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31/05/2005

Premier choix (3)

medium_tv.jpg- Innnnnnnnnh (petit bruit guttural, montant en intensité et dans l’aigu, signe d’explosion à venir).
Tu vois, il ne m’a pas prévenu. Tu vois, c’est une faute grave. Je le convoquerai à son retour, tu vois. »

Il est impossible que XXX ait « oublié » de le prévenir, tant il était son vassal, attendant avec avidité une agrégation qui ne viendra jamais en définitive.
Une anecdote (totalement fausse) résumait pourtant bien leurs rapports.
Le patron montre un ciel bleu inondé de soleil :
« Tu vois, XXX, il pleut aujourd’hui…
- Oui Monsieur, de grosses gouttes même. »

Bref, revenons à notre histoire :
« - tu vois, il faut essayer de leurrer l’appareil, pour le faire défibriller
- Comment ?? (nous, incrédules)
- Avec un pace maker externe, tu vois »
Sur ce, il se retire, satisfait, dans son bureau.
Richard et moi allons chercher l’appareil en question dans une salle à côté. Bien évidemment, cet appareil, destiné à une stimulation intra cardiaque, ne possède pas de moyen de fixation sur la peau. Qu’importe, nous fixons les électrodes sur la peau du patient à l’aide de trombones en métal.
Quel montage bringuebalant….
Et bien, devinez ce qui arriva ?
Lorsque l’ingéniosité pare à l’incompétence et l’incurie d’un service tout entier ?
Rien, échec complet…
Nous rappelons le patron, et lui racontons.
« Tu vois, le défibrillateur est très bien protégé contre les champs électromagnétiques….
- Le patient est toujours en tachycardie ventriculaire…
- On va laisser agir les médicaments, tu vois, ça va s’arrêter… »
Fin de la connexion.

Donc rien ne marche.

Un vieux PH (un des deux vieux du Muppet Show) passe par là et dit d’un ton laconique :
« Allez chercher la console de commande, je vais régler le problème ». Il tourne le dos, et va dans son bureau.
Toutes les consoles de commandes du service sont dans un local.
Mais lequel ?
Personne ne sait (les infirmières de consultation étaient parties depuis longtemps, et le PH au ski donc).
Nous cherchons de partout, et trouvons au bout de 15 minutes une demi douzaine de consoles
Quelle est la bonne ?
En effet, chaque marque de défibrillateur a une console particulière, qui leur est exclusive. Le patient avait oublié la carte d’identité de son appareil à la maison.
L’un de nous a une idée sublime (« Du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas » disait Napoléon), pourquoi ne pas les faire toutes voir au patient, qui ne devrait pas l’avoir oubliée depuis la dernière consultation ?
Arrêt sur image.
Un soin intensif cardiologique de CHU.
Plusieurs médecins montrant tour à tour des consoles de défibrillateur à un patient en tachycardie ventriculaire, afin qu’il désigne laquelle a été utilisée lors de son dernier contrôle, afin que nous puissions arrêter ce trouble du rythme.
Maintenant que je me souviens de cette anecdote, je ressens presque physiquement l’énormité de la situation.

Une fois la bonne console désignée, nous l’installons. Le vieux PH ne sachant faire marcher que la fonction « choc électrique », nous prévenons le patient.
Un autre PH suggère de lui faire un peu d’hypnovel, afin de rendre le choc moins pénible.
Il fait préparer la seringue, se dirige vers le patient, et l’adapte sur la rampe de perfusion.
Nous attendons une petite voix, derrière l’écran de la console portable :
« Attention !!
- Attends, je n’ai pas inj…… »
Aucun bruit, mais l’arc de cercle fugace que décrit majestueusement le corps du patient (appelé joliment « opisthotonos ») nous montre bien que le choc a été bien délivré.
A vif, dans un soin intensif de CHU, entouré d’une ribambelle de médecins.
Sur le scope, son rythme est revenu sinusal.
Victoire !
Mais quelle victoire à la Pyrrhus !!

08:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)