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16/03/2008

Ouf !

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Source: Wikipedia 

 

Une décision de justice prise à Chicago hier a évité ce qui aurait pu être la remise en cause de l’ensemble du processus de publication des résultats de la  recherche biomédicale.

 

Petit résumé de l’histoire.

 

Lorsqu’une équipe remet un travail à une revue scientifique digne de ce nom, en vue d’une publication, la revue transmet l’ensemble des données à des spécialistes du domaine intéressé.

Ces « reviewers » ("membres du comité de lecture" en bon français) qui sont soumis à des clauses strictes de confidentialité rendent alors un avis au journal, qui décide alors de publier le travail, ou non.

Ces avis, de même que l’identité des « reviewers » ne sont connus que de l’équipe éditoriale de la revue.

 

Ce système, le « peer reviewing » permet de filtrer les travaux de mauvaise qualité et oblige les auteurs à toujours plus de rigueur dans la rédaction et la réalisation de protocoles de recherche.

L’anonymat du comité de lecture et la confidentialité à laquelle il est astreint lui permettent en théorie de juger un travail scientifique en l’absence de contraintes extérieures.

Vous pouvez bien imaginer quelles peuvent être ces contraintes à l’aune des exemples que j’ai déjà donnés.

 

Le principe des comités de lecture est bien entendu imparfait.

Par exemple, dans le cadre d’un domaine de recherche très pointu ou « tout le monde se connaît », un « reviewer » peut très bien torpiller anonymement un travail pour bloquer une publication faite par une équipe concurrente. Ou au contraire favoriser les « copains ».

Il parait que ces pratiques sont assez fréquentes dans nos publications hexagonales.

D’un autre côté, comme personne n’y fait attention…

 

A côté de ce petit monde, et à première vue sans aucun rapport avec le processus de publication d’un article, Pfizer se débat dans un procès fleuve dans l’histoire déjà bien mouvementée du celecoxib.

Les avocats de la firme cherchent donc des échappatoires afin d’éviter une capitulation en rase campagne devant les tribunaux américains.

Et la semaine dernière, ils ont eu une idée diabolique.

Et si le NEJM et incidemment son comité de lecture, très impliqué dans cette histoire étant donné ses publications sur le sujet, possédait des informations susceptibles d’être favorables au celecoxib ?

Les avocats de Pfizer ont exigé que le NEJM dévoile les noms et les remarques de ses « reviewers ».

Le NEJM a bien évidemment refusé, et s’est donc fait mettre en demeure de le faire devant un tribunal de Chicago.

Le verdict est tombé hier, et Pfizer a été débouté.

 

Vous devez vous dire que cette histoire est bien embrouillée, bien lointaine et qu’elle ne nous concerne pas du tout, que l’on soit patient ou soignant.

 

C’est une grave erreur.

 

D’abord, je le répète sans cesse, c’est à partir de ces travaux publiés que nous traitons nos patients.

Imaginez ce qu’aurait pu devenir le processus de « peer reviewing » si la décision du juge avait été l’inverse ?

Il ne faut pas se leurrer, une telle décision aurait fait jurisprudence aux EU, mais aurait eu des conséquences à l’échelle du globe, puisque la plupart des revues scientifiques de qualité sont américaines.

Comment juger objectivement d’un travail en ayant au dessus de sa tête l’épée de Damoclès d’avoir son nom et ses conclusions révélées à tous en cas de procès ?

Imaginez la crainte des pressions de la part des pairs, de l’industrie pharmaceutique, la crainte de procès ultérieurs dans le cadre d’une action médico-légale touchant la molécule ou la procédure étudiée.

 

Le boulet n’est pas passé loin, mais bien peu (en tout cas en France: zéro un résultat dans Google pour la recherche NEJM et Pfizer dans les pages francophones pour ces sept derniers jours) en ont senti le souffle.

 


L’ensemble du système aurait été perverti, et cela simplement à cause d’avocats partis « à la pêche » de très hypothétiques contre arguments juridiques.

Et tant pis si au passage on brise un moyen de régulation essentiel dans le processus de publication des résultats de la recherche biomédicale.

 

C’est quoi un scrupule ?

 

 

 

Voir l’erratum ici.

 

 

 

 

°0°0°0°0°0°0°0°0°

 

 

 

Le « peer reviewing » sur Wikipedia.

 

« Pfizer vs. the NEJM: A Legal Showdown » par Derek Lowe.

 

La décision du juge, commentée par Science.

Commentaires

L'ennui, c'est que c'est valable dans tous les domaines.. La presse se focalise sur un micro-évènement (un SMS, tiens, par exemple), alors que gigantesques changements de fonds se font discrètement dans l'arrière-plan.
C'est franchement agaçant.

Écrit par : klari | 18/03/2008

Les commentaires sont fermés.