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30/01/2005

Je suis un Perse

Martin Winckler est un médecin généraliste, il le clame haut et fort.

Il a une forte personnalité, des idées bien arrêtées, et deux caisses de résonnance pour propager son propos: internet et la littérature (il s'est fait virer de France Inter en juillet 2003 pour ses critiques acerbes du lobby pharmaceutique).
Il publie des romans plus ou moins autobiographiques, ou son double s'appelle Bruno Sachs (La maladie de Sachs en 1999 et Les trois médecins en 2004).

Pourquoi il m'énerve?

Tout d'abord, car une partie de ses idées rejoignent les miennes, notamment sur le lobby pharmaceutique.
J'y consacrerai un jour une note car c'est un de mes dadas d'observer ce partenaire à la fois indispensable, mais aussi tentaculaire (pour ne pas dire vampirique) de la médecine d'aujourd'hui.
Ensuite, il lutte pour une médecine plus humaine, à l'écoute des patients.
C'est une cause politiquement correcte, démagogique et unanime (par ex., qui irait militer contre l'aide aux enfants du Tiers Monde??).
Mais il faut bien dire ce qui est, les patients sont de plus en plus considérés comme des porteurs de Carte Vitale par les médecins. Le visage humain ne devenant qu'un aimable paravent hypocrite vis à vis du reste de la société.
Pour l'instant, je ne suis pas encore contaminé; quoique....
J'ai déjà surfacturé des actes à la sécu, avec chaque fois une bonne raison (j'ai pas fait 14 ans de médecine pour si peu, de toute façon ce n'est pas le patient qui me paye mais la sécu-vous et moi- ...)
Mais bon, ce ne sont que quelques entorses dans mon casier professionnel vierge.

Mais bon, que Dieu (en fait surtout Hippocrate) m'en préserve.
Donc je suis 100% d'accord avec lui.

Pourquoi donc il m'énerve?

Primo, c'est une grande gueule, et j'ai du mal à supporter les gens qui ignorent la relativité (pas celle d'Einstein dont c'est le centenaire, mais celle de "Tout est relatif, et cela seul est absolu" de Auguste Conte). Pour compliquer le tout, j'admire (en les détestant) leurs certitudes à toute épreuve.

Secundo, selon sa classification manichéenne, je suis indubitablement "Perse" (Cf Les trois médecins)
Ce roman m'a tout d'abord attiré car il décrit avec assez de réalisme l'ambiance électrique des amphis en P1, puis le difficile apprentissage du métier.
Mais rapidement, je me suis rendu compte que la Médecine était divisée en deux: Les "Bons" généralistes (les Mèdes ou Merdes dans le vocable wincklérien) qui sont humains, gentils, courageux, honnêtes...; et les "Méchants" spécialistes (les Perses) qui sont arrogants, imbus de leur pouvoir, inhumains...
Une seule exception, la femme du Doyen qui est une "bonne" Perse.
Je suis donc clairement Perse, car ancien interne des Hôpitaux et ancien Chef de Clinique-Assistant et spécialiste (la simple évocation de mes titres confirme que ce classement est bien fondé, LOL).
Mon Père était lui aussi Perse (et de la pire race: un chirurgien, pire que Darius I lui même)
Je l'avoue, circonstance aggravante, que j'espère que mes deux fils le seront (vade retro satanasde l'Evangile wincklerien).

Je suis donc Perse et je l'assume.

Bien évidemment, cela fait bizarre de se retrouver du côté des méchants pas beaux...
Le Monde médical décrit par Winckler se situe dans les années 70 (les années de mon Père), et les choses ont considérablement changé.
A l'époque, il est clair que les internes (ceux qui réussissaient le concours de l'internat) représentaient une élite enviée et détestée (comme toutes les élites) par ceux qui n'en faisaient pas partie (les résidents, rebaptisés interne de médecine générale dans les années 80-Ah, le pouvoir de la sémiologie-).
Il faut bien dire que le Perses leur rendaient bien cette haine en leur barrant assez systématiquement presque toute formation pratique dans les services hospitaliers (Caricaturalement: "touche pas à l'appareil d'écho, va voir les entrées, et ramène moi un café").
Pour attiser cette guerre de tranchée, les résidents avaient la possibilité de se surqualifier dans un domaine, et donc de se spécialiser, et in fine de poser leur plaque avec l'étiquette et la rémunération des "vrais" spécialistes (Ah les fameux CES, notamment les anesthésistes aujourd'hui quinquagénaires, pleines de baguouses aux doigts, et de café sur leurs escarpins Minelli....)

Bref, la situation était inextricablement pourrie, pour les médecins et les patients (quoi de pire qu'une organisation pyramidale, voire féodale, dont le but est de ne pas former ceux qui n'en font pas partie?).
Dans les années 1990 (mes années), la situation a un peu évolué.
Un tout petit peu.

Je n'ai pas trop ressenti cette aversion durant mes études (peut-être parce que les CES ont été supprimés entre temps ?)
Dans ma promotion, 50% des étudiants ont présenté l'internat 1997.
Certains ont choisi la médecine générale par sacerdoce, et amour du métier (je me souviens notamment d'un gars extraordinaire, que j'ai perdu de vue: Dominique Y...), mais beaucoup par flemme ou dégoût du système des concours/examens itératifs qui jalonnent les études de médecine.
Je fais partie de ceux qui ont réussi l'internat, mais qui ont du s'expatrier (seuls 2 étudiants de ma promo ont pu être internes à Lyon même)
Une fois en poste, je l'avoue, à ma grande honte, j'étais presque plus Perse que dans le roman de Winckler.
Avec mes co-internes, nous terrorisions les pauvres IMG (interne de médecine générale) du service des urgences ou nous étions fréquemment appelés.
Il faut dire que nous avions le sentiment d'appartenir à une élite (encore une fois....), d'autant plus que notre spécialité (spécialité cardio-vasculaire) n'invite pas à la modestie (quelle est la différence entre Dieu et un cardiologue: Dieu ne se prend pas pour un cardiologue....).
Nous étions imbus du sentiment de tout savoir sur un domaine précis. (quand j'y repense, 8 ans aprés, je trouve cette vanité pitoyable)
Je ne me rendais pas compte que les IMG (et les urgentistes) doivent avoir une connaissance minimale sur un nombre impressionnant de domaines; il était donc facile de les pulvériser avec les connaissances d'une spécialité que je pratiquais 18h/24.
Et ce d'autant plus, suprème paradoxe, que pour tout savoir sur rien l'internat dure 4 ou 5 ans, contre 2.5 ans pour tout savoir sur tout.
Mais nous brocardions aussi même nos co-internes d'autres spécialités (les orthopédistes, néendertaliens de la médecine....).
Brefs nous étions incontrôlables (ne nous cachons pas derrière le "nous" qui dilue les responsabilités,j'étais incontrôlable).
Des vrais petits cons (un vrai petit con).
Mais après avoir étoffé mon cimetierre personnel (tous les médecins, comme les villes ont le leur, seule la taille varie:de celui de Verna (38) à celui du Père Lachaise); mon ego a considérablement dégonflé.
Ceci, sans pour autant rencontrer des IMG qui m'impressionnent par leur culture médicale, et leur capacité à l'empathie (qualité fondamentale en médecine).

Depuis peu, je travaille avec un MG (médecin généraliste) qui m'impressionne par ses connaissance, et me montre par ses compétences, que je ne sais même pas traiter la plus simples des pharyngites.
J'ai donc changé en prenant de l'âge et de la bouteille, les choses ne sont pas aussi simples qu'ils n'y paraissent.

Qu'est-ce que j'en retire?

- je suis fier et épanoui d'être Perse
- j'ai honte d'avoir été un petit con
- Le système universitaire médical privilégie clairement les spécialistes (les spécialistes n'enseignent qu'aux spécialistes)
- Les IMG-futurs MG-, qui devraient être les pivots de notre système de santé, et qui ont le plus besion d'être formés, le sont le moins (qualitativement et quantitativement).
- je ne sais pas ce que va apporter la nième réforme des études médicales (notamment la disparition du concours l'internat, sensée faire disparaître le système des castes médicales)

Pourquoi donc il m'énerve?

Parce qu'il a, en grande partie, raison.

13:05 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)

Commentaires

QUand la dedan on parl de Perse, on parle des perses, des iraniens ??????? Pourquoi yaurai-t-il une honte a etre perse????? et pourquoi c'est être mauvais et du côté des mauvais d'être Perse?????? je trouve ce texte pLus ke connnn , et le récit est digne d'1 fils de pute

Écrit par : la syphillise en personne | 23/02/2005

Le Perse est un spécialiste, par opposition au Medmerde, qui est Medecin généraliste; Voilà, avant de crier au fils de pute, comprends ! D'un autre coté, la traduction n'était peut etre pas assimilable par toi, "la syphilisse en personne".

Écrit par : primum non "conneries"dicere | 05/02/2006

internat 1997... mmmh... on a donc +/- le meme age, moi qui pensais etre BIEN plus jeune que toi !

Écrit par : nine | 13/08/2007

Commentaire un peu HS mais il me vient en lisant ton post... j'ai du mal avec les gens materiellement chanceux (dans le sens en bonne sante, avec un boulot, un toit et de quoi faire ce qu'ils aiment - ce qui ne veux pas dire qu'ils soient intrinsequement heureux, on est d'accord) et qui se plaignent...
il y a qq temps (1 an et demi) je me suis pris la tete avec un tres bon ami medecin (radiologue) a propos des generalistes, au debut, puis ca a devie sur l'argent (le nerf de la guerre, hein...), les conditions de travail a l'hopital, les fraudes a la carte vitale, l'humanitaire, le numerus clausus, etc...
on ne s'est pas parle depuis. Lentement je digere, je comprends son point de vue sans toute fois etre d'accord avec lui. Comment peut-on etre 'vexe' qu'un carreleur ou un plombier gagne plus que soi ? Si c'est le cas et qu'on le vit si mal que ca, pourquoi ne pas devenir plombier ou carreleur ?? Ah oui... mais alors il faudrait bosser facile 50h par semaine, plus le black eventuel, et abandonner le douillet temps partiel a l'hopital...
bref, je m'egare mais en lisant ton post, je realise que mon Perse d'ami est quand meme un mec bien et je vais lui ecrire pour le lui dire, mais que non vraiment, je ne vais pas le plaindre ni changer d'avis !

pfffiou...

et bravo pour ta conclusion sur Martin Winckler !

Écrit par : nine | 13/08/2007

>nine: une des choses les plus difficiles est de se mettre à la place des autres. Il n'y a en effet qu'une seule vérité absolue, c'est que tout est relatif.

Écrit par : lawrence | 13/08/2007

dr passmore, desolee, mais la grande phrase universelle, ca va pas le faire ;-)
toi c'est les grandes gueules qui t'enervent, moi c'est les grandes phrases...

oui tout est relatif, bien-sur ! d'ou l'interet de changer de referenciel de temps en temps, non ?

Écrit par : nine | 13/08/2007

Ouarff!
On est fait pour s'entendre!

Écrit par : lawrence | 13/08/2007

Les commentaires sont fermés.