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03/01/2008

Le paravent.

Hier à la consultation, j’ai vu en consultation une femme d’une cinquantaine d’année.

Néoplasie laryngée l’an dernier, trachéostomisée.

Récidive massive il y a peu avec mise en route par les oncologues d’une chimiothérapie « en urgence ».

Les ORL espèrent bien pouvoir l’opérer de nouveau (les oncologues, eux,  sont dubitatifs et résignés), d’où la consultation cardio-vasculaire pré anesthésique.

Sa sœur et sa petite fille sont déjà vêtues de noir.

 

Son état cardio-vasculaire est parfait.

Elle n’a jamais fumé ni bu, elle faisait de la randonnée en montagne il y a peu.

Comme je suis surpris, elle me souffle que son absence de facteur de risque étonne chaque médecin.

Encore une habitante des limites de la courbe de Gauss.

 

Je lui fais fait la bise en lui souhaitant tous mes vœux pour 2008.

Il faut faire comme si.

Je fais aussi la bise à sa famille.

Elle savent et comprennent.

 

Après son départ j’étais ébranlé.

Le plus souvent, le médecin se décharge de son empathie en pensant « c’était prévisible », voire « il l’a bien cherché » devant des facteurs de risque poursuivis en connaissance de cause tels le tabagisme et l’alcoolisme.

C’est déjà un peu plus difficile quand l’alcool et le tabac ont été sevrés, encore plus si ce sevrage a été prolongé.

 

Mais quand il n’y a rien ?

 

Nous autres, les cardiologues, sommes particulièrement sensibles à ce type de "morale". Depuis toujours, on nous serine, et nous serinons à nos patients notre laïus sur les "bourreaux du coeur", "Les facteurs de risque cardiovasculaires", que "si vous faites ceci, il vous arrivera cela...".

Je me demande comment font les onco-pédiatres pour tenir. Je n'aurais pas eu le courage de faire cette spécialité.

  

Comment réagir devant cette patiente?

La vieille morale judéo-chrétienne du pêché/punition qui baigne ma vie d'occidental, aussi injuste réductrice et stupide soit-elle, n’est même pas là pour me protéger, me servir de paravent devant son drame, alors « qu'elle n'a rien fait ».

 

Et là, c’est vraiment dur d’être médecin.

11:35 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

On fait avec...

Écrit par : Picorna | 03/01/2008

tout à fait ! il n'y a pas de justice , de punition dans la maladie,vu passer un abstract récent sur la prise en charge du cancer pulmonaire aux USA : plus que la mort prochaine ; le plus dur pour les malades est de supporter le "vous n'aviez qu'à pas fumer" des médicos,l'avantage de l'attitude contraire est aussi d'etre plus clair avec les patients sans facteur de risque ce qui est quand meme tres fréquent chez les coronariens dire : vous etes malades parce que vous vieillissez étant également tabou !

Écrit par : doudou | 04/01/2008

et oui nous mourrons tous même ceux qui n'ont pas pêché, même ceux qui n'ont aucun facteurs de risques: voir Illich (t Skrabaneck)
"ll ne m'apparaît pas qu'il soit nécessaire aux Etats d'avoir une politique nationale de «santé», cette chose qu'ils accordent à leurs citoyens. Ce dont ces derniers ont besoin, c'est de la courageuse faculté de regarder en face certaines vérités:

nous n'éliminerons jamais la douleur;
nous ne guérirons jamais toutes les affections;
nous mourrons certainement.
Voilà pourquoi, en tant que créatures pensantes, nous devons bien voir que la quête de la santé peut être source de morbidité. Il n'y a pas de solutions scientifiques ou techniques. Il y a l'obligation quotidienne d'accepter la contingence et la fragilité de la condition humaine. Il convient de fixer des limites raisonnées aux soins de santé classiques. L'urgence s'impose de définir les devoirs qui nous incombent en tant qu'individus, ceux qui reviennent à notre communauté, et ceux que nous laissons à l'État.

Ivan Illich
L'Agora, Juillet/Août 199

Écrit par : am8 | 08/01/2008

Belle citation!
Merci de me l'avoir faite connaitre, de même que son auteur.

Écrit par : lawrence | 08/01/2008

"némèsis médicale" texte fondateur d'une théorie critique de la médecine en espèce d'écho par exemple de l'anti-psychiatrie, décoiffant mais qui fait ce boulot doit commencer par se défaire d'évidences premières ne serait ce que poursa salubrité intellectuelle et émotionnelle

Écrit par : doudou | 08/01/2008

Les commentaires sont fermés.