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10/05/2007
Comment peut-on être Persan?
RICA AU MEME.
A Smyrne.
Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.
Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: " Ah! ah! monsieur est Persan? C'est une chose bien extraordinaire! Comment peut-on être Persan? "
A Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712
Montesquieu.
Les lettres persanes (1721)
Lettre XXX.
12:41 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
> "Comment peut-on être Persan?"
En restant tapis ?
...
Hum...
...
Désolé. Je sors.
Écrit par : Merlin | 10/05/2007
ouarff!
Écrit par : lawrence | 10/05/2007
C'est le texte sur lequel j'ai planché à l'oral du bac de français !
Écrit par : Hell Cat | 10/05/2007
Lorsqu'en 1721 un auteur anonyme fait paraître à Amsterdam les Lettres persanes, il s'accorde à une double mode : celle de l'Orient et celle du roman par lettres. Mais c'est pour mieux s'en affranchir : de son modèle, l'Italien Marana, qui avait publié L'Espion turc en 1684, l'auteur retient en effet l'étonnement d'un musulman sur les pratiques chrétiennes, mais il le dépasse en instaurant ce regard « pluriel » que permet l'échange épistolaire. Des turqueries en vogue depuis le XVIème siècle, il garde le pittoresque mais le met au service d'une réflexion philosophique sur la relativité des coutumes et la recherche d'un ordre universel bâti sur la raison.
Cet auteur, on savait déjà à l'époque qu'il ne pouvait être que ce baron de Montesquieu (1688-1755), déjà connu pour des traités d'économie politique, qui avait craint par ce petit livre licencieux de paraître bien léger pour sa fonction de magistrat. Le succès n'en fut pas moins considérable et inaugura une autre mode qui eut sa fortune jusqu'à nos jours.
http://www.site-magister.com/persanes.htm
Montesquieu a inspiré cette citation célèbre : "Comment ne peut on être Maltais !" (Bonaparte)
je sais c'est facile ;-)
Écrit par : Dr. Ventouse | 11/05/2007
désolé une fausse manip.
Le premier texte extrait du Net n'est pas corrigé, le deuxième oui.
Cherchez l'erreur ;-)
Écrit par : Dr. Ventouse | 11/05/2007
>Dr Ventouse: ouarff!
J'ai supprimé le doublon.
Je pensais aussi au faux con maltais (ou au vrai con maltais, en fonction de ses tens=dances politiques!)
>Hell cat: je ne me rappelle pas du mien! (en latin, c'était l'invocation à vénus de Lucrèce)
Écrit par : lawrence | 11/05/2007
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