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04/11/2008

Il pleut, les escargots sortent.

Je n’adore rien de plus que l’inventaire à la Prévert que forment les histoires de mes patients.

  • L’un me parle de Lexus (il en vend). « Passez me voir, je vous ferai visiter la concession, la moquette y est épaisse ! »
  • L’un de fleurs (elle est grossiste en fleurs). L’anesthésiste qui l’a vue croyait qu’elle avait des problèmes de coronaires, et me l’a donc envoyée en évaluation pré-opératoire. Elle ne connaissait même pas le terme « coronaires ».
  • L’autre me parle des parties fines à plusieurs qu’ils affectionnait dans les années 80-85 (il en a ramené une séropositivité) : « Le professeur m’a dit qu’il suffisait que le type qui était là juste avant vous l’ait, et que vous ayez une plaie, même minime sur le …. pour que…. »
  • L’autre espère me culpabiliser parce qu’il a traversé la moitié de la ville sous l’eau pour venir le jour même, alors que nous avions convenu d’un rendez-vous la semaine suivante au téléphone. Tant pis pour lui, il reviendra en deuxième semaine.

Et bien d’autres histoires plus ou moins futiles ou dramatiques.

La comédie humaine s’étale devant nous, chaque jour, pour peu que nous ayons l’immense privilège d’avoir le temps pour l’écouter.

01/11/2008

Trop de médecine…

tue la médecine.

85 ans, ancienne infirmière, un mari pharmacien, un fils radiologue, une belle-fille anesthésiste, et aucun suivi médical digne de ce nom.

A la consultation, la première, je lui trouve une TA à 180/90 et une sténose carotidienne gauche limite.

Je lui conseille de se faire suivre « sérieusement », au lieu de se faire prescrire quelques radios et bilans biologiques par son fils, au gré de son envie, et de « piquer » son traitement quotidien dans sa pharmacie.

Elle repousse l’idée d’une main osseuse qui porte une belle émeraude, certes un peu nuageuse, mais de taille respectable :

« Et que va-t’il me dire, que tout va bien ? ».

« La seule chose que je craigne est l’AVC ».

 

Ben, justement….

C’est certain, consulter un médecin n’a aucun intérêt si on se fait sa propre consultation dans sa tête avant même d’y aller.

J’ai fait un courrier à son fils pour qu’il fasse un scanner des TSAO.

Je pense qu’il lui donnera rapidement son rendez-vous.

J’ai aussi demandé que sa belle fille lui fasse un bilan d’hémostase. Elle a des bleus spontanés un peu partout, et il faudrait que je débute un traitement anti-agrégant….

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Un contrepoint intéressant, celui de l'excellent Dr Sangsue.

01/10/2008

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

 

Récemment, je me suis retrouvé en consultation devant une situation familiale complexe.

Pourtant, sur le papier, tout est relativement simple : un homme de 75 ans a une indication opératoire formelle de chirurgie cardiaque, posée en septembre dernier.

Depuis cette date, pourtant, cet homme n’a pas consulté de nouveau un cardiologue. Son traitement n’est pas adapté, et surtout, aucune évaluation pré-opératoire n’a été faite, et encore moins de date opératoire fixée.

C’est là que les choses se compliquent.

Le patient et son épouse sont sourds-muets, et c’est leur fils de 45 qui gère tout à leur place.

Manque de chance, ancien fumeur, le patient a été laryngectomisé. Avouez que d’un point de vue phonatoire, on peut dire que cet homme n’a pas de chance.

Il a des problèmes prostatiques, une insuffisance rénale chronique, un diabète insulino dépendant, une BPCO et mal aux jambes, probablement sur une artériopathie.

Au total, il en a marre d’être hospitalisé et des médecins, et son fils est dépassé.

Récemment, une surinfection bronchique, mal soignée, c'est-à-dire pas assez longtemps par des antibiotiques a conduit à la dégradation de l’état respiratoire du patient, et à ma consultation. Consultation bien entendue demandée en urgence, car le père « s’étouffe au moindre effort ».

Les parents sont inexpressifs, totalement coupés du monde. Le fils est inquiet et un regard qui me fait presque penser à une bête traquée.

J’ai demandé au fils pourquoi les antibiotiques avaient été arrêtés prématurément : « mon père marchait comme un vieillard sous ce traitement, et il l’a arrêté, vous savez, il est têtu ! ».

Pour l’opération, pareil, il est têtu, pour le traitement cardio-vasculaire, pareil, il est têtu…

En tournant autour du pot, je me rends compte qu’en effet, la communication n’est pas simple avec le père, mais que la situation est en grande partie imputable au fils.

Je ne porte aucun jugement sur lui, mais je crois que c’est lui, le plus sourd des trois.

Célibataire, il s’occupe à temps complet de ses parents handicapés dans leur vie quotidienne. Il ne veut pas déranger sa sœur qui habite loin et a 3 enfants.

Cependant, selon ses propres dires, il ne s’en sort plus.

Surtout, il travaille comme garçon de salle en réa.

Et là, il voit toutes les choses que l’on n’aimerait pas connaître avant de se faire opérer.

Et bien sûr, il est terrifié à l’idée que son père passe par là et …trépasse.

Je me rends compte aussi que vraisemblablement, il n’a rien dit à ses parents de l’évolution « naturelle » de la maladie de son père, c'est-à-dire l’insuffisance cardiaque, puis la mort. Et comme ses parents ne passent que par lui pour communiquer avec l’extérieur…

Il n’en a rien dit, primo, pour ne pas les inquiéter, et secundo car il n’en avait qu’une très vague idée.

Personne ne lui en avait vraiment parlé, juste un « c’est pas urgent, mais il faut s’en occuper ».

J’ai donc expliqué, ré expliqué en adoptant plusieurs points de vue. J'ai réussi à changer son traitement après quelques tergiversations.

J’espère qu’il aura entendu, ce que pour l’instant, il a obstinément refusé de faire.

13/09/2008

Une histoire simple.

Discuter avec ses patients est une expérience riche et sans cesse renouvelée.

C’est ce qui fait une bonne partie de l’intérêt du métier. L’histoire que je vais raconter n’est pas extraordinaire, sa valeur tient dans le seul fait qu’elle représente une portion de vie. Je n’en tire aucune morale, aucune leçon, faites de même.

Ce patient octogénaire vif et rondouillard sort d’une chirurgie cardiaque lourde, il est entouré et aimé de sa famille. Je l’ai suivi en préopératoire, et j’ai été très content de le retrouver en bonne forme ensuite.

Comme toujours, chez mes patients, je leur demande « ce qu’ils font/ont fait dans la vie ».

« J’ai fait l’Indochine, puis 45 ans comme manutentionnaire ». Son adolescence a été houleuse, fils d’un petit fonctionnaire départemental, il trafiquait et volait avec ses copains. Difficile de croire ça quand on le voit, débonnaire, l’œil rieur, malgré son âge et sa maladie. Il se fait embarquer par la police, et reçoit la visite de son père au poste.

« Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? ». Il ne savait pas. Son père lui a alors dit : « tu as le choix, la prison, ou tu t’embarques pour l’Indochine comme volontaire, pour te battre là-bas ».

Il a pris la seconde option et s’est engagé comme parachutiste à l’âge de 18 ans. Il a sauté vingt fois, sans jamais tomber sur un ennemi : « ils partaient en nous voyant, et il ne restait que les femmes, on pouvait quand même pas leur tirer dessus ! ».« On sautait beaucoup pour parader, pour faire plaisir aux généraux qui nous attendaient en bas».

Quand il n’était pas au front, il faisait le chauffeur, ce qui lui permettait de faire des virées avec ses copains. « On chassait, on péchait à la dynamite ».

Les filles de là-bas, il en a eu des tas. « Ils étaient tellement pauvres qu’une tablette de chocolat suffisait pour avoir une ou deux filles ».

Il a quand même participé à des combats, et a sauté sur une mine, heureusement sans gravité (il m'a montré sa blessure).

Au bout de trois ans, il est rentré en France, et son père l’a fait rentrer dans une administration. Il n’a jamais plus fait de conneries, a rencontré sa femme, aujourd’hui décédée, et a mené sa petite vie pépère, loin de son passé turbulent de petit délinquant et de para. Vous ne vouliez pas rester dans l'armée ? « Ca va pas, non ?!».

27/08/2008

Le bout du bic.

Coronarien ou pas ?

Quel risque opératoire ?

Epreuve d’effort ou rien ?

Quel âge peut bien avoir la fille? Est-ce sa fille?

 

Plongé dans un abîme de réflexion derrière mon bureau en contreplaqué d’attaché-vacataire du CHU, je suçote négligemment et inconsciemment le bout de mon bic noir.

J’ai pris une grande inspiration avant de reposer une nouvelle fois les mêmes questions, mais tournées différemment.

Je n’aurais pas dû.

J’ai presque inhalé le petit bouchon, me suis redressé brutalement sur ma chaise, et me suis mis à tousser bruyamment.

Le père et la fille supposés se sont regardés.

 

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’ils étaient beaucoup moins réceptifs à ce que je leur ai raconté ensuite.

Difficile de parler de façon convaincante de risque opératoire cardiovasculaire quand on vient juste de recracher dans sa paume droite un bouchon de bic noir tout baveux avec des bruits hydro-aériques…

 

05/08/2008

Germinal

La patiente de 29 ans dont j’ai déjà parlée ici et ici est venue me consulter ce matin.

Elle m’a appelé la semaine dernière pour un malaise et une perte de 9 Kg « en une semaine ».

Le malaise, d’accord, mais la perte de poids, j’étais plus dubitatif, étant donné que sauf cas de cachexie cardiaque, la cause est rarement cardiaque. Je craignais un peu le pire, mais j'étais en deça.

Elle vient accompagnée de ses quatre petits.

Elle a appelé les pompiers la semaine dernière pour une perte de connaissance, mais n’a pas voulu être hospitalisée car elle devait garder les enfants.

Je sais que son mari n’est pas d’une grande utilité pour le ménage, hormis de rapporter un peu d’argent, je ne sourcille donc pas à son apparente absence.

Elle me demande un certificat sur sa pathologie cardiaque afin que son mari soit transféré dans un centre proche.

En effet, il a pris un an à l’autre bout de la France pour une sombre histoire dans la voiture de son cousin.

Incrédule, et pour la première fois de ma vie, j’ai bafoué ma règle d’or de ne jamais demander le motif d’incarcération et j’ai une réponse qui serait drôle si la situation n’était pas si tragique.

« Il a rien fait, il était dans la voiture de son cousin qui a fait une connerie.

- Mais il a fait quoi comme connerie ?

- Ben rien, il était juste dans la voiture

- Et le cousin a pris combien ?

- Pareil, ou 1 an et demi

- Et ce cousin, vous le connaissez ?

- Non.»

Et les enfants qui étaient à deux pas répétaient en cœur « On les connais pas, les cousins de papa... ».

 

C’était poignant: la Maheu avec ses enfants.

La perte de 9 Kg et le malaise ?

Depuis 8 jours, elle ne mange plus.

Depuis ce matin, je me trouve au-delà du ridicule quand je considère mes soucis.

 

30/07/2008

Paroles de patients.

Aujourd’hui :

Un patient rentré pour une préparation respiratoire et si possible perte de quelques kilos avant une chirurgie cardiaque.

Je parle de la diététicienne et de l’intérêt de perdre quelques uns des nombreux kilos qu’il a en plus. Il opine du chef, enthousiaste.

Je remarque alors 2 gros carreaux de chocolat sur sa table de nuit.

En rigolant je lui dit « Avec ça, vous commencez mal ! »

Gêné et surpris : « Mais, c’est pas pareil, je le suce ! ». (Il faut aussi dire qu’on lui a enlevé toutes ses dents, des chicots pourris à ce qui parait, avant de l’opérer).

Je n’ai pas osé un « vous sucez puis vous recrachez ? »

 

Il y a une semaine environ :

Je rentre dans une chambre pour emmener un patient afin de lui faire une échographie cardiaque.

Le patient se soulève de son lit et me dit, étonné, « mais je n’ai rien commandé ! ».

Oui mais non, ici on est en cardiologie, pas au bar.

08/07/2008

Le retour des dessous.

Ce n’est pas le titre d’un nième film de morts vivants américain traduit en mauvais français, mais le titre de cette note que j’ai pourtant déjà écrite ici.

C’est terrible, mais j’ai de plus en plus de mal à me renouveller.

Aujourd’hui, j’ai vu à l’hôpital une jeune aide soignante de 28 ans pour un döppler veineux des membres inférieurs. Elle se plaint de jambes lourdes, notamment en fin de journée, et surtout quand il fait chaud.

Elle se déshabille et je constate qu’elle porte un string noir particulièrement rikiki.

Contrairement à la dame de ma première note, elle ne sent pas des pieds et n’est pas bête comme eux.

A chaque fois, je me demande pourquoi certaines mettent des dessous aussi provocants quand ils vont chez le médecin.

Je n’ai strictement rien contre le port du string dans une situation de rencontre potentielle, ou « en famille », si j’ose dire, mais au cabinet médical, ça me gène un peu.

Comme je l’ai dit, « Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas, disait Napoléon qui s'y connaissait. De l'érotisme à la vulgarité, aussi, je dirais même qu'il n'y a que la largeur d'un tanga ».

Car il faut voir comment se passe un döppler veineux du réseau superficiel des membres inférieurs.

On fait monter le/la patiente sur un escabeau de vasculaire (à 2 marches le plus souvent), on baisse au maximum sa chaise et on commence l’examen les yeux sur l’écran, mais la tête au niveau du bassin de l’examiné(e).

Pour les saphènes internes, qui sont devant, ça passe encore, pour peu que madame prenne soin de son petit jardin.

Mais pour les saphènes externes, qui sont derrière, c’est une autre histoire.

Se retrouver nez à nez avec un derrière couronné d’une ficelle et plus ou moins « celluliteux » n’est pas particulièrement agréable, et encore moins érotique.

 

Mais bon, il y pire dans la vie d’un médecin vasculaire.

Comme dit le vieux proverbe des döppleristes « Mieux vaut 28 ans en string que 82 ans en couche pleine ».

27/06/2008

Mort d’un patient.

Quel métier, quand même.

Il faut savoir accepter un taux de deuils bien plus élevé que les autres.

Je viens d’apprendre le décès récent de ce patient, avec qui j’étais, en tout cas pour le laboratoire de biochimie du CHU, frère de sang.

Il n’avait que 66 ans.

Sale fin de semaine, vraiment.

26/06/2008

La famille pathologique (suite).

Retournement de situation, l’épouse m’a proposé cet après-midi de devenir le cardiologue traitant de son mari.

J’étais surpris et content, et je n’ai même pas eu à décliner car mon cabinet s’avère être loin de chez eux et donc difficilement accessible au monsieur.

De toute façon, il est hors de question que je le suive.

Je sais de quoi elle est capable, et la conversation chaleureuse que j’ai eu avec elle cet après midi ne me cache pas les difficultés à suivre de façon sereine un tel couple.

 

Encore une fois, je finis par bien m’entendre avec les obsessionnels névrotiques ((BNP(-;)).

Le type de patient que je déteste : les je-m’en-foutistes geignards.