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07/02/2005

Caroline (la rose et le réséda)

J'ai relu ma note d'hier sur Delphine et, je me suis revu la haïr ce fameux 8 décembre.
La note décrit assez exactement mon sentiment d'exaspération.
J'ai passé de merveilleux (trops brefs) moments à ses côtés, noyés dans un océan de frustration. Pas seulement physique (un petit peu tout de même), mais aussi sentimentale; j'étais persuadé qu'elle représentait ce que j'avais tant attendu.
A distance, je renie donc le terme de "s...", que j'ai tant pensé à cette époque.

Caroline était diamétralement opposée, comme Nouméa et Saint Pétersbourg.
Nous avons roulé notre bosse ensemble entre septembre 90 (rentrée première P1) et le 31 juillet 1998, date de sa dernière lettre.
Elle était donc très différente: petite, boulotte, les cheveux châtains clairs, de petites lunettes ovales, et autant de grâce qu'un percheron (la comparaison est un peu brutale, mais assez vraie, et pleine d'affection de ma part -voir Malvil de Robert Merle-).

Septembre 90, je me retrouve noyé dans le chaudron du mythique "amphi Hermann" (qui n'a rien à envier à Geoffroy Guichard un soir de derby Lyon-St Etienne) après trois ans dans un lycée trés catho-bon-chic-bon-genre-j'appartiens-à-une-élite surprotégé (s'embrasser en public était passible d'exclusion temporaire...).
Je fais la connaissance de deux autres bizuths perdus qui se sont fait plâtrer ensemble lors du bizutage: Caroline et Frédéric.
Nous décidons de travailler ensemble, après quelques tergiversations (je courrais alors un autre lièvre, encore une fois...).
Ils sont cathos tous les deux (uhmmm, çà commence mal...), lui est bon-chic-bon-genre, mais trés sympa (sa vie a été illuminée par un contact direct avec JPII lors d'un voyage pontifical en Savoie....).
Nous travaillons alors comme des fous, avec tous les petits hauts, et petits bas d'une année de concours.
Nous nous soutenons mutuellement, et comme au sein de tous les groupes de trois personnes, je tente de ne pas être isolé par ma différence: mon irrévocable athéisme (par de piètres petites manoeuvres bien indignes du "Le Prince" de Machiavel, que je lisais à cette époque là)
En fait, curieusement, c'est Frédéric qui a été "isolé", peut-être du fait d'une certaine rigidité de pensée (Caroline était plutôt du genre catho "bonhomme", genre Frère Tuck).
Nous étions toujours inséparables, mais un clivage s'était formé.
Nous avons tous les trois repiqué la P1.
Au bout de la deuxième P1, Frédéric s'est un peu "désuni" avec une joli brune nommée Sophie, et il a planté son concours.
Caroline et moi avions donc atteint le "Graal", devant lequel nous bavions depuis 2 ans: pouvoir consulter le tableau d'affichage des P2, afin de s'informer sur la date des choix de stages (l'extase). Ce tableau est situé à 2m50 de celui des P1, mais nous avions mis deux ans pour franchir cette distance, et le pauvre Frédéric n'y était pas parvenu.
Les années se sont alors succédées, avec pour rythme les deux partiels -février et juin- (Cf l'excellente note de Mélie:l'éponge).
Nous étions inséparables à la fac, aux sorties piscine du jeudi.....
J'ai commencé à la voir différemment, en un mot, à l'aimer.
Toute ma culture biblique provient de ces après-midis de révision, ou elle me racontait tel ou tel passage (mon histoire préférée: Joseph et ses frères)
J'ai mis deux ans pour le lui dire (mais je lui ai dit, pas comme pour Delphine, Cf. infra:yeah, I did it!).

Un après-midi de révisions (pour paraphraser une pub Lacoste: "on est toujours avant ou aprés une partielle en médecine"), nous faisions une petite sieste sur mon lit (c'était rituel, toutes les 2-3 heures, et totalement asexué):

"- dis moi...
- oui... (il faisait chaud dans la pièce, ou c'était moi...)
- comment envisages-tu notre relation ?(comme je l'ai déjà dit, j'étais très "intellectuel", bref c'était pas gagné....)
- uhmmm (combien peut-être long un grommellement!), je t'apprécie beaucoup, je ne veux pas te faire de peine, mais j'ai fait un choix de vie, je veux rentrer dans les ordres...
- ah bon............."

Que le monde est cruel, j'ose me déclarer après deux ans, et je tombe sur le pouce des doigts de la main qui veulent rentrer dans les ordres, en France et par an.
Après, le reste de l'histoire est plus difficile à raconter, car je n'en sort pas grandi.
Du jour au lendemain, je l'ai ignorée (par méchanceté ou vengeance, et aussi par instinct de conservation).
Notre relation étant quasi exclusive au sein de l'amphi, elle s'est retrouvée totalement isolée (j'étais quand même un peu plus sociable qu'elle...).
J'étais alors à la fois triste et heureux de la voir errer comme une âme en peine d'amphis en amphis, au gré des cours.
Puis est venu le sprint de l'internat, et Delphine, qui ont effacé son image, qui était omniprésente dans mon esprit.

On s'est revu une ou deux fois après.
Elle m'avait pardonné (le vieux réflexe de tendre la joue gauche- car comme la majorité de ceux qui frappent, je suis droitier-), ce qui rendait ma honte encore plus aiguë.
Mais elle avait changé, ses discours m’inquiétaient, car le frère Tuck avait peu à peu laissé place à Thérèse de Lisieux, et son mysticisme absolu (« la petite voie »).
Je ne la reconnaissais plus ; sa famille et sa sœur non plus (elle avait aggravé son mysticisme, avec une tendance à l'incurie; elle que j'ai connue si soucieuse de sa propreté).
Dans une de ses dernières lettres, elle m’annonçait avoir fait sa demande pour devenir « postulante ».
Depuis, plus de nouvelles, elle n'a jamais terminé sa médecine (absente du registre des théses, et inconnue du Conseil de l'Ordre)

Je l'imagine aider de petits enfants africains en pleine brousse, en robe de bure blanche.

Mais le fantôme de Thérèse de Lisieux me fait frémir parfois.

18:55 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Jolie petite histoire.
Et qui montre encore une fois que tout médecin que l'on soit, ça n'empêche pas certains d'entre nous de suivre des voies... peu communes.

Écrit par : Melie | 08/02/2005

Les commentaires sont fermés.