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23/09/2007

Le pouvoir des symboles.

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Le  Pygargue à tête blanche est un des symboles les plus connus des Etats-Unis.

Il a été choisi le 20 juin 1782 par le Congrès.

Mais saviez-vous que ce choix n’a pas été unanime ?

 

Benjamin Franklin s’y est notamment opposé, et l’on retrouve ses arguments dans une lettre rédigée à l’intention de sa fille le 26 juin 1794 à Paris.

Extrait :

"For my own part I wish the Bald Eagle had not been chosen the Representative of our Country. He is a Bird of bad moral Character. He does not get his Living honestly. You may have seen him perched on some dead Tree near the River, where, too lazy to fish for himself, he watches the Labour of the Fishing Hawk; and when that diligent Bird has at length taken a Fish, and is bearing it to his Nest for the Support of his Mate and young Ones, the Bald Eagle pursues him and takes it from him.

 

"With all this Injustice, he is never in good Case but like those among Men who live by Sharping & Robbing he is generally poor and often very lousy. Besides he is a rank Coward: The little King Bird not bigger than a Sparrow attacks him boldly and drives him out of the District. He is therefore by no means a proper Emblem for the brave and honest Cincinnati of America who have driven all the King birds from our Country . . .

 

"I am on this account not displeased that the Figure is not known as a Bald Eagle, but looks more like a Turkey. For the Truth the Turkey is in Comparison a much more respectable Bird, and withal a true original Native of America . . . He is besides, though a little vain & silly, a Bird of Courage, and would not hesitate to attack a Grenadier of the British Guards who should presume to invade his Farm Yard with a red Coat on."

 

Prémonitoire ?

08:45 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Pour ajouter à l'information, voici un article paru dans Courrier International fin 2006.

LE PYGARGUE, EMBLEME DES ETATS-UNIS •  Un aigle, ça ? Non, seulement un charognard

Ce fut Thomas Jefferson qui attribua au pygargue à tête blanche la mission de jouer les porte-étendards de la toute jeune nation américaine. Il suivait les tenants de la physiognomonie, cette pseudoscience aujourd’hui jugée raciste, qui affirme que l’aspect extérieur d’une personne ou d’un animal trahit sa nature profonde. Du fait de sa tête blanche et de ses yeux jaunes, le pygargue, disaient les physiognomonistes, ne pouvait être que noble et courageux. Benjamin Franklin, c’est tout à son honneur de scientifique, rejeta cette logique bancale et reconnut, que l’oiseau n’était en réalité qu’un pirate. Pis encore, c’était à ses yeux un “couard lamentable, qui a pour habitude de fuir les oiseaux de la taille d’un moineau”. Franklin proposa donc de recruter plutôt comme emblème la dinde, volatile aux nombreuses vertus. Mais il échoua à imposer ses arguments : notre jeune nation attachait manifestement davantage d’importance au symbolisme qu’à l’histoire naturelle, et la dinde avait nettement moins de charisme que le pygargue.
On peine à comprendre comment Jefferson a pu ignorer les mœurs alimentaires du rapace. Son style de vie avait été décrit avec exactitude en 1754 par Mark Catesby, naturaliste anglais réputé. Dans son Histoire naturelle de la Caroline, de la Floride et des îles Bahamas, Catesby avait identifié le pygargue comme un pillard qui préférait aller chercher ses poissons dans le nid d’un balbuzard pêcheur (Pandion haliætus).
Que les pygargues à tête blanche [Haliaeetus leucocephalus] volent plus qu’ils ne chassent ne doit pas nous surprendre : ce ne sont pas des aigles à proprement parler, malgré leur nom anglais de “bald eagle”, ou aigle chauve. Difficile d’appartenir à cette élite (le genre Aquila) avec des pattes vaguement emplumées et des tendances douteuses sur le plan gastronomique. Les pygargues à tête blanche et à pattes nues appartiennent à une branche des pygargues qui s’est détachée de la lignée des vautours africains il y a seulement quelques millions d’années. Il leur arrive de chasser, mais ils ont conservé la capacité des vautours à se nourrir toute leur vie durant de chair putride. Ni leur physiologie ni leur instinct ne les obligent à s’emparer de proies vivantes. En revanche, l’aigle royal et le balbuzard sont tous deux contraints de chasser.
Si jamais Jefferson connaissait ces particularités de l’histoire naturelle, il n’a pas jugé utile d’en faire profiter son petit camarade Meriwether Lewis [explorateur et gouverneur de la Louisiane] avant de le barder d’insignes ornés de pygargues et de l’envoyer vers l’Ouest faire la cour aux diverses nations indiennes. Pourtant, il peut s’avérer difficile de convaincre des alliés potentiels que vos intentions sont honorables quand vous avez pour totem un oiseau qui assure sa subsistance en détournant les biens des autres. Peut-être Jefferson avait-il pressenti ce que seraient à l’avenir les relations entre les Indiens et les Etats-Unis et s’était-il ainsi laissé aller à un discret trait d’humour noir. Quoi qu’il en soit, vers le milieu de son expédition, Lewis a commencé à douter de la prétendue noblesse de l’oiseau. Dans l’une des rares notes caustiques de son journal, il tourne le pygargue à tête blanche en dérision et le présente comme un voleur et un charognard. “Nous continuons à observer un grand nombre de pygargues à tête blanche. Je suppose qu’ils doivent se nourrir de carcasses d’animaux morts, car je ne vois nul faucon pêcheur [balbuzard] à même de leur fournir leur aliment préféré.”
La prédation aquatique est un art complexe à maîtriser pour les oiseaux. Parmi les différentes espèces de grands oiseaux carnivores d’Amérique du Nord, deux seulement sont aquatiques : le pygargue à tête blanche et le balbuzard pêcheur. Les serres barbelées de ce dernier lui permettent d’agripper aisément les poissons ; ses plumes huileuses résistent à l’humidité ; ses narines peuvent s’obturer, lui évitant d’aspirer de l’eau, ses paupières translucides facilitent sa vision sous la surface et les bandes noires qui entourent ses yeux minimisent l’effet de la réverbération. Plus important encore, il peut tourner ses serres vers l’arrière, si bien que, après avoir saisi un poisson par le flanc et l’avoir hissé hors de l’eau, il est en mesure d’orienter sa prise vers l’avant, sa charge gagnant en aérodynamisme. Un truc qu’aucun autre rapace ne maîtrise. Dans l’ensemble, les pygargues sont des pêcheurs nettement moins efficaces. C’est peut-être pour cette raison qu’ils préfèrent les parcours de migration des saumons. Là, ils peuvent se nourrir sans effort de poissons morts, flottant ou s’étant échoués.
Donc, les pygargues ne valent pas les balbuzards en habitat aquatique. Mais sur la terre ferme et dans les airs ils soutiennent encore moins la comparaison avec leur concurrent, l’aigle royal. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que Lewis ait mis fin à sa lune de miel avec le pygargue dès qu’il apprit à connaître le “plus beau de tous les aigles d’Amérique”, l’aigle royal, le seul véritable aigle d’Amérique, dont les plumes ornaient les coiffes de presque tous les chefs indiens des Plaines. Car, si le pygargue parvient encore à dérober sa pitance au balbuzard, beaucoup plus petit que lui, il ne s’y risque jamais avec l’aigle royal, de même taille que lui. Qu’il s’agisse d’attraper leurs propres proies ou de manger la chair d’animaux blessés ou morts, les aigles royaux l’emportent. Lewis remarqua ainsi qu’à l’approche de l’aigle royal “tous quittent instantanément la carcasse dont ils se nourrissaient”. Souhaitant confirmer les observations de Lewis, j’ai rôdé autour de quelques carcasses. Un divertissement si intéressant que je suis prête à me lever avant l’aube et à revenir jour après jour sur un site pour suivre toute la scène. Lewis avait raison : les deux rapaces jouent des rôles remarquablement différents. L’aigle royal se nourrit, le pygargue à tête blanche se planque.
Les Américains qui ne vivent pas parmi les aigles et n’ont pas lu le journal de Lewis pourront en savoir plus grâce au classique d’Arthur Cleveland Bent, Life Histories of North American Birds of Prey (Vie et mœurs des oiseaux de proie d’Amérique du Nord), publié en 1937. “Un bel oiseau”, écrit Bent au sujet du pygargue, mais “qui ne mérite guère la distinction [d’être l’emblème national]. Ses mœurs de charognard, son attitude timide et lâche, sa façon d’agresser comme un pillard le balbuzard, plus petit et moins fort, n’inspirent guère le respect”. Sa description des vilaines habitudes du pygargue nous dévoile en outre que notre symbole national adore le vomi de vautour. Sauf que le vomi de vautour, ça ne se trouve pas partout. Par conséquent, le pygargue cherche des vautours et les oblige à vomir, puis se repaît du résultat. “Seuls ceux qui ne connaissent pas son comportement peuvent encore admirer notre oiseau national”, commente Bent.
Planant au-dessus de somptueux paysages avec l’air d’apprécier le panorama, les pygargues à tête blanche semblent fuir leurs responsabilités. Moi aussi, d’ailleurs, pourrait-on me reprocher, vu que je passe des heures et des heures à observer tranquillement les oiseaux. C’est que, techniquement, en tant que spécialiste de la faune, ça fait partie de mon travail. Pourtant, comme le pygargue, j’obéis à une routine qui ressemble plus à de la flemmardise qu’à un vrai travail. En ce qui me concerne, c’est un choix de vie délibéré. Je ne nierai pas que, pour ce qui est de l’idée que Jefferson se faisait de la nation, la dinde est un symbole plus adapté. Mais pour ce qui est de ma propre idée de l’Amérique, dont la Constitution garantit le droit au bonheur, alors, le pygargue me va tout à fait. Après tout, c’est essentiellement à ça que nous occupons notre temps, lui et moi : à affirmer avec assiduité notre droit au bonheur.

Catherine Raven
American Scientist

Écrit par : Hervé | 23/09/2007

ça me fait penser au meilleur de M.Moore, ie The Big One quand il parle d'un passage de downsize this (sujet qu'il maîtrise le mieux certainement) au sujet des symboles américains :
"I've never seen a bald eagle"
Et son fils lui dit :
"Et pourquoi pas un homme chauve (bold) ?
J'en vois plein dans la rue !"

Écrit par : Brg | 23/09/2007

Brg, chauve, c'est "bald". Mais "bold" (gras) marche bien aussi. A bold bald man ? eheh...
(à ne pas rapprocher des "great balls of fire"...
Sérieusement, étant confronté avec une régularité déprimante aux comportements de prédateur de certains acteurs majeurs de l'économie étasunienne, je ne peux considérer la lettre de Benjamin Franklin qu'avec sympathie.
Après tout, l'emblème n'est pas si mal choisi...

Écrit par : Jacques | 24/09/2007

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