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01/07/2008
Garçon, l’addition !
Je n’ai pas une serviette posée sur l’avant-bras gauche, mais un stéthoscope autour du cou.
Sinon, c’est presque pareil, notamment la blouse blanche courte qui ressemble à s’y méprendre à un haut de garçon de café.
Ah si, quand même, une autre différence !
Je n’apporte jamais les consommations, seulement l’addition.
Je l’apporte le plus souvent chez les fumeurs, aux environs de la cinquantaine, quand le repas est fini. Bien que la plupart ne s’en rende pas compte.
Hier après midi, je vois pour la première fois un homme de 52 ans, avec une coronaire droite occluse en 2001, fumeur, camionneur, un peu intolérant au glucose et vaguement déprimé. Son épouse, fumeuse, femme de camionneur, un peu intolérante au glucose et vaguement déprimée aussi, l’accompagne.
Quelques questions, un ECG, un coup d’œil au cœur et au carotides plus tard, la douloureuse tombe : une carotide à opérer. Occluse à plus de 85%, dixit l’ angioscanner cervical que j’ai quand même demandé un peu plus tard dans la journée.
Ce n’est pas tout, je suis sûr que si je creuse un peu, je vais pouvoir rajouter à la note une coronaropathie évolutive (il est dyspnéique et oppressé au moindre effort), une artériopathie des membres inférieurs et une bronchite chronique que je vais laisser à un confrère pneumologue. L’oncologue suivra bien un jour. C'est dingue comme la colonne parait longue dans une addition.
Je lui ai dit qu’il fallait vraiment arrêter de fumer et s’occuper de lui.
En gros, il arrête tous les soirs quand il se couche.
Il a déjà arrêté 10, 20, 30 fois.
Mais chaque fois « le stress » le fait rechuter : les embouteillages, le prix du gas-oil, les délais de livraison à respecter…
Et ce n’est pas du côté de sa femme qu’il faut espérer chercher de l’aide.
« Je m’arrêterai quand il s’arrêtera », s’est-elle exclamée quand je lui ai suggéré de s’arrêter pour aider son mari.
Voici donc encore une victime qui va être égorgée dans l'hôtel-restaurant du tabac, qui n’a pas compris que le repas est fini, et qu’il va falloir payer.
Je ne suis pas vulgaire, je ne parle pas des honoraires qu’il va me verser à moi et à tous mes confrères. Mais je ne suis pas hypocrite non plus, je vis très bien grâce au tabac.
Non, je parle de cette « douloureuse » qu’il va devoir acquitter, au profit de rien ni de personne. Je ne ramasserai qu’un pourboire au regard de la souffrance qui l’attend.
Saloperie de tabac.
18:09 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
30/06/2008
Tertullien
Je sais que la devinette suivante est presque un lieu commun, car je l’ai déjà vue plusieurs fois sur la toile, mais de quelle époque date le texte suivant?
…
« Assurément il suffit de jeter les yeux sur l'univers pour reconnaître qu'il devient de jour en jour plus riche et plus peuplé qu'autrefois. Tout est frayé; tout est connu; tout s'ouvre au commerce. De riantes métairies ont effacé les déserts les plus fameux; les champs ont dompté les forêts; les troupeaux ont mis en fuite les animaux sauvages; les sables sont ensemencés; l'arbre croît sur les pierres; les marais sont desséchés; il s'élève plus de villes aujourd'hui qu'autrefois de masures. Les îles ont cessé d'être un lieu d'horreur; les rochers n'ont plus rien qui épouvante; partout des maisons, partout un peuple, partout une république, partout la vie. Comme témoignage décisif de l'accroissement du genre humain, nous sommes un fardeau pour le monde; à peine si les éléments nous suffisent; les nécessités deviennent plus pressantes; cette plainte est dans toutes les bouches: la nature va nous manquer. Il est bien vrai que les pestes, les famines, les guerres, les gouffres qui ensevelissent les cités, doivent être regardés comme un remède, espèce de tonte pour les accroissements du genre humain. »
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Tertullien. De l’âme XXX. Traduction : E.-A. de Genoude
Etonnant, non ?
Je ne suis pas en train de virer catho, et je ne vais même pas vous faire croire que je connaissais cet auteur avant de lire avant-hier l'article de Wikipedia.
Mais j’ai trouvé une citation de ce passage assez prémonitoire dans le livre de Peter Beard, « La fin d’un monde ».
L’auteur l’utilise pour amplifier sa critique sur la gestion des éléphants en Afrique de l’Est, pachydermes tellement protégés et si peu respectueux de leur environnement, qu’ils finissent par mourir de faim à cause de leur surpopulation et de la disparition de leurs ressources naturelles. En surfant un peu, j’ai trouvé ce texte dans des débats entre ceux qui pensent que la surpopulation va finir par asphyxier la Terre, et les autres qui pensent que non. L’éléphant, une métaphore pour l’espèce humaine ?
Curieusement, ce texte vénérable sert argument pour les deux camps.
22:26 Publié dans Jeux | Lien permanent | Commentaires (3)