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06/07/2005

Les études et le monde réel.

medium_pills.jpgNotre pratique médicale est basée en très grande partie sur des résultats d’études scientifiques effectuées sur l’être humain.
Cette recherche clinique doit être rigoureuse, sous peine d’obtenir des résultats erronés, et donc de mal traiter nos patients.
Un jour, je détaillerai tous les obstacles qui se dressent devant une étude clinique qui se voudrait rigoureuse, et si je suis en forme, quelques notions de statistique.
Un grand principe toutefois : les patients chez qui le praticien prescrit un médicament X doivent être les mêmes que ceux de l’étude. Il ne devrait avoir aucune différence entre la population initialement étudiée, pour prouver l’efficacité de tel ou tel produit, et les patients à qui l’on prescrit, en bout de chaîne, cette molécule.
Evident, vous pensez ?
Pourtant, ce n’est pas si simple à faire en pratique.
Les personnes enrôlées dans les grandes études sont sélectionnées, calibrées, éduquées, surveillées comme des vaches charolaises de concours. Donc, in fine, assez différentes du patient lambda.
Pourquoi ?
En grande partie pour éviter les facteurs de confusion que pourraient amener par exemple, l’existence de pathologies multiples chez un patient X ou Y.
Donc, les protocoles des études écartent le plus souvent les patients âgés, ou « complexes ».

Un exemple frappant est donné dans « theheart.org », à la date du premier juillet.
Je passerai sur les détails inutiles.
En 1999, une étude a remis au goût du jour une molécule, utilisée depuis une trentaine d’années. On s’est rendu compte qu’elle diminuait la mortalité de l’insuffisance cardiaque sévère de 30% environ. Ce « vieux » médicament a presque tout pour plaire : tous les médecins le connaissent, son prix est ridicule, et il sauve des vies dans une pathologie grave. Seul inconvénient, il provoque des effets secondaires parfois graves, si on ne surveille pas le patient (hyperkaliémie notamment).
Donc en 1999, l’étude est publiée dans le « New England Journal of Medicine », le Saint Graal de la littérature médicale. Elle est claire, méthodologiquement inattaquable, et les résultats sont remarquables.
La population étudiée est parfaitement définie, l’utilisation de cette molécule est limpide.
Comment cette étude a été transposée dans la pratique courante ?
Seulement 24.1% des patients satisfaisant aux critères de l’étude ont effectivement bénéficié de cette molécule.
17.4% des patients ne satisfaisant pas ces critères ont pourtant eu une prescription de ce produit
30.9% de ces prescriptions concernent des patients totalement différents de ceux étudiés en 1999.
En Ontario (Canada), le nombre d’hospitalisation pour hyperkaliémie a fait un bond de 2.4/1000 en 1994 (avant la publication de l’étude) à 11/1000 en 2001 (après).

Donc, se pose ici clairement le problème de l’inadéquation entre les données fournies par la littérature, et la mise en pratique.
Par ailleurs, on ne peut même pas accuser l’industrie pharmaceutique, qui a fait très peu de marketing autour de ce produit ancien ,et très peu rentable. Pour ne pas faillir à ma réputation : l’industrie dépense des milliards pour nous faire prescrire des médicaments chers, mais peu/pas efficaces, et infiniment moins pour les molécules anciennes, bon marché, mais abaissant la mortalité de 30% dans une pathologie grave.

En fait, l’explication d’une telle différence semble être la suivante : les médecins, rassurés par leur connaissance de ce produit, et cherchant à sauver des vies, l’ont un peu prescrit à tors et à travers.
D’ou le nombre élevé d’indications incorrectes, et d’effets secondaires.

Encore une fois, rien n’est simple en médecine…


Commentaires

Très intéressant Lawrence... Tellement que je vais relayer chez moi.

Écrit par : Melie | 06/07/2005

Ouais...
J'aime pas prescrire.... mais c'est bien utile!

Écrit par : shayalone | 06/07/2005

salut cava bien

Écrit par : khalid | 18/07/2005

Les commentaires sont fermés.