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12/02/2005

Le chirurgien hongrois

medium_s528178a.jpgCe matin, j’ai pris le temps d’écouter le grand patient chauve, aux sourcils broussailleux, que j’ai évoqué hier dans « fa-ti-gué ».

Il a 68 ans et un cœur en effet bien fatigué.
Il faut dire qu’il l’a beaucoup utilisé.

Fils d’une famille hongroise modeste, absolument non médicale (père musicien, grand-père mécanicien et ébéniste), il tente de rentrer en fac de médecine en 1956 (l’année de l’invasion par le pacte de Varsovie).
« Idées pas assez communistes », il est recalé.
Il s’échappe de son pays en traversant la frontière avec d’autres qui fuient devant les chars soviétiques.
Il débarque à Strasbourg, dans un pays qui a tant fait rêvé sa génération, pays de cocagne et de liberté.
Il ne parle que russe et hongrois, et travaille comme manœuvre avec des ouvriers polonais.
Il s’inscrit à la fac en 1957, et passe le PCB (ancêtre de notre PCEM1) après avoir appris le français (R.E.S.P.E.C.T….), et obtenu une bourse d’études (« une seule condition, passer et réussir les examens chaque année »)
Il passe sa thèse en 1969, et il s’oriente vers la chirurgie.
Toutefois, il n’obtiendra jamais de reconnaissance officielle de son statut de chirurgien, et il est obligé de partir en Afrique pour exercer.
Il fait de la coopération, puis entre chez « Médecins du Monde » en 1987, puis part en Afghanistan, en pleine guerre contre les russes. Il travaille dans un bloc de fortune, au beau milieu des montagnes et des bombardements.
Il semble avoir pris du plaisir à voir les russes prendre une raclée (je veux bien le croire !).
Il rédige un journal intime (belle mise en abyme…), et pour ne pas être lu, il écrit en partie en latin.
Là encore, respect, car malgré mes 6 ans de latin, je suis bien incapable de formuler une quelconque phrase qui ne soit pas dans les pages roses du Larousse (ne te lève pas de ton siège, tout excité, jeune padawan, ces pages ne recèlent que des locutions latines et grecques -nooon, rassied toi encore, « locution grecque » n’est pas une pratique sexuelle exotique-).

C’est le genre d’homme qui me réconcilie avec l’humanité (au moins jusqu’au prochain 4x4 Cayenne que je verrai garé sur un emplacement réservé aux handicapés).

PS:
En tapant "chirurgien hongrois" dans Google (le nouveau Dieu: il sait tout, peut tout, est partout), j'ai retrouvé un autre chirurgien hongrois, quasi inconnu du grand public, mais qui a sauvé des millions de vies, Ignaz Philipp Semmelweis (1818-1865).
Il a décrit, contre vents et marées à l'époque, les premières mesures d'hygiène qui ont permis de lutter contre les affections puerpérales (en fait des septicémies) qui fauchaient des millions de femmes depuis le premier accouchement.
L'an dernier, j'ai vu en consultation à l'hôpital une de ses descendantes, une demoiselle Semmelweis pour une consultation pré opératoire en gynécologie.
J'étais tellement stupéfait de ma découverte, que je l'ai félicitée d'avoir eu un ancêtre aussi exceptionnel (elle a du me prendre pour un illuminé).
J'ai téléphoné à la copine anesthésiste qui me l'avait adressée pour lui parler de son cas.
Elle n'avait pas fait le rapprochement avec le grand homme; pourtant sa thèse portait sur les complications du péri-partum, et elle citait même son travail…
Bien évidemment, je me suis ignominieusement et abondamment foutu de sa figure

Commentaires

Tiens... en cherchant sur le net mon nom, j'ai découvert un psychiatre allemand qui a publié beaucoup. peut-être un lointain cousin, ou un lointain oncle... faut que je révise mon allemand pour lui écrire... je trouverai ça nul de devoir passer par l'anglais pour savoir s'il est de ma famille...

Écrit par : shayalone | 12/02/2005

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