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27/10/2007

Elle va mourir.

Un médecin généraliste m’a adressé au cabinet une dame d’environ 70-75 ans en milieu de semaine pour un döppler artériel des membres inférieurs.

 

Elle a des douleurs aux deux jambes depuis environ 48 heures.

Elle a tardé avant de consulter car son mari, atteint d’une maladie d’Alzheimer évolué est totalement dépendant d’elle.

Elle arrive donc, escortée de 2 jeunes ambulanciers.

Elle se tord littéralement de douleur sur le brancard.

Ses deux jambes sont froides et je n’arrive pas à avoir de flux artériel en dessous de la bifurcation fémorale.

 

J’appelle le généraliste et je lui dis qu’elle est probablement en ischémie aiguë. Elle se tortille et geint tellement que j'ai du mal à l'examiner correctement. J'arrive à voir un petit bout d'aorte abdominale qui n'est pas anévrysmale. De toute façon, j'ai fait au plus court, le problème étant d'aller rapidement à l'artériographie. Nous convenons de la renvoyer à domicile où il se rend sans tarder pour essayer de régler le double problème de cette femme et de son mari.

Il est un peu plus de 19 heures et il doit gérer une situation inextricable.

 

Les deux jeunes brancardiers sont désemparés et inquiets, ils me demandent ce que j’en pense.

« Elle va mourir ». C’est tout ce que j’ai trouvé à leur répondre, écrasé par la situation.

Ils sont partis ensuite.

Finalement, le généraliste  va entre temps trouver une place assez rapidement pour la dame âgée. Comment a t’il fait pour le mari ?

 

Une heure plus tard elle était morte.

16:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

La crise du gaz.

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Ceux qui lisent régulièrement ce blog se rappellent probablement ça et là des notes parfois un peu agacées sur nos amis anesthésistes.

Pourtant je ne suis pas du tout un anti-anesthésiste viscéral.

J’ai fait 5 mois de réa (et je fais toujours des gardes) et même 1 mois de bloc opératoire en chirurgie cardiaque en temps que simili interne d’anesthésie au cours de mon internat. J’ai donc vu comment cela se passait de l’intérieur et j’ai apprécié à sa juste valeur le travail parfois ingrat de l’anesthésiste.

 

Ca m’énerve donc d’autant plus quand j’en rencontre un qui ne fait pas son travail.

 

Cette semaine, j’ai été confronté à deux reprises à une dysfonction aiguë d’anesthésiste.

 

Lundi matin : une patiente descend en lit du service de chirurgie ortho. Elle a mal au dos (une histoire de chirurgie rachidienne).

Pas de courrier, un traitement marqué sur un demi feuille A4 blanche déchirée avec l’étiquette de la patiente collée dessus. Le dossier est descendu aussi. Le premier mot médical (et le dernier) a été rédigé par un externe 10 jours avant.

Je téléphone dans le service où je tombe sur une IDE puis la cadre qui ne savent pas vraiment pourquoi je dois la voir « L’anesthésiste voudrait savoir si on peut reprendre son traitement cardiaque ». Pourquoi, lequel ? « Je ne sais pas… ».

C’est un peu court.

Je n’ai pas donné d’avis, et j’ai renvoyé la patiente avec un petit courrier explicatif et désabusé et un peu sarcastique destiné à l’anesthésiste agraphique. J’ai aussi pris soin de donner un double de ce courrier à la patiente après lui avoir expliqué que je ne pouvais pas travailler dans ces conditions.

 

Mercredi : un homme jeune, la cinquantaine, vient me voir pour une consultation pré-opératoire au CHU. C’est un patient archi connu du service (je l’ai déjà vu à plusieurs reprises au cours de mon internat) et suivi par le chef de service. Il a un pontage aorto-coronarien, de multiples angioplasties et une épreuve d’effort toujours positive sous traitement antiangineux pour des paliers élevés. Par ailleurs il a une artériopathie des membres inférieurs et a été dilaté sur une artère iliaque.

Il arrive les poings tous faits car il doit bénéficier d’une chirurgie de la rotule et il ne comprend pas trop pourquoi l’anesthésiste lui demande un avis cardio. Il a mal au genou et est contrarié par ce délai, inutile pour lui.

Je lis le courrier de l’anesthésiste (qui travaille en clinique, je le précise).

En substance, il me donne toute latitude pour autoriser ou non l’anesthésie et d’arrêter la double antiagrégation plaquettaire pour une chirurgie « fonctionnelle », comme il me le précise gentiment, au cas où je ne l’ai pas compris.

J’ai levé les yeux du courrier et j’ai dit au patient que cet anesthésiste est soit très con, soit très nul, et que à titre personnel je ne me ferais certainement pas endormir par le rédacteur d’une telle lettre.

 

Explications de texte.

Ce n’est en effet pas au consultant de déterminer si l’on peut endormir ou non un patient. En effet, seul l’anesthésiste qui fait la consultation pré opératoire, et in fine celui qui se retrouve au bloc qui peut décider de le faire. Le geste anesthésique a en effet des spécificités qui échappent assez largement au non anesthésiste.

Comment pourrais-je savoir si on peut endormir avec un risque acceptable un patient si je ne l’ai jamais fait ?

 

Le rôle du consultant est de statuer sur l’état du patient pour sa spécialité et de proposer si besoin des investigations complémentaires ou des traitements en fonction du type de chirurgie, du type d’anesthésie et du profil du patient.

Cette lettre est donc un non sens total et de toute évidence une tentative d’ouvrir grand le parapluie au cas ou un soucis survienne. Et même dans ce dernier cas, le rédacteur est à côté de la plaque.

Imaginons que « j’autorise » cette anesthésie. Si un problème survient, ce sera tout de même l’anesthésiste qui sera en première ligne car c’est lui qui a poussé le produit. La défense du type « le cardio a autorisé l’anesthésie, je m’en lave les mains » ne tiens donc pas.

Je pourrais être inquiété si je n’ai pas fait mon boulot en ne demandant pas un bilan pourtant nécessaire ou en n’optimisant pas le traitement, mais on reprochera tout de même à l’anesthésiste d’avoir endormi un patient non cadré.

 

Peut-être que j’ai mal interprété ce courrier. Mais l’impression qu’il donne est globalement mauvaise et en discutant longuement avec le patient, ce dernier a confirmé mon sentiment en me racontant l’entretien qu’il a eu avec l’anesthésiste.

En gros, un praticien qui ne veut prendre aucun risque avec un patient « lourd », et qui ne veut endormir que des patients en bonne santé pour éviter les ennuis et l’inflation de sa police d’assurance professionnelle. Financièrement, il est plus rapide et bien plus simple d’endormir 5 patients qui vont bien qu’un seul patient à problèmes.

Nous sommes tous confrontés à cet axiome dans notre pratique quotidienne : les patients sans intérêt médical (je ne parle pas du tout de l’intérêt humain qui est fondamental, mais que je situe sur un autre plan) remplissent nos poches et vident notre cerveau (moins de réflexion et moins de soucis), les autres, les compliqués font le contraire.

Je comprends donc un peu la tendance à favoriser les premiers.

Mais dans ce cas j’ai trouvé que ce médecin poussait le bouchon un peu loin. J’espère donc l’avoir exaucé en lui évitant d’avoir à gérer un patient trop lourd.

 

J’ai donc conseillé au patient de prendre un deuxième avis, si possible dans une grosse structure privée ou mieux de type CHU où il sera pris en charge plus sérieusement à tous les niveaux.

 

En effet, par ailleurs, il se plaint d’une claudication typiquement artérielle et serrée du côté controlatéral à la rotule fautive, c'est-à-dire du côté où on lui a déjà dilaté l’iliaque.

Et ça, a priori, c’est passé à travers la consultation d’anesthésie.

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit, je ne pense pas le moins du monde que son problème de rotule puisse être en fait être un problème artériel.

 

Je lui ai donc prescrit un döppler artériel des membres inférieurs et une échographie à la dobutamine pour faire son bilan annuel, et compléter son éventuelle évaluation préopératoire.

 

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Est-ce vraiment éthique tout cela ?

Pas vraiment.

Mais mon attitude est justifié par l'intérêt inaltérable du patient, par les règles du savoir vivre et l'étymologie.

Ainsi, prenons comme exemple l’entête  traditionnel « Cher confrère ».

Si on précise systématiquement le laudatif « Cher », c’est que cette notion n’est pas implicite.

Par ailleurs, l’étymologie de « confrère » est éloquente. Ce mot vient la réunion de deux mots dont l’origine se perd dans la nuit des temps : con et frère. On aime le plus souvent son frère, mais on peut se chamailler avec lui et penser qu'il est vraiment con parfois .

 

 

11:55 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)

Le conseiller financier (suite).

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En avril dernier j’avais rencontré celui qui est actuellement mon conseiller financier à La Banque Postale.

 

Je vous rappelle un peu le concept de cet établissement fascinant.

Au début il y avait le courrier recommandé ou non, les CCP, les formulaires avec papier carbone incorporé, des fonctionnaires de la Poste derrière leurs hygiaphones et des files d’attente devant.

 

Puis la Poste, alléchée par le « livret A » a décidé de développer sa gamme financière.

Chaque bureau de Poste, qu’il soit Haussmannien immense ou minuscule de type architecture collectiviste des années 50-70 a tenté d’isoler des espaces pour permettre au conseiller financier de travailler, certes les genoux repliés (tout comme l’usager venu le voir), mais en toute confidentialité

Des cloisons ont donc proliféré au sein de nos antiques  et parfois exigus bureaux de Poste. Détail qui a son importance : les portes se doivent de s’ouvrir à l’intérieur afin qu’il soit nécessaire de se lever à chaque fois que quelqu’un les ouvre (le rendez-vous suivant, un collègue de travail qui veut en griller une, ou un papy sourd et non francophone qui cherche les toilettes en urgence).

 

Bon, pour la confidentialité, au début, ce n’était pas ça. En effet, les files devant les guichets  n’ont fait que contourner ces nouveaux obstacles comme un filet d’eau contourne un gros caillou. Et vu l’épaisseur des cloisons, il n’était pas impossible de pouvoir discerner que le pourtant respectable voisin du cinquième venait juste de souscrire un contrat d’assurance vie de 50000 francs au profit de la jeune et avenante coiffeuse de sa femme qui le devenait de moins en moins avec le temps.

Puis le pole financier de la Poste est devenu « La Banque Postale », les usagers sont devenus des clients.

Pourtant, au début rien n’a changé, comme le rappelle donc ma note de mai dernier.

Confidentialité douteuse, genoux pliés, file d’attente parfois agressive (« non, non, je n’essaye pas de vous passer devant, je vais voir mon conseiller financier…. »), tout était identique.

Même le conseiller était à l’avenant : absent, injoignable, en maladie, aspect « grunge », désagréable, au choix (j’ai tout connu).

 

Ce mercredi j’ai donc eu un choc en allant voir mon conseiller (catégorie grunge).

Au début, un bureau de Poste banal.

Puis un couloir qui donne sur un espace tout neuf, à part, uniquement dédié au secteur bancaire.

Le bureau où me reçoit mon interlocuteur est immense (au moins 4 fois la surface des cagibis d’avant) et chose effarante, son ordinateur marche.

Lui-même a changé : costume et veste sombres. Seule concession au passé : il a gardé son collier ethnique.

On discute.

Je suis venu pour un point précis mais celui-ci réglé, la conversation dévie sur l’univers immense et trouble de la défiscalisation.

Il dégaine son arsenal : SCPI de Robien, FCPI, SOFICA, diagnostic patrimonial…

Il me conseille pour échapper à la fiscalité sur les comptes titres (moins de 20000 euros de cessions par an, savoir vendre à perte…).

Il me parle enfin d’une assurance-vie haut de gamme (c'est-à-dire que le ticket d’entrée est à 75000 euros) qui offre un rendement supérieur à la banale assurance vie que j’ai actuellement chez eux.

 

A un moment, je me suis pincé.

J’étais pourtant bien dans un bureau de Poste en face d’un fonctionnaire grunge déguisé qui a voté Besancenot au premier tour.

 

A un moment, un peu étourdi, je lui ai quand même dit que payer des impôts permettait aussi de construire des écoles des routes et des hôpitaux.

Il a alors souri avec commisération en découvrant ses dents carnassières et loué mon altruisme.

Pour un peu, je passerais pour un dangereux gauchiste à « La Banque Postale » nouvelle version.

 

Lénine, réveille toi, ils sont devenus fous !

Qu’ont-ils fait de ta Poste ?

 

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