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27/10/2007

La crise du gaz.

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Ceux qui lisent régulièrement ce blog se rappellent probablement ça et là des notes parfois un peu agacées sur nos amis anesthésistes.

Pourtant je ne suis pas du tout un anti-anesthésiste viscéral.

J’ai fait 5 mois de réa (et je fais toujours des gardes) et même 1 mois de bloc opératoire en chirurgie cardiaque en temps que simili interne d’anesthésie au cours de mon internat. J’ai donc vu comment cela se passait de l’intérieur et j’ai apprécié à sa juste valeur le travail parfois ingrat de l’anesthésiste.

 

Ca m’énerve donc d’autant plus quand j’en rencontre un qui ne fait pas son travail.

 

Cette semaine, j’ai été confronté à deux reprises à une dysfonction aiguë d’anesthésiste.

 

Lundi matin : une patiente descend en lit du service de chirurgie ortho. Elle a mal au dos (une histoire de chirurgie rachidienne).

Pas de courrier, un traitement marqué sur un demi feuille A4 blanche déchirée avec l’étiquette de la patiente collée dessus. Le dossier est descendu aussi. Le premier mot médical (et le dernier) a été rédigé par un externe 10 jours avant.

Je téléphone dans le service où je tombe sur une IDE puis la cadre qui ne savent pas vraiment pourquoi je dois la voir « L’anesthésiste voudrait savoir si on peut reprendre son traitement cardiaque ». Pourquoi, lequel ? « Je ne sais pas… ».

C’est un peu court.

Je n’ai pas donné d’avis, et j’ai renvoyé la patiente avec un petit courrier explicatif et désabusé et un peu sarcastique destiné à l’anesthésiste agraphique. J’ai aussi pris soin de donner un double de ce courrier à la patiente après lui avoir expliqué que je ne pouvais pas travailler dans ces conditions.

 

Mercredi : un homme jeune, la cinquantaine, vient me voir pour une consultation pré-opératoire au CHU. C’est un patient archi connu du service (je l’ai déjà vu à plusieurs reprises au cours de mon internat) et suivi par le chef de service. Il a un pontage aorto-coronarien, de multiples angioplasties et une épreuve d’effort toujours positive sous traitement antiangineux pour des paliers élevés. Par ailleurs il a une artériopathie des membres inférieurs et a été dilaté sur une artère iliaque.

Il arrive les poings tous faits car il doit bénéficier d’une chirurgie de la rotule et il ne comprend pas trop pourquoi l’anesthésiste lui demande un avis cardio. Il a mal au genou et est contrarié par ce délai, inutile pour lui.

Je lis le courrier de l’anesthésiste (qui travaille en clinique, je le précise).

En substance, il me donne toute latitude pour autoriser ou non l’anesthésie et d’arrêter la double antiagrégation plaquettaire pour une chirurgie « fonctionnelle », comme il me le précise gentiment, au cas où je ne l’ai pas compris.

J’ai levé les yeux du courrier et j’ai dit au patient que cet anesthésiste est soit très con, soit très nul, et que à titre personnel je ne me ferais certainement pas endormir par le rédacteur d’une telle lettre.

 

Explications de texte.

Ce n’est en effet pas au consultant de déterminer si l’on peut endormir ou non un patient. En effet, seul l’anesthésiste qui fait la consultation pré opératoire, et in fine celui qui se retrouve au bloc qui peut décider de le faire. Le geste anesthésique a en effet des spécificités qui échappent assez largement au non anesthésiste.

Comment pourrais-je savoir si on peut endormir avec un risque acceptable un patient si je ne l’ai jamais fait ?

 

Le rôle du consultant est de statuer sur l’état du patient pour sa spécialité et de proposer si besoin des investigations complémentaires ou des traitements en fonction du type de chirurgie, du type d’anesthésie et du profil du patient.

Cette lettre est donc un non sens total et de toute évidence une tentative d’ouvrir grand le parapluie au cas ou un soucis survienne. Et même dans ce dernier cas, le rédacteur est à côté de la plaque.

Imaginons que « j’autorise » cette anesthésie. Si un problème survient, ce sera tout de même l’anesthésiste qui sera en première ligne car c’est lui qui a poussé le produit. La défense du type « le cardio a autorisé l’anesthésie, je m’en lave les mains » ne tiens donc pas.

Je pourrais être inquiété si je n’ai pas fait mon boulot en ne demandant pas un bilan pourtant nécessaire ou en n’optimisant pas le traitement, mais on reprochera tout de même à l’anesthésiste d’avoir endormi un patient non cadré.

 

Peut-être que j’ai mal interprété ce courrier. Mais l’impression qu’il donne est globalement mauvaise et en discutant longuement avec le patient, ce dernier a confirmé mon sentiment en me racontant l’entretien qu’il a eu avec l’anesthésiste.

En gros, un praticien qui ne veut prendre aucun risque avec un patient « lourd », et qui ne veut endormir que des patients en bonne santé pour éviter les ennuis et l’inflation de sa police d’assurance professionnelle. Financièrement, il est plus rapide et bien plus simple d’endormir 5 patients qui vont bien qu’un seul patient à problèmes.

Nous sommes tous confrontés à cet axiome dans notre pratique quotidienne : les patients sans intérêt médical (je ne parle pas du tout de l’intérêt humain qui est fondamental, mais que je situe sur un autre plan) remplissent nos poches et vident notre cerveau (moins de réflexion et moins de soucis), les autres, les compliqués font le contraire.

Je comprends donc un peu la tendance à favoriser les premiers.

Mais dans ce cas j’ai trouvé que ce médecin poussait le bouchon un peu loin. J’espère donc l’avoir exaucé en lui évitant d’avoir à gérer un patient trop lourd.

 

J’ai donc conseillé au patient de prendre un deuxième avis, si possible dans une grosse structure privée ou mieux de type CHU où il sera pris en charge plus sérieusement à tous les niveaux.

 

En effet, par ailleurs, il se plaint d’une claudication typiquement artérielle et serrée du côté controlatéral à la rotule fautive, c'est-à-dire du côté où on lui a déjà dilaté l’iliaque.

Et ça, a priori, c’est passé à travers la consultation d’anesthésie.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit, je ne pense pas le moins du monde que son problème de rotule puisse être en fait être un problème artériel.

 

Je lui ai donc prescrit un döppler artériel des membres inférieurs et une échographie à la dobutamine pour faire son bilan annuel, et compléter son éventuelle évaluation préopératoire.

 

°0°0°0°0°0°0°0°0°0°0°

 

Est-ce vraiment éthique tout cela ?

Pas vraiment.

Mais mon attitude est justifié par l'intérêt inaltérable du patient, par les règles du savoir vivre et l'étymologie.

Ainsi, prenons comme exemple l’entête  traditionnel « Cher confrère ».

Si on précise systématiquement le laudatif « Cher », c’est que cette notion n’est pas implicite.

Par ailleurs, l’étymologie de « confrère » est éloquente. Ce mot vient la réunion de deux mots dont l’origine se perd dans la nuit des temps : con et frère. On aime le plus souvent son frère, mais on peut se chamailler avec lui et penser qu'il est vraiment con parfois .

 

 

11:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

En tant qu'interne d'anesthésie, j'aurais bien aimé pouvoir apporté des arguments en faveur de mes CONfrère, mais il est clair que c'est impossible.
Comme je l'ai déjà dit en commentaire sur ce blog, je pense que les choses vont changer.
En attendant, je me console en me disant qu'il sera plus facile pour moi de sortir du lot et d'être considéré comme très bonne quand on est surtout comparé à des gros nuls.
Mais même ça ce n'est pas forcement vrai : J'ai très récemment eu affaire à des cons pratiquant l'anesthésie au curares, sans morphiniques, parce que c'est bien connu, les morphiniques c'est dangereux.............. Le résultats, c'est que les chir les adorent et les portent aux nues, en effet le patient, étant complètement paralysé par le curare, ne bouge pas d'un poil. Par contre il souffre le martyre pendant l'intervention. Le plus souvent il ne s'en souviendra pas consciemment parce qu'il a quand même reçu un peu d'hypnotiques, par contre il va se réveiller en hurlant de douleur et fera pas mal de cauchemars jusqu'à la fin de ses jours, mais ça les chir sont contents, ils ont fini leur geste, et l'anesthésiste qui a fait ça s'en moque du patient...
Et pendant ce temps, les autres qui essayent de faire ce qu'il y a de mieux pour le patient se font crier dessus par les chir parce que le patient "ne dort pas" (ne pas dormir pour un chirurgien ça veut dire qu'il y a des contractions musculaires quand ils utilisent le bistouri électrique, bref, rien qui n'empêche de faire n'importe quelle intervention, et surtout rien qui n'est à voir avec l'état de conscience.)

J'ai donc parfois quelques vagues à l'âme en pensant que les cons sont considérés comme des bons dans ma spé...
Je rêve d'un monde où les médecins penseront enfin collégialement au bien du patient avant de penser à leur petite personne...
En fait je rêve d'un monde où tous les médecins mériteront d'être médecins.

Écrit par : Hell Cat | 27/10/2007

ma séance de poil à gratter hebdomadaire actuellement: -
-docteur je passe pour que vous me marquiez les piqures
- quelles piqures ?
- vous savez pour l' opération, je vous ai vu il y a quinze jours,après l' anesthésiste m'a dit d' arreter plavix et/ou aspirine pendant 10 jours et que vous me marqueriez les injections
_vous lui avez donné ma lettre où j'expliquais votre cas, proposais deux protocoles de relais en insistant sur l'impossibilité d' un arret prolongé des AAP ?
- bien sur l'a lu vaguement, m' a dit de repasser chez vous ...
mon dicton favori à manier avec tact et mesure dans les cs pré-op chez les anxieux:ne vous inquiétez pas,l'anesthésie se passera bien c'est comme la conduite automobile beaucoup de bétises ,peu d'accident !
des livres à écrire sur notre confraternité et les anesthésistes m'adorent étant
un des rares à essayer de maintenir une communication ouverte en écoutant leur point de vue !
hell cat bienvenue chez les adultes après la longue adolescence paisible des étudiants en médecine si si ....

Écrit par : doudou | 27/10/2007

Je ne doute pas que certains de vos confrères puissent vous décevoir, mais il est aussi choquant de voir le mépris avec lequel vous les traitez. Vous aussi vous ferez des conneries et le CHU dont je sors en fait aussi parfois.
Une anecdote: une de mes nièces hospitalisées à l'hôpital de la Croix Rousse pour un problème gynécologique, subit au cours de son hospitalisation un gros épisode fébrile, puis un érythème de la face. Toutes les sérologies de la création sont mises en branle sans résultat, jusqu'au jour où mon père vieux médecin de 80 ans (AIHL) vient voir sa petite fille et diagnostique une rougeole. Alors modestie! pour tous et sérieux bien sûr!
Amitiés

Écrit par : Chauviré François | 30/10/2007

>Chauviré François: J'ai fait des tas de conneries et j'en ferais des tas, merci de me le préciser. Mais comme tout médecin, dont Hellcat et Doudou, j'en ai parfaitement conscience.

Mais je ne vois pas pourquoi cela m’ (nous) empêcherait de relater des dysfonctionnements (que ce soient les miens ou d'autres) dans ce blog.

Est-ce que cette note est pleine de mépris?
Je le conçois bien volontiers.
"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"
Et bien c'est pareil pour moi.

Etre imparfait ne m'empêche pas d'apprécier le travail de l'immense majorité de mes confrères, et de pouvoir blâmer ceux dont la conduite m'indispose.

Je vous ai choqué?
J'en suis bien désolé.
Ma prescription: ignorez ce blog iconoclaste et décadent et plongez vous dans un divertissement bien moins choquant :

http://www.amazon.fr/Petite-maison-dans-prairie-La-DVD/b?ie=UTF8&node=1205038

Amitiés aussi.

Écrit par : lawrence | 30/10/2007

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