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06/06/2006

Les Sociétés de Sécurité.

Je pense que vous avez remarqué comme moi la prolifération d’agents de sécurité dans la plupart des lieux commerciaux. Ces agents sont souvent issus du même milieu que ceux qu’ils sont censés empêcher d’agir. Probablement deux intérêts à cela : couper court à toute accusation de racisme, et aussi stabilisation de la marmite sociale des banlieues en engageant des jeunes du coin.

En Afrique, ces sociétés ne boxent pas dans la même catégorie que les nôtres.

Armes de poing, impunité quasi-totale (les forces de l’ordre les engagent pour surveiller les parkings du personnel de certains commissariats !), ils forment de véritables armées privées.

 

Cet article du Monde m’a rappelé une anecdote.

 

Nous logions dans un quartier résidentiel de Nairobi, nommé Karen (en l’honneur de Karen Blixen dont la maison est proche).

Des patrouilles armées de fusils à pompe, en uniformes paramilitaires patrouillaient sans cesse.

L’amie chez qui nous logions nous raconta qu’un jour, un jeune homme chaparda le sac d’une vieille femme. Un agent de sécurité le pris immédiatement en chasse, et alerta ses collègues à l’aide d’un sifflet. Le jeune homme fut rapidement maitrisé. Les agents le ceinturèrent d’un vieux pneu et y mirent feu.

Comme ça, sans autre forme de procès.

La « justice » est tellement expéditive que les résidents appellent la police dès qu’ils entendent ces fameux coups de sifflet. Non pas pour appréhender le malfrat, mais pour le protéger !

Au moins, nous dit notre amie, il a une chance de survie si il arrive vivant au commissariat !

La première année ou nous sommes allés là-bas, en première page du « Nation », grand quotidien national, s’étendait une photo montrant des policiers posant devant trois cadavres à leurs pieds. Une photo digne des grandes chasses du siècle dernier. Tout juste si les policiers n’avaient pas le pied sur la tête d’un des hommes à terre.

 

Qu’avaient-ils donc fait de si terrible ? C'étaient de simples voleurs de voiture.

08:37 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)

24/08/2005

Les vieux.

medium_vieux.jpgUn couple vient de se séparer avec pertes et fracas à la clinique.

Madame, âgée de 73 ans, séjournant actuellement dans notre établissement a eu une violente dispute avec son mari cet après-midi. Il a claqué la porte en lui jetant au visage qu’il la quittait.

Au bout de combien d’années de vie commune ?

 

Cet épisode m’en a rappelé un autre, encore plus dramatique, quoique burlesque.

Je crois que j’étais externe au pavillon A (les urgences chirurgicales) de l’Hôpital Edouard Herriot quand les pompiers nous ont emmené un couple très, très âgé.

Et assez mal en point.

La femme, octogénaire avait tout l’avant bras droit lardé de longues et profondes blessures effilées. Certaines blessures allaient jusqu’à l’os, ce qui n’était pas étonnant, étant donné sa faible masse musculaire. Son mari, octo ou nonagénaire était rentré dans une rage folle, et avait voulu la défigurer avec son rasoir coupe-chou ancestral lui aussi. La pauvre femme n’avait pu que se protéger en interposant son bras. Elle s’était défendu en cassant une bouteille de bière sur la tête de son mari, qui était dans le box d’à côté pour trauma crânien. Pendant que le senior la suturait, je suis allé voir la bête fauve. Il était assis, l’air abattu, son menton reposant sur ses mains appuyées sur sa canne. Hormis les tâches de sang sur sa chemise, et son pantalon de velours, rien ne pouvait laisser penser qu’une telle fureur pouvait surgir de ce petit papi assagi.

 

La cause d’un tel déchaînement de violence ?

Il la soupçonnait de le tromper avec le boucher du quartier, lorsqu'elle allait acheter la viande.

 

*******************

 

Les vieux

Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest 1964

Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends

Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide
Et le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend

Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin
Traverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attends
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend

 

 

Image trouvée ici.

19:48 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (2)

20/08/2005

Buletins de paye

medium_hommevinci.jpg

A priori, aucun bulletin de paye n’est particulièrement inducteur de rêverie, ou de remémoration.

Mais aujourd’hui, jour post garde, je suis suffisamment encotonné pour tenter l’expérience.

J’ai retrouvé en faisant mes comptes, d’anciens bulletins, qui m’ont permis de planter quelques bornes, comme Emmanuel Conte au début de « Malevil ».

 

La première borne se signale par un « non bulletin ».

J’ai en effet perdu mes deux fiches de paye d’ASH (Agent de Service Hospitalier), en été…

Je ne sais plus.

1995, peut-être.

Bien que n’ayant nul besoin d’argent, j’avais demandé aux Hospices Civils de Lyon à effectuer un remplacement de deux mois d’ASH à L’Hôpital Edouard Herriot (toujours le même, il revient à intervalles réguliers dans ma vie…).

Les HCL, bonnes filles, accordaient larga manu ces postes temporaires aux étudiants en médecine, qui en faisait la demande.

L’ASH est le dernier maillon d’un service hospitalier, technicien de surface, coursier, brancardier parfois, il est polyvalent.

Ces deux mois m’ont plus appris sur l’Hôpital que les 10 ans suivants.

L’organisation pyramidale, les gens « d’en haut », les gens « d’en bas », les codes à respecter (« surtout, pas de zèle », « chacun paye son café et nettoie sa tasse »…), les petits et gros soucis de personnes n’étant pas nés comme moi, avec une petite cuillère en argent dans la bouche.

J’y ai appris à faire un lit (bien difficilement), car je n’avais pas ma nounou ardéchoise pour le faire. Il fallait faire vite et bien, surtout en fonction du nombre d’entrants et de sortants.

Je me suis aussi rendu compte de la gaucherie que l’on peut avoir à 22-23 ans pour des actes d’allure simplissime, par rapport à de vieux routiers expérimentés.

J’ai eu un aperçu sur le syndicalisme, la vie des antillais en Métropole…

J’ai découvert combien on a envie de sauter à la gorge d’un médecin, quand celui-ci marche sur le sol que l’on vient de nettoyer (d’un autre côté, j’étais pas très intelligent, ayant mouillé toute la largeur du couloir, et non la moitié, comme il se doit…).

J’ai aussi appris à préparer un mort avant son dernier voyage hospitalier vers la morgue (ça m’a servi bien plus tard).

 

Deuxième borne : Septembre 1997, mon dernier bulletin de salaire d’externe.

Au sommet de la hiérarchie externale, il culminait à 1203.04 francs (je n‘avais pas fait de garde ce quadrimestre).

Pendant les trois premières années de médecine, zéro, puis 900-1300 francs par mois pendant les trois années suivantes (l'externat). Puis ensuite, l'internat.


Un seul mot me revient à l’esprit aujourd’hui en relisant cette dernière fiche de paye de mon externat: ENFIN, c’est fini!

 

Troisième borne : novembre 1997, mon premier salaire d’interne : 7150.62 francs.

Impressions mitigées : une immense peur, quasi incontrôlable avant de débuter, surtout quand j’ai rencontré mon premier patron pour la première fois dans son bureau, un soir :

 

"J’ai très peur de faire des gardes

- Tu vois, si tu n’avais pas peur, ce serait inquiétant, tu vois…"

 

Facile à dire…

Indissociable de cette peur, l’immense fierté de faire enfin partie de cette « élite », dont me parlait ma mère depuis mon enfance (« quand j’ai rencontré ton père, il était externe, puis il a réussi son Internat... »). Cet examen est tellement mythique dans mon esprit, que je n’ai jamais réussi à l’écrire autrement qu’avec une majuscule. Petit, je feuilletais le livre recensant toutes les promos d’internes des Hôpitaux de Lyon depuis le XIX (avec les photos de promos pour les dernières).

Seule petite ombre, je ne serai jamais Interne des Hôpitaux de Lyon (IHL), le Graal, sauf pour les parisiens, bien sûr…

Qu’importe (j’ai quand même mis 4 ans pour arriver à le dire en le pensant vraiment).

Pour mémoire, et pour information pour les externes/jeunes internes, j’ai terminé à 2017.96 euros pour mon dernier mois d’interne en avril 2002 (avec 5 gardes quand même).

C'est aussi une date importante, puisqu'il s'agit de la fin officielle de mes études médicales (avril 2002, date de la Thèse, et du DES). Durée totale: 12 ans (octobre ou novembre 1990-avril 2002).

 

Quatrième borne : mai 2002 : attaché aux Hôpitaux de Paris, 2643.83 euros.

Financièrement, ça va beaucoup mieux, le titre est ronflant, mais sans aucune valeur. D’autant plus que j’étais rattaché au service de biophysique (je faisais des épreuves d’effort en médecine nucléaire). Bien entendu, j’étais autant « attaché en biophysique », qu’astronaute. Mais bon, c’était le seul moyen de me payer, le service de cardio n’ayant aucune vacation à fournir.

J’ai déjà parlé de cette période, pas grand-chose à rajouter.

 

Cinquième borne : novembre 2002 : première paye d’Assistant des Hôpitaux (1142.51 euros) et Chef de clinique à la Faculté (1308.31 euros).

Un seul mot là aussi : ENFIN

Que du bonheur, j’ai retrouvé Sally et Guillaume après 5 mois parisiens, et j’ai atteint mon but professionnel (je raconterai un jour la course pour avoir un poste de « CCA »). Je ne visais pas plus haut comme carrière hospitalière.

Deux ans d’aisance financière, et surtout sans aucun soucis métaphysique (le bachelier se demande si il va être étudiant en médecine, l’externe se demande si il sera interne –ou et en quoi-, l’interne se demande si il sera CCA…). A cette époque, pour la première fois, je ne me demandais plus rien depuis bien, bien longtemps.

 

Depuis novembre 2004, je suis multi casquettes : praticien attaché aux Hôpitaux (cardiologie et médecin vasculaire), cardiologue/médecin vasculaire libéral, réanimateur nocturne en chirurgie cardiaque, et médecin rééducateur.

Bref, pour l’instant ça roule.

Pourvu que cela dure.

 

Ce que je tire de cette remémoration ?

Le parcours est long, semé d’embûches, et finalement assez incertain.

L’aisance financière vient finalement assez tardivement (si l’on compte en salaire horaire, on frôle le ridicule), il faut donc avoir les reins assez solides.

Mais, jamais je n’aurais pu faire autre chose.

Ce métier, et ses études font autant parti de moi que mon cœur ou mon foie.

Je ne crois pas en Dieu, mais en mon métier.

16:25 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (7)