03/06/2008
De l'art (7)
Quant à ceux qui prétextent la mort des malades pour anéantir l’art, je me demande avec surprise sur quels arguments plausibles ils se sont appuyés pour rejeter la cause de la mort des malades, non sur leur infortune, mais sur la science de ceux qui exercent la médecine ; comme s’il était plus ordinaire aux médecins de prescrire de mauvais traitements, qu’aux malades de violer les ordonnances. Cependant il est beaucoup plus naturel aux malades de ne pouvoir remplir exactement les ordonnances qu’au médecin de prescrire ce qui ne convient pas. En effet, le médecin est sain de corps et d’esprit lorsqu’il entreprend un traitement ; il se guide sur le présent et sur le passé qui a de l’analogie avec ce qu’il a sous les yeux, de telle sorte que les malades sont quelquefois contraints d’avouer que c’est grâce à lui qu’ils sont sauvés ; tandis que les malades, ne connaissant ni la nature ni les causes de leur mal, ignorant quelles en seront les suites, et ce qui arrive dans des cas analogues, placés sous la dépendance des médecins, souffrant dans le présent, effrayés de l’avenir, remplis de leurs maux, vides de nourriture, désirent ce qui est plus propre à entretenir la maladie qu’à la guérir, et redoutent la mort, sans rien faire pour supporter courageusement leur mal. Eh bien, lequel, est le plus probable, ou que les malades, dans de semblables dispositions, feront ce qui leur est prescrit par le médecin, ou qu’ils feront d’autres choses que celles qui auront été ordonnées, ou bien que le médecin (se trouvant dans les conditions dont j’ai parlé plus haut) ordonnera ce qui ne convient pas ? n’est-il donc pas beaucoup plus vraisemblable que celui-ci prescrira un traitement convenable, et que celui-là ne pourra le suivre exactement, et qu’en le négligeant il court à la mort ; et la cause de cette mort, les mauvais raisonneurs la font retomber sur ceux qui en sont innocents pour en décharger les véritables auteurs.
De l’Art
Hippocrate
08:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
02/06/2008
De l'art (6)
Toutefois, s’il n’y avait dans la médecine et entre les mains des médecins d’autre mode de traitement que l’usage des remèdes purgatifs et resserrants, mes paroles auraient très peu de poids ; mais on voit les médecins les plus renommés guérir, soit par le régime, soit par d’autres moyens tels, qu’il n’est, je ne dis pas un médecin, mais pas même un individu quelconque, si ignorant qu’il soit de la médecine, qui ose soutenir que là il n’y ait point d’art. Si donc il n’est rien d’inutile entre les mains des médecins habiles et dans la médecine elle-même, si dans la plupart des plantes et des préparations artificielles on rencontre des espèces de remèdes et des moyens de traitement, il n’est plus possible aux malades guéris sans médecins de croire raisonnablement leur guérison spontanée : car alléguer la spontanéité, c’est ne rien dire ; en effet, dans tout ce qui arrive on trouvera qu’il y a un pourquoi cela arrive, et que c’est dans son pourquoi qu’existe la chose elle-même. Ce qu’on appelle spontané n’a aucune réalité substantielle, mais seulement un nom. La médecine, au contraire, consiste réellement dans le pourquoi et dans la prévoyance des effets : aussi apparaît-elle et apparaîtra-t-elle toujours comme ayant une réalité. Voilà ce qu’on pourrait répondre à ceux qui disputent les guérisons à l’art pour les attribuer à la fortune.
De l’Art
Hippocrate
08:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)
30/05/2008
De l'art (5)
Mais l’on va m’objecter que beaucoup de malades ont été guéris sans avoir recours au médecin : je ne nie pas cela, je crois même qu’il est très possible de se rencontrer avec la médecine sans se servir de médecin ; non pas qu’on puisse discerner dans cet art ce qui est convenable de ce qui ne l’est pas, mais il peut arriver qu’on emploie les mêmes remèdes qui auraient été prescrits si on avait fait venir un médecin. Ceci est déjà une grande preuve de la réalité de l’art ; si réel et si grand que ceux mêmes qui ne croient pas à son existence lui sont redevables de leur salut. De toute nécessité, les personnes malades et guéries sans avoir eu recours au médecin, savent qu’elles ont été guéries en faisant ou en évitant telle ou telle chose, car c’est l’abstinence ou l’abondance des boissons et de la nourriture, l’usage ou le non usage des bains, la fatigue ou le repos, le sommeil ou la veille, ou le concours de toutes ces choses qui les a guéries. De plus, quand ils étaient soulagés, il leur a fallu de toute nécessité pouvoir discerner ce qui les soulageait, comme aussi ce qui leur nuisait quand ils étaient incommodés. Il n’est pas à la vérité donné à tout le monde de déterminer parfaitement ce qui nuit ou ce qui soulage ; mais le malade qui sera capable de louer ou de blâmer [avec discernement], quelque chose du régime qui l’a guéri, trouvera que tout cela est de la médecine. Les fautes mêmes n’attestent pas moins que, les succès toute la réalité de l’art : telle chose a soulagé, c’est qu’elle a été administrée à propos ; telle autre a nui, c’est qu’elle n’a pas été administrée à propos. Quand le bien et le mal ont chacun leurs limites tracées, comment cela ne constitue-t-il pas un art ? Je dis qu’il n’y a pas d’art là où il n’y a rien de bien ni rien de mal ; mais quand ces deux choses se rencontrent à la fois, il n’est pas possible que ce soit le produit de l’absence de l’art.
De l’Art
Hippocrate
08:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)