dessinait une carte de France grossière, avec au sud un ovale divisé en trois partie égales, représentant le Maghreb.
Maroc, Algérie et Tunisie, de l’Ouest vers l’Est, que le patient abrégeait en M. A. T..
Interprétation (sans rire) de l’interne : le patient a une angoisse de mort, car MAT en vieux persan signifie mort. D’ou « Echec et Mat », qui vient du persan « Shah Mat », le Roi est mort (Le « Shah » d’Iran…).
Caroline et moi nous sommes regardé et avons éclaté de rire. Nous imaginions notre jeune consulter un traité sur les Echecs, et apprendre le vieux persan, sur sa mob, à la sortie du lycée professionnel.

Projection, vous avez dit ?

09:12 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)