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03/07/2008

Cher confrère…

C’est le début rituel d’un courrier médical.

 

Sauf que parfois, je dicte les courriers en fin de journée à la clinique, et je n’ai que des informations parcellaires. Pourtant le patient doit bel et bien se rendre chez tel ou tel spécialiste le lendemain (de préférence à l’aube) avec au minimum un courrier.

 

Le dossier médical est parfois muet, le patient ignore souvent le motif exact de consultation.

 

Plusieurs cas de figure sont possibles.

 

Premier cas, je ne connais pas les antécédents précis du patient. J’entame le courrier par un « je vous adresse M/Mme Untel, que vous connaissez bien… »

En général, le correspondant se sent flatté. Il est toujours agréable de s’entendre dire que l’on connaît bien quelque chose.

 

 

Deuxième cas de figure, je ne connais pas le motif de consultation. J’utilise la phrase suivante « Je vous adresse comme convenu M/Mme Untel…. ».

C’est la logique même. Si le correspondant est gastro-entérologue, il ne va pas chercher une rétraction ligamentaire de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche ! le "comme convenu" apporte même une petite pointe accusatrice, du genre "tu étais d'accord pour le voir, tu dois bien savoir pourquoi".

 

Troisième cas de figure, je ne connais pas le traitement, ou j’ai la flemme de le rechercher dans les entrailles de l’ordinateur colopathe de la clinique. Je termine alors mon courrier par « M/Me Untel vous emmènera sa dernière ordonnance ».

C’est un risque, certes. En effet, M/Mme Untel voit très rarement l’utilité d’apporter chez le médecin la liste des médicaments qu’il/elle prend. M/Mme Untel est intimement persuadé(e) que chaque médecin connaît par cœur l’aspect de toutes les pillules, comprimés, flacons de gouttes, dosettes, pulvérisateurs et emballages de la pharmacopée française. « Le soir, je prends un petit comprimé rose strié de vert d’un côté, et blanc de l’autre, avec une lettre dessus, Z ou C, je crois ». Je me retiens parfois de demander si il n’y a pas écrit « Timeo danaos et dona ferentes» sur la tranche du cachet. "Euh, je ne sais pas, pourquoi, c'est important ? Très!"

 

M/Mme Untel croit souvent bon de rajouter « c’est pour le cœur », certain(e) de donner un indice majeur au praticien perplexe qui est en face de lui.

 

Parfois, quand je n’ai vraiment pas beaucoup d’informations, j’arrive donc à dicter le courrier suivant (ma secrétaire est alors ravie) :

 

Cher Confrère,

Merci de voir comme convenu en consultation M/Mme Untel que vous connaissez bien.

Il/Elle vous apportera sa dernière ordonnance.

Merci de faire ce que vous pourrez pour ce(tte) sympathique patient(e).

 

Dr Lawrence Passmore

 

 

 

J’exagère ? Bien sûr, je caricature.

Quoique !

 

 

Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de patients que je vois, envoyés par leur médecin traitant avec un courrier d'une seule ligne: « Cher confrère, merci de réaliser à M/Me Untel un bilan cardio-vasculaire ».

 

Autre variante à l'opposé cette fois, l'externe qui ne sait pas pourquoi il doit faire un courrier pour le cardiologue. En général, l'externe a peur du vide et il meuble. Une page recto-verso pour parler de tout et de rien, et à la fin, il se fait un plaisir d'écrire la seule chose dont il soit sûr, le traitement.

 

Cela pourrait ressembler à cela:

 

Cher confrère,

merci de voir en consultation M/Mme Untel, admise dans notre service pour une décompensation de son arthrose du genou droit. Elle a comme antécédent une rougeole non compliquée en 1956, un écrasement du troisième doigt de la main gauche avec un marteau de carreleur en 1985, une polyarthrite rhumatoïde stabilisée par un traitement par ibuprofène. Par ailleurs, elle est allergique aux AINS.

Elle a bénéficié d’une coloscopie qui a mis en évidence des polypes bénins (anapath en attente). Son ECG montre. Cf. l'ECG ci-joint. Sa dernière TSH est à 3.4.

Son traitement comporte :

….   ....

….   ....

….   ....

 

Merci de nous donner votre avis.

 

L’externe pour l’interne.

 

22:28 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (6)

Commentaires

quand la réponse est à la hauteur de la lettre initiale on se hisse vers les sommets ! j'avais un jour pour un problème complexe adressé un patient dans un service renommé d'une spécialité intellectuellement prestigieuse la lettre de sortie fut à peu près :nous avons étudié le problème le patient est sorti tel jour avec un traitement inchangé,j'ai franchement persécuté l'assistant signataire jusqu'à l'obtention de la vérité:au changement de semestre départ de l'interne 'de l'assistant pas d'observation il avait eu pour faire le courrier ma lettre d'envoi et les résultats de paraclinique systématique,le plus fort :le malade était très content de son séjour et ne s'est plus préoccupé de la question pendant un an!

Écrit par : doudou | 03/07/2008

Cette petite description de votre pratique quotidienne est très drôle. Comme je vois que l'on soit en France ou en Belgique, on se trouve face aux mêmes situations. C'est probablement une des raisons pour lesquelles j'adore mon métier. On ne s'ennuie jamais. Même si des situations semblables reviennent en permanence. Elles me font toujours le même effet. J'affine chaque fois un peu plus ma façon d'y réagir. Je suis confortée de constater que je ne suis pas la seule.

Écrit par : Muriel | 03/07/2008

ôôô comme tu y vas pour l'ECG :-) mais mes premiers courriers devaient ressembler à ça!

Écrit par : Hérisson | 04/07/2008

SA VOU REUX !

J'avoue aimer, très souvent, faire la "lettre de liaison" (j'allais dire lésion). Parfois, je dois le reconnaitre, j'ai franchement la flemme et des fois carrément irrité par les nouvelles règles du médecin traitant je me tente à la lettre certificat "bon pour examen..." ça soulage.

Quand à inclure le traitement en fin de lettre, j'ai une solution imparable : le copier coller de l'ordonnance dans la lettre au correspondant, un must (a vérifier cependant) !

Écrit par : Dr Sangsue | 04/07/2008

EXCELLENT !! Parait qu'une journée où l'on n'a pas ri est une journée perdue... Merci d'avoir sauvé la mienne :-)

Écrit par : Kropotkine | 04/07/2008

Un peu de pitié pour les jeunes qui se trouvent confrontés au dictaphone pour la 1e fois... c'est assez traumatisant!

Écrit par : Piranah chocolivore | 04/07/2008

Les commentaires sont fermés.