08/05/2005
Monsieur Besson.
Il était immense et énorme comme le cyclope, frisé comme un faune virgilien, une voix d’aulos et le visage mangé par une barbe bachique.
C’était mon prof. de Latin en terminale (il enseignait aussi le Grec classique).
Sa principale caractéristique, autre que physique, était son absence.
Des absences répétées et prolongées, pour « problèmes de santé ».
Nous avons du avoir une dizaine d’heures de cours l’année du Bac, ce qui n’était évidemment pas idéal.
Pour beaucoup de mes condisciples.
Car, pour ma part, cela n’avait aucune importance, car mon niveau abyssal n’aurait même pas été amélioré par 100, 1000 heures de cours.
Il avait l’habitude de rendre nos versions par ordre de note décroissante, seul petit sadisme que se permettait, cet homme au demeurant paisible.
Un jour il arrive, et commence à nous dire qu’il était très fier de certains d’entre nous. En effet, leur niveau s’était considérablement amélioré, comme en attestait le dernier devoir surveillé. Il en rajoute même un peu.
Je m’autorise à espérer que je suis de ces heureux élus, enfin touchés par l’esprit de Lucrèce.
Il distribue les copies, commencant toujours par la même élève, une certaine Pommier (Catherine ??), et la même note, 20/20.
Après quelques minutes, il appelle mon nom.
« Ahhhh, Lawrence, je vous félicite, vous avez fait de réels progrès, rendez-vous compte, vous avez multiplié votre note par presque deux !! ».
Je prends ma copie, écoeuré par tant d’ironie.
Un gros 9 rouge était griffonné dessus.
Dans mon lycée, des compositions étaient organisées chaque trimestre, sur une semaine complète. Tous les cours étaient annulés (en fait, récupérés…).
L’année du Bac, la dernière composition était pompeusement dénommée « Bac blanc ».
Première composition, la version latine est « L’invocation à Vénus » de Lucrèce.
Deuxième composition, il divise la classe en deux, selon l’ordre alphabétique. Le groupe 2, le mien tombe sur….
"L’invocation à Vénus !"
Bac blanc, Monsieur Besson est souffrant, la remplaçante nous fait tirer un texte au hasard, je tombe sur…
"L’invocation à Vénus !!"
Le jour du Bac, j’arrive dans la salle, prêt au sacrifice, mon « Gaffiot » sous le bras (les seules phrases que j’ai réussi à traduire dans les versions latines étant justement celles que ce vénérable ouvrage donnait en exemple, à chaque mot latin traduit !!).
Elle regarde ma liste, et me donne à traduire…
"L’invocation à Vénus !!!"
Croyez le, même en connaissant ce texte par cœur (en français et en latin, s’il vous plait), je n’ai réussi à n’avoir qu’un modeste (inespéré, toutefois) 11/20.
« Timeo Danaos et dona ferentes »
Pour vous, en cadeau, les premiers vers de l'invocation à Vénus:
DE NATURA RERUM
LIBER PRIMUS
Aeneadum genetrix, hominum divomque voluptas,
alma Venus, caeli subter labentia signa
quae mare navigerum, quae terras frugiferentis
concelebras, per te quoniam genus omne animantum
concipitur visitque exortum lumina solis:
te, dea, te fugiunt venti, te nubila caeli
adventumque tuum, tibi suavis daedala tellus
summittit flores, tibi rident aequora ponti
placatumque nitet diffuso lumine caelum.
Mère des Romains, charme des dieux et des hommes,
bienfaisante Vénus, c'est toi qui, fécondant ce monde placé sous les astres errants du ciel,
peuples la mer chargée de navires, et la terre revêtue de moissons;
c'est par toi que tous les êtres sont conçus, et ouvrent leurs yeux naissants à la lumière.
Quand tu parais, ô déesse, le vent tombe, les nuages se dissipent;
la terre déploie sous tes pas ses riches tapis de fleurs;
la surface des ondes te sourit,
et les cieux apaisés versent un torrent de lumière resplendissante.
NB: La traduction n'est bien évidemment, pas de moi...
12:40 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (3)
22/04/2005
Annie.
Je l’avait totalement oubliée, elle s’est estompée de ma mémoire, discrètement, mais inéluctablement.
Je l’ai revue aujourd’hui à la clinique. Elle y est hospitalisée pour « dépression ». Toujours le même fardeau depuis des années. A l’époque déjà…
Quand je suis arrivé de ma lointaine région, pour mon premier choix d’interne dans ce service de soins intensifs, je ne savais rien, ou quasi.
Je n’avais non plus aucun soutien des médecins plus expérimentés, dans ce service un peu fou (Cf infra )
Le nombres de visite que j’ai faites avec un médecin senior, se compte sur les doigts de la main en six mois.
Seul.
Presque seul, en vérité.
Les infirmières des soins, dont Annie et Corinne au premier plan, m’ont guidé, et tenu la main pendant des heures parfois difficiles.
Jamais narquoisement, jamais avec condescendance.
Ce sont elles qui m’ont appris les rudiments de la réanimation cardiaque, sûrement pas les autres médecins.
Ce sont en quelques sorte mes mamans « professionnelles ».
J’ai été choyé, et j’ai eu de la chance d’avoir eu autant de mamans.
Je l’ai revue donc, toujours triste, mais le même regard pétillant, son petit rire doux et saccadé.
7 ans et 15-20 kilos de plus, les traits du visage affaissés.
Détail poignant, des prothèses mammaires (pourquoi ?, pour garder un homme ?) tombées au niveau du diaphragme, sur sa radiographie du thorax d’entrée.
J’étais un peu pressé (de garde ce soir), nous avons peu parlé, mais la revoir comme cela m’a serré le cœur.
22:15 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)
13/04/2005
Mémoire.
Est-ce que l’ADN a de la mémoire ?
L’eau en aurait bien une.
Donc pourquoi pas ?
Je suis athée depuis tout petit.
Le seul cours dont je me sois fait virer était un cours de catéchisme.
J’ai toujours détesté Louis XIX.
J’ai toujours pensé qu’avoir un lien direct avec la Divinité était mieux que passer par des intermédiaires.
Je me suis toujours senti proche des juifs, et de leur amour des Textes.
Je préfère nettement la sobriété à la profusion, le noir et le blanc au doré.
Je n’arrive pas à me défaire d’une certaine rigidité d’esprit, qui peut survenir sans crier gare, à tout moment, et d’un certain rigorisme quand aux règlements.
J’ai été très ému en visitant le Musée du Désert dans les Cévennes.
Bref, si j’avais dû croire, j’aurais été protestant.
Je l’ai toujours dit.
Très récemment, j’ai découvert que deux petits hameaux du canton de Vaud en Suisse portaient mon patronyme (qui est assez rare : XX naissances entre 1966 et 1990 en France, seulement XX entre 1891 et 1915, uniquement dans l’Ain)
Sur son site, un passionné de toponymie des localités de Suisse Romande (si si, cette passion existe aussi…) note que le nom de ces hameaux provient d’un patronyme.
Le mien.
Ma famille paternelle est originaire de l’Ain, non loin de la frontière suisse.
Je présume qu’il ne s’agit pas d’un hasard, je pense m’être découvert des lointains ancêtres suisses.
Donc, assez probablement protestants à l’origine.
Pourquoi ont-ils émigré en France ? Pourquoi sont-ils devenus catholiques romains ?
Mystère.
Ca fait beaucoup de syllogismes tout çà, mais bon, j’ai trouvé ces hasards assez troublants.
J’aime imaginer avoir gardé cet atavisme protestant en moi.
Bon, si ma famille a émigré de Suisse pour fuir les persécutions desdits protestants, je n’aurais pas trop l’air fin…
Je vais faire un petit voyage en Suisse cet été, je passerai voir « mes » hameaux.
J’espère en apprendre plus.
Un site pour les généalogistes en herbe.
Note éditée le 19/08/2006
22:20 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (2)