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13/04/2005

Clara et la pénombre.

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Ce roman publié en France en 2003, se déroule en juin 2006.

C’est un roman d’anticipation, mais sa proximité nous permet rapidement de retrouver ses repères (ce n’est pas du Philip K. Dick…).

L’Art a connu une révolution majeure ("l'hyperdramatisme"), le support inerte, jugé dépassé, a été remplacé par des êtres humains. Une sorte de « Body Art », mais nettement plus évolué.

Les supports humains, ou « toiles » sont « apprêtées » par le peintre, c'est-à-dire que l’artiste va leur donner une humeur, des sentiments qu’il veut représenter. Ce n’est ni plus ni moins qu’une préparation psychologique, mais qui peut aller assez loin.
Ensuite, l’artiste peint sur son sujet, et éventuellement crée un décor autour.
La « toile » doit rester parfaitement immobile durant un nombre d’heures fixé à l’avance (l’auteur décrit les artifices qui permettent cet exploit).
La « toile » est alors louée à prix d’or à de riches collectionneurs. L’artiste reste toutefois propriétaire de l’œuvre. En gros, on ne demande pas son avis au support.

Le Leonard de Vinci de ce nouvel Art est un Maître inaccessible, Bruno Van Tysch.
La fondation qui porte son nom fait donc du commerce d’oeuvres d’art vivantes; immensément prospère, elle a sa propre police, et fait plier les gouvernements devant elle.
Ca, c’est de l’Art, de la haute couture
Mais, il existe un prêt à porter !
En effet, se décline aussi tout un mobilier fait d’êtres humains, que tout un chacun peut avoir à la maison ou au bureau.

Le roman est un thriller, ou des « toiles » sont sauvagement assassinées.
Deux enquêteurs travaillant pour la fondation « Van Tysch » et un policier vont partir à la recherche du psychopathe.
Le policier cherche un assassin, les deux enquêteurs, un vandale.

Globalement, ce roman n’aurait pu être qu’une banale histoire de « serial killer ».
Mais l’auteur, José Carlos Somoza, né en 1959 à La Havane, et psychiatre de formation apporte de nombreux éléments qui rendent ce livre envoûtant.

D’abord, une réflexion sur l’Art : qu’est-ce que l’Art ? Peut-il tout se permettre ? A-t-il des limites ?
Et surtout, que serait l’Art sans argent ?
Comme vous le savez, j’essaye de sortir de mon quotidien par la lecture, et aussi en collectionnant des toiles qui me plaisent. Petite collection, très modeste en taille et en valeur, mais qui m’a permis de m’ouvrir un monde que j’ignorais totalement, celui de l’Art, et des Artistes.
J’ai découvert cet ouvrage au début de ma passion.

Ensuite, la déshumanisation des « toiles » pose la question de la place de l’être humains dans notre société ou l’argent est Roi.
Est-ce que ce vraiment si aberrant ?
Quand je vois la multiplication exponentielle des « Hôtesses d’Accueil » dans les congrès, ou dans n’importe quel magasin, je me pose la question.
Elles sont calibrées, sélectionnées, suivent une formation spécifique.
Elles ne sont là que pour faire joli.
Essayez de leur demander un renseignement, quel qu’il soit…
Certes, cela a toujours existé, mais jamais à cette échelle. Même l’Administration s’y met.
De plus, les médias actuels véhiculent aussi l’idée que l’argent peut tout acheter.
Vous allez rouler une pelle à tout un troupeau de vaches normandes, pour le plaisir de nos téléspectateurs.
Non ?
500.000 ?
Le champ est là-bas, n’oubliez pas le dentifrice à la chlorophylle…

Le message est clair, ceux qui ont de l’argent peuvent tout se permettre, même déshumaniser les autres.
Actuellement, pour peu que vous payez un peu plus quoique ce soit, vous devenez "exclusif", "VIP", "privilégié", membre d'un"club".
Client ED, certes, mais client "VIP gold".
Ceci me fait sourire, mais qu'est-ce que ce message véhicule pluri quotidiennement?
Encore une fois, que l'argent rend "privilégié", vous rend supérieur au pauvre pékin à côté de vous.
Ce retour des privilèges, basés sur l'argent, me fait froid dans le dos.
Car il réintroduit, et rend présentable la notion de classe sociale, de stratification de la société, d'êtres supérieurs, et d'autres, un peu moins.
Voire inférieurs.

Ma famille est plutôt aisée, certes.
Mais on m'a toujours inculqué deux notions, que j'ai fais miennes:
- Avoir de l'argent ne se montre pas (vieux précepte dauphinois)
- Avoir de l'argent ne rend pas meilleur ou supérieur aux autres.

Bref, après cette digression, revenons au livre.
Ne soyez pas rebutés, l’auteur écrit très bien, clairement, il n’y a aucun passage obscur.
Je me suis laissé prendre par l’intrigue, et cet univers un peu glacé, qui me semble devoir être notre futur.


L'écrivain se dévoile, en partie, ici.

15:40 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

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