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28/02/2005

Tsavo

medium_elephant_tsavo.jpgIl est en colère, très en colère. Nous avons violé son territoire, sans nous en rendre compte, en déboulant d’un petit chemin de terre, bordé de hautes broussailles. Il agite sa tête de gauche à droite, toutes oreilles déployées, en barrissant profondément, signes de fureur tellurique.
Tellurique, comme sa couleur ocre, son grondement et la puissance de sa rage.
Le temps de voler une photo, et nous nous enfuyons dans un nuage noir de pot d’échappement.

Nous avons eu honte d’avoir dérangé le vrai roi des animaux.

21:42 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0)

27/02/2005

Les pêcheurs Njemps

medium_baringo.jpgNous égrainons les lacs le long de la fracture du Rift comme le pouce du vieillard kenyan et son rosaire lustré ; avec le recueillement de celui qui ne sait pas vers quels paradis il s’avance.

Après Naivasha et Bogoria, nous approchons de Baringo, avant de terminer par Nakuru.

Ce lac Baringo est le territoire des Njems, cousins pêcheurs des éleveurs Samburus.

De dignes hérons Goliath nous ignorent de toute leur hauteur.
Les bords du lac, ourlés de nénuphars, sont infestés de crocodiles, et d’hippopotames.
Les enfants Njemps se baignent toutefois depuis des générations, apparemment en bonne entente avec ses derniers. Curieusement pour nous autres européens, ce sont les hippopotames qui sont les plus craints.
Notre destination est « Island Camp », un hôtel situé sur une île, au beau milieu du lac.
Comme « Elsamere », il n’est composé que d’une dizaine de bungalows, parfaitement intégrés dans la nature verdoyante.
Nous traversons en pirogue, accompagnés de deux Njemps. L’un d’eux avait pris soin de prendre un poisson sur l’étal d’un pêcheur, et de le farcir d’un morceau de bois.
Pour quelle divinité est destinée cette offrande ?
Dans quel but ?
Pour favoriser notre traversée, et détourner les hippos et les crocos ?
Nous nous arrêtons au milieu du trajet.
« Prepare your camera ! »
Sally s’arme.
Le jeune Njemps siffle très fort, et lance de toutes ses forces le sacrifice.
Rien
Toujours rien
Puis un éclair blanc et noir fond du ciel sur le poisson, resté à la surface grace au morceau de bois.
Sally prend le cliché.
Il s’agit d’un magnifique aigle pêcheur, qui niche au sommet des hauts arbres bordant le lac. Au signal, l’animal sait qu’un poisson l’attend.
Il transmettra à sa descendance que des pêcheurs, dévoués à son culte, sifflent pour prévenir qu’une nouvelle offrande est offerte sur l’autel des eaux du lac Baringo.
Nous traversons son sanctuaire sans encombres, après avoir obtenu sa bienveillance.
Nous sommes accueillis par notre hôte, qui est en tout point semblable à celui d’ « Elsamere », c'est-à-dire très britannique.
Les bungalows sont disséminés dans une forêt surpeuplée d’une multitude d’oiseaux de toutes tailles, et de toutes couleurs (starlings, hornbill de Hemprich et une partie des 456 autres espèces d’oiseaux recensés dans ce paradis ornithologique).
Les chants sont presque assourdissants.
Les chambres sont vastes, pas une seule araignée (vu le nombre d’oiseaux, nous ne sommes pas étonnés).
Après le velouté de cresson rituel , nous passons une soirée délicieuse, bercée par les chants venus des arbres.
Le lendemain, nous nous levons de bonne heure, pour assister au lever du soleil sur le lac, et au départ des Njemps pour la pêche.
(…)
Pas de mots pour le décrire.

15:30 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0)

24/02/2005

Leica

medium_giacometti_grande.jpgLeica a inventé la photographie argentique, cette vénérable société risque de ne pas lui survivre.

Je me suis intéressé tardivement, et brièvement à la photo (juin 2004- novembre 2004).
J’ai acheté un appareil numérique afin d’apprivoiser, et connaître les « fondamentaux » de la photo. J’ai envisagé d’acquérir un bon appareil argentique pour vivre les affres du photographe argentique : réflexion sur le cadrage, le diaphragme, le vitesse d’obturation, la lumière, et surtout l’attente du résultat. J’ai même pensé un moment développer moi-même, dans ma cave (probablement le pire endroit de la maison pour développer, à cause des poussières), avec l’aide de mon beau-frère, qui avait tâté cet art difficile dans sa jeunesse.

Après avoir un peu lu, fréquenté des fora de passionnés, et photographié en rafale, tout ce qui tombait sous mon objectif, mon enthousiasme s’est un peu atténué, et je suis passé à autre chose. J’aime toujours autant photographier en débrayant tous les programmes censés aider le photographe (autofocus et réglage du couple vitesse/diaphragme), mais je vais rester définitivement au numérique.

L’instantanéité et la qualité des photos sont telles, que l’argentique ne sera bientôt plus réservé qu’à une petite poignée d’irréductibles passionnés.

La photo est un bon reflet de la société actuelle (je n’ai pas osé dire « une bonne photographie »…). Ses caractéristiques, et tendances, sont aussi celles de notre temps :

- La recherche de la perfection systématique.
Les appareils numériques sont dotés de logiciels de pré et de post traitement, qui permettent, même pour le photographe non voyant de réaliser à coup sûr des clichés réussis : autofocus, stabilisateur d’images, flash TTL, anti yeux rouges, logiciels de filtrage, anti bouloches, anti rides, anti épis, anti tête d’enterrement….
Bientôt, ils vont sortir un AUP (Anti Ugly Person) : un filtre informatique va effacer du cliché toute personne à l’esthétique un peu douteuse. L’AUP est déjà largement utilisé dans le domaine de la publicité, et des relations publiques.
Même plus besoin de réfléchir, le « coach » qui est dans votre appareil s’occupe de tout (« prend pas la mémé, elle est moche et vieille, prend plutôt ta petite sœur… »)
Personnellement, je regrette un peu, car mon cliché favori n’aurait jamais existé avec tous ces logiciels : Giacometti traversant son atelier par Cartier-Bresson. La photo ne serait plus floue, supprimant l’évocation de mouvement, et du mimétisme entre l’artiste et son œuvre. De plus, Giacometti aurait été effacé par l’AUP (il a la cigarette au bec, c’est politiquement incorrect, et il n’est pas particulièrement beau).

- Plus, c’est mieux (« more is better »)
Soyons logiques, 8 M de pixels, c’est mieux que 5, qui est mieux que 4….
Toutes les marques exhibent à qui mieux mieux leurs millions de pixels pour attirer le chaland. Certes, c’est bien pour la définition, mais le pouvoir de résolution de l’œil humain est incapable de faire la différence à partir d’un certain nombre de pixels, sur un cliché 10x15.
C’est évidemment beaucoup plus simple, et plus économique de produire des capteurs de plus en plus miniaturisés qu’un objectif performant. Et aussi plus facile à vendre : « Huit millions » parle beaucoup mieux au grand public que « Minolta AF 75-300 mm f : 4,5-5,6 D ». Puisqu’on vous dit que c’est simple : plus c’est mieux…

Ainsi, 8 c’est mieux que 5.
25 cm mieux que 20
Bonnet C, mieux que bonnet B
4 roues motrices, mieux que 2…

- Plus pour moins d’argent
Le numérique permet de faire des milliers de photos, pour pas un centime.
C’est donc bien, car pas cher.
Même si toute création ou émotion est absente de ces clichés, même si un cliché sur 1000 est regardable.
Le plus important, c’est que çà ne coûte pas cher, et qu’on en ait beaucoup pour son argent.
Vivement l’appareil photo numérique jetable….
Vive le nivellement par le bas

- Plus cher, c’est mieux
Leica, c’est mieux car c’est plus cher, et plus élitiste.
C’est encore plus cher (environ 6500€), encore plus élitiste, donc encore mieux lorsqu’il s’agit d’un boîtier en série limitée E-X-C-L-U-S-I-V-E, habillé par un étui Hermès.
Vos photos seront beaucoup plus belles, faites par un appareil photo habillé par Hermés en cuir veau Barénia (si, si, un appareil à 6500€ ne peut faire QUE de bonnes photos, si elles sont un peu « ratées », c’est voulu, c’est de l’Art).
Vive le nivellement par le haut

- Moins votre cliché montre la réalité, plus il montre un concept, mieux c’est
N’ayez plus honte de vos clichés mal cadrés, un peu flous !
Si vous arrivez à y découvrir un concept, si possible général, c’est gagné. Même si mémé est floue, et n’a ni tête, ni bras, vous avez représenté « l’effacement progressif du rôle d’apprentissage, et de conseil des seniors dans notre société moderne post soixante-huitarde »
Ca mérite une expo à la FNAC.



Je pense que l’on pourrait trouver d’autres exemples, mais je vous laisse le soin de poursuivre la liste.

09:51 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (0)