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09/06/2008

De l'art (11)

Aucune de ces parties dont je viens de parler ne peut être perçue par la vue : aussi j’appelle les maladies [qui les attaquent] des maladies cachées, et l’art les juge ainsi ; il ne peut pas en triompher complètement, parce que ces parties sont cachées, mais il en triomphe autant que possible ; cela est possible autant que la nature du malade se prête à être pénétrée, et que l’investigateur apporte dans ses recherches des dispositions naturelles. Il faut en effet beaucoup plus de peine et de temps pour connaître ces maladies, que si elles étaient perçues par les yeux ; ce qui se dérobe à la pénétration des yeux du corps n’échappe pas à la vue de l’esprit. Toutes les souffrances que le malade éprouve, parce que son mal n’est pas promptement découvert, il ne faut pas les attribuer au médecin, mais à la nature du malade ou de la maladie. En effet, comme le médecin ne peut voir de ses propres yeux le point souffrant, ni le connaître par les détails qu’on lui donne, il le cherche par le raisonnement ; car celui qui est atteint d’une maladie cachée, quand il essaie de la faire connaître aux médecins, en parle plutôt par opinion que de science certaine ; car s’il connaissait sa maladie il ne se mettrait pas entre les mains des médecins ; en effet, la même science qui fait découvrir les causes des maladies enseigne aussi quels sont tous les traitements qui en arrêtent les progrès : ne pouvant donc tirer des paroles du malade rien de clair et de certain, il faut bien que le médecin tourne ses vues ailleurs ; ainsi ces retards, ce n’est pas l’art qui les cause, mais la nature même du corps. Éclairé sur le mal, l’art entreprend de le traiter et s’applique à user plutôt de prudence que de témérité, de douceur que de force : et l’art, s’il est capable de découvrir le mal, sera également capable de rendre la santé au malade. Si le malade succombe dans une maladie connue, c’est qu’il a fait venir trop tard le médecin, ou que la rapidité du mal l’a tué. Car si la maladie et le remède marchent de front, la maladie ne marche pas plus vite [que le remède] ; si le mal devance le remède, il gagne de vitesse sur lui ; et le mal gagne de vitesse à cause du resserrement des organes au milieu desquels les maladies ne se développent pas à découvert ; elles s’aggravent à cause de la négligence des malades ; car ce n’est pas quand le mal commence, mais quand il est tout à fait formé qu’ils veulent être guéris. Aussi je regarde la puissance de l’art comme plus admirable lorsqu’il guérit quelques unes de ces maladies cachées, que lorsqu’il entreprend ce qu’il ne peut exécuter ; or, rien de semblable ne se voit dans aucun des arts mécaniques inventés jusqu’ici. En effet tout art mécanique qui s’exerce avec le feu est suspendu si le feu vient à manquer ; mais on le reprend aussitôt que le feu est rallumé. Il en est de même des arts qui s’exercent sur des matières faciles à retoucher : de ceux par exemple qui mettent en oeuvre le bois ou le cuir, qui s’exercent par le dessin sur le fer ou sur l’airain, et de beaucoup d’autres semblables : les ouvrages faits avec ou à l’aide de ces substances, bien qu’il soit facile de les retoucher, ne doivent pas être confectionnés plus vite qu’il ne convient pour l’être artistement ; et si un des instruments vient à manquer, on est obligé de suspendre le travail ; et bien que cette interruption ne soit pas favorable aux arts, néanmoins on la préfère.

 

De l’Art

Hippocrate

08:02 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

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