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22/01/2008
Le médecin-patient (2)
J’avais déjà exploré théoriquement le paradoxe du médecin-patient dans cette précédente note.
Mais depuis quelques jours, je l’explore de façon bien plus pratique.
J’ai un petit souci de santé non cardiologique. Ne vous inquiétez pas, a priori pas grave.
Au début, je me suis dit « tiens, qu’est-ce que c’est ? » du genre un peu surpris d’être malade ("Ca n'arrive qu'aux autres, j'en vois tous les jours!").
Puis, comme tout bon médecin, j’ai laissé traîné.
Puis j’en ai parlé à mon épouse (pour mémoire infirmière) qui m’a sommé d’aller voir un confrère.
Première question épineuse : le généraliste de mon épouse (le mien, il est nul, c’est moi…) ou un spécialiste ?
Généraliste/spécialiste, spécialiste/généraliste…
L’expérience pour le premier, une certaine proximité pour le second, question cornélienne.
Je sais qu’en deux coups de fils, je pourrai avoir un rendez-vous rapide, mais je n’en ai absolument aucune envie.
Aucune envie de me faire tripoter, aucune envie de répondre à ses questions (« Tu vas parler, dis !! »), aucune envie de lui dire que je suis cardiologue et rentrer dans cet exercice très délicat qu’est la relation médecin-patient quand le patient est un médecin, et surtout aucune envie d’examens complémentaires.
C’est comme ça, en tant que médecin je déteste aller voir le médecin. Depuis que je suis interne, je suis allé voir une pneumologue pour qu’elle fasse un certificat pour me faire réformer. J’avais un asthme, a priori principalement psychogène, car d’aggravation rapide juste avant de partir au défunt Service National, et que je traite depuis au coup par coup (quand j’y pense). J’ai été réformé pour une autre raison que médicale (piston et fin du Service National)
Et je suis allé voir une copine dermatologue qui ne m’a pas diagnostiqué ma gale (Salope ! C’est moi qui ai fait le diagnostic et prescrit le traitement…). Une gratouille psychologique, qu’elle disait.
Ben voyons, j’ai une tête à avoir des morgellons ??
Donc que faire ?
Facile, comme tout patient qui se respecte, je suis allé consulter le Dr Google pour réchauffer mes très lointains souvenirs de Fac (A long time ago in a galaxy far, far away...).
.
Il n’a pas de mains, pas de gros doigts, ne va pas me contrarier, ni me culpabiliser, ni m’envoyer faire des examens paracliniques pénibles et/ou risqués.
Bon, j’ai quand même quelques facilités pour sélectionner des sites « de qualité » et donc pertinents. Je ne vais sûrement pas aller fureter dans un forum de patients fibromyalgiques morgeloneux décomplexés.
Malgré cela, je tombe sur deux sites écrits par des confrères, et qui disent deux choses radicalement opposées.
Parfait !
Poursuite des investigations. Les diagnostics différentiels sont uhmmmm, frigorifiants (dans le sens propre et figuré) et les potentielles complications sont définitives et peu sympathiques.
Je me suis examiné, palpé, ai revu encore une fois l’anamnèse.
Pour l’examen clinique, ma connaissance n’est que livresque, niveau externe (je pars de la folle supposition que les externes ouvrent des bouquins de médecins en dehors de leurs cours). Ce n’est pas rassurant du tout.
Pour l’anamnèse, ai-je le recul et l’abstraction différente ?
Ma non-envie d’aller voir un confrère me fait penser que oui.
Décision définitive d’avant-hier au soir : j’ai mal, je vais aller voir un confrère dès le lendemain.
Décision définitive d’hier matin : j’ai moins mal, ça peut attendre.
Décision définitive d’hier au soir : les AINS font moins effet, j’ai mal, demain j’appelle un confrère (je ne sais toujours pas lequel).
Décision définitive de ce matin : je me suis fait une ordonnance à l’aide du Dr Google, mon confrère.
J’ai couru acheter mes médicaments chez la pharmacienne du coin qui est habituée à voir mes ordonnances pour reconstituer notre petit stock, que mon épouse gère amoureusement, comme toute bonne infirmière.
Elle me raconte ses problèmes de tumeur hypophysaire suivie par tel ou tel ponte, qui lui a prescrit telle ou telle molécule.
Je m’en fiche, ai mal mais souris néanmoins stoïquement et avec ma petite moue « spéciale compassion » que je travaille depuis des années.
A la fin, cette gentille pharmacienne a presque l’œil humide d’être aussi bien écoutée, elle qui doit subir des jérémiades toute la journée.
Elle est même tellement émue qu’elle en fait des erreurs.
Mon stoïcisme force mon admiration.Et l'observance? Au moins je ne pourrai pas me mentir consciemment ("Mais, si, je vous assure, je prends régulièrement mes pilules"). Inconsciemment, c'est une autre histoire...
En rentrant à la maison, je suis pris de vertige. J’ai 35 ans et en bonne santé, qu’est-ce que ça va être quand le poids des années va amener son cortège de maladies ?
Conclusion : si mon moi-médecin devait donner une note à mon moi-patient, ce serait zéro.
Une autre vision des choses chez le toujours très bon Dr Coq.
09:55 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (17)
Commentaires
quoi qu'il en soit....prompt retablissement...
Écrit par : alexandra | 22/01/2008
>Alexandra: merci!
Écrit par : lawrence | 22/01/2008
Mon père médecin ne va pas non plus chez ses confrères à tel point que par deux fois j'ai dû me fâcher pour qu'il se fasse examiner.... la première fois un hoquet incessant pendant quinze jours m'a fait craindre une petite attaque cérébrale, je me fâche, il va chez le médecin généraliste... diagnostic - cancer de la prostate avec déjà des métastases. Il est maintenant en rémission. Et l'année dernière, suite à une brusque surdité d'une oreille, hospitalisé, rien de particulier si ce n'est une hypertension importante. Les médecins ne voient rien, je me fâche, lui dis de faire des examens plus poussés (les reins pensais-je puisque le cardiologue de l'hôpital disait que le coeur était ok) en fait il faisait une sorte d'arythmie d'où l'embolie et la surdité.... Tout ça pour vous dire que je serais vous j'irais fissa voir un confrère !
Écrit par : Valérie de Haute Savoie | 22/01/2008
On dirait que certaines personnes (Non Valérie, je ne citerai pas de nom !) essayent de te faire peur !! Je pense que tu vas mourrir dans les 24h si tu ne vois personne, et puis le Dr google est spécialiste es hypocondriaques !!
Bon rétablissement quand même et bonne fin de journée !
Écrit par : Ninoche | 22/01/2008
Tu crois que c'est commun chez tous les médecins de détester aller chez le médecin ou de se soigner ?
Écrit par : Sevi | 22/01/2008
>Sevi: je ne pense pas, mais je n'ai pas trop "sondé" mes collègues non plus...
Écrit par : lawrence | 22/01/2008
moi je me suis pris en main, et je suis allé chez le docteur, c'est pas si terrible que ça ! j'ai meme eu une echo et une radio, c'est pour dire
allez, courage, t'es un grand garçon ;)
Écrit par : zeclarr | 22/01/2008
je compatis d'autant plus que j'ai eu ,le cas échéant,la meme attitude entre le mépris et l'automédication massive,de l'autre coté il faut se soigner car j'ai vu des cas poussés à l'extreme avec mise en danger claire:mon médecin d'enfant mourir d'occlusion sur cancer colique ce qui ne se fait pas en un jour, un professeur de médecine bien connu arriver tout sage avec sa valise en réa cardio en disant : j'étais ce matin à l'autre bout de l'europe en congrès ,je me suis dit que j'étais en train de faire un infarctus alors j 'ai pris le premier avion, un autre finissant son sommet chamoniard et faisant quelques centaines de km dans le meme état.....le vrai sage suit le cheminement du patient ordinaire en régressant (?) au stade pré-médical
Écrit par : doudou | 22/01/2008
Ninoche, effectivement après coup je me suis sentie un peu conne :) dommage que l'on ne puisse pas effacer ses commentaires déplacés. (je me suis un peu emballée)
Écrit par : Valérie de Haute Savoie | 22/01/2008
Je ne l'ai pas mal pris du tout!
Même pas eu peur, je suis indécrottable....
Écrit par : lawrence | 22/01/2008
tout pareil, je me fais régulièrement harceler par ma douce (interne elle aussi, et que je harcèle régulièrement aussi!!) pour consulter tel ou tel spécialiste ou généraliste (là c'est pour un contrôle de mes naevi, je sais qu'il faut que je le fasse mais je laisse trainer).
Et dans mes proches également dans le milieu, c'est en général la même chose...
Écrit par : seb | 23/01/2008
c'est pourquoi la sagesse populaire a émis un dicton très à propos :
ce sont les cordonniers les plus mal chaussés !!!
Écrit par : Gaël (ESI 3èA) | 23/01/2008
Ah, le plaisir de l'arrivée au petit matin (6h30) à jeûn après une bonne douche à la bétadine (ok, j'avoue j'ai zappé celle de la veille au soir, ça pue trop la bétadine) pour une opération qu'on sait avoir qu'en début d'après midi (le pote chirurgien vous a dit que vous passeriez en fin de programme, car vous êtes "septique", merci mon pote...).
Arrivée en marchant sur des oeufs, l'infirmière vous accueille comme n'importe quel patient (pourquoi cette petite gêne d'être de l'autre côté de la barrière ?), vous explique religieusement ce que vous devez faire (mettre cette horrible blouse ouverte à l'arrière environ 4h avant l'opération, le truc là, c'est une charlotte, c'est pour la tête, les autres c'est pour les pieds... Comment lui dire que vous en avez mis plus souvent qu'elle de ces sur-chaussures pour entrer au bloc ? mais trop poli, vous acquiessez, je suis un patient long à venir mais une fois que j'y suis, je suis un patient obéissant...).
Et puis l'anesthésiste arrive pour vous saluer, et là l'infirmière est ahurie quand le gazier vous tutoie et qu'elle se rend compte que vous êtes de la maison... Un petit "vous auriez du me dire que vous étiez médecin" vient saluer le départ de l'anesthésiste...
Je vous passe le départ au bloc, où tel un expert vous penserez bien à tenir dans votre dos la petite chemise pour éviter la vue sur votre noble postérieur. En revanche, je remercie mon collègue et néanmoins camarade de ses réflexions légères d'orthopédiste sur l'exposition mes bijous de famille à la vue de tous et de la pauvre externe qui était plus gêné que moi et qui rougissait sous son masque (personnellement, j'étais encore sous la prémédication à base d'hypnovel et de fentanyl), alors que vous êtes nu comme un ver sur la dure table d'opération avec une perf à la main, des jambes que vous n'arrivez plus à bouger et un anesthésiste vous disant "c'est normal de sentir encore avec la locorégionale, par contre, aucune douleur, c'est garanti"... Mon cul que la douleur va pas passer, c'est garanti, t'es marchand de tapis ou quoi ?...
Heureusement, béni soit l'anesthésiste et son nuage confortable de fentanyl et d'hypnovel et surtout l'ALR... Il n'avait pas menti, rien senti...
Certes, changer de place n'est pas agréable, mais c'est aussi une vision intéressante... Bien que connaissant tout le fonctionnemnent du service, le geste effectué, il reste une part de stress, qui peut être aussi exacerbé par le trop plein de connaissances, certes, mais cela permet également de comprendre l'appréhension du patient "naïf" qui n'a pas de connaissances médicales et pour qui c'est l'inconnu... Sans doute trop timide et parce qu'on m'a appris à ne pas profiter de (trop de) privilèges, le seul moment où mon anonymat a été brisé a été lors de l'apparition des collègues (chir et anesthésistes)...
Un dernier conseil, à la question : "est-ce qu'on met un champs ou tu veux voir ?", répondez, le champs, c'est très bien et laissez vous charcuter tranquillement...
Écrit par : Picorna | 24/01/2008
>Picorna: LOL, excellent!
Écrit par : lawrence | 24/01/2008
Dur dur de se soigner hein! J'ai trouvé mon médecin en la personne d'un généraliste ostéopate, un copain. Et bien c'est lui qui est plus pro que moi et moi qui déraille dans la consultation à discuter de mes 10 000 choses qui me passent par la tête... qui n'ont rien à voir avec mon état de santé mais avec des préoccupations multiples. Bref, le patient ne tient pas son rôle.
Je peux peut-être vous le conseiller!
Si vous avez besoin d'un avis extèrieur, je suis là.
Écrit par : david vincent | 24/01/2008
Le récit de PICORNA m'a déclenché un de ces fou rire!!!!
Ah ! on ne fait pas le malin,quand les collègues ont vue plongeante sur arrière train,et bijoux de famille....................!!!! Oh non,trop drole!!!!!
Écrit par : dana | 25/01/2008
Je crois que l'on pourrait faire un blog uniquement avec les catastrophes engendrées par l'auto-médication des médecins et les soins à leur famille. Mais c'est très difficile pour nous, de nous confier à d'autres.
Écrit par : Docteur V. | 25/01/2008
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