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20/04/2005

Le cheval.

Une femme à tête de cheval est venue me voir au cabinet, lundi.
Non pas une patiente, ce serait trop beau, mais une visiteuse médicale.
J’ai demandé à ma secrétaire de faire barrage à tout visiteur médical qui se présenterait au cabinet.
Comme je l’ai déjà expliqué, ma tolérance de la désinformation quasi systématique distilée par les firmes pharmaceutiques m’a toujours hérissé le poil.
J’ai fait une exception pour elle, voici pourquoi.
Mon mentor en médecine vasculaire est un organisateur né, il aime l’événementiel, genre « Cardiologie Champagne ».

Il organise en juin prochain un congrès en Sardaigne. Pour donner une idée, la place supplémentaire pour un accompagnant est à 1218 euros.
Il a lourdement insisté pour que je vienne, et comme le programme est alléchant, j’ai accepté.

C’était il y a quelques semaines.

La semaine dernière, mon associé me passe un coup de fil :
« - J’ai croisé Mme X à l’aéroport, elle est visiteuse médicale, et se plaint que tu ne la reçoive pas…
- Ahhh, quel labo ?
- YYY, ils payent ton voyage en Sardaigne, et elle m’a dit que ce n’était pas normal de ne pas la recevoir. Ce, d’autant plus que c’est elle qui s’est occupée de ton invitation.
- Mais, j’ai vu deux visiteuses du même labo, pour ce même voyage, hier à la clinique.
- Vois avec elle.
- Elle est comment ?
- Vilaine, avec une tête de cheval… »

Je reçois donc la visiteuse, chevaline en effet, et sure d’elle.
« - Vous comprenez bien, que ce n’est pas logique de demander à partir en congrès, et de ne pas recevoir les labos…
- En l’occurrence, primo, je n’ai pas demandé à partir, à quiconque.
- Secundo, j’ai déjà longuement vu deux de vos collègues, qui elles aussi, m’ont dit être à l’origine de mon invitation.
- Ah bon ?
- Je pense qu’il faudrait améliorer la communication au sein de votre grand laboratoire pharmaceutique…
- …
- Je comprends tout à fait votre décision de ne pas recevoir les labos, vous savez, je suis marié à un cardiologue, je ne vous en veux pas du tout. »

Nous nous sommes quittés assez froidement, elle attendait que je lui propose de revenir.
Elle doit toujours attendre.
Et je suis persuadé que mon mentor, ou mon associé vont me faire tôt ou tard les commentaires.

Manquerait plus que ça, nous en sommes arrivé à devoir nous excuser de ne pas vouloir être pollué par de la publicité.
Quand au mari cardiologue, je n’ai même pas demandé qui ce pouvait être.
J’ai pensé, pendant qu’elle me parlait, qu’elle devait bien sucer, et que c’est pourquoi il l’avait gardé.
Sinon, je ne comprends pas.
Les aventures de ce genre, éphémères ou non, sont assez fréquentes. Je ne juge pas, mais je ne supporte pas que l’on se glorifie de partager le lit d’un confrère pour se mettre en avant.
Encore une/un qui croit que le statut social et l’intelligence sont sexuellement transmissibles…

Dans mon esprit, les choses sont claires, pas de labo, mais pas non plus de petits/gros cadeaux (sauf exception). Je n’arrive pas à me faire à l’hypocrisie/cynisme de la majorité de mes confrères.

J’ai encore vu la semaine dernière une publicité de labo, qui déclare le cœur sur la main, que le bien être de l’humanité n’est que son seul credo.
Pour faire contre point, et à ceux qui y croient encore, je reproduit un article paru sur « theheart.org », qui décrit la folle envolée des prix de médicaments pourtant assez anciens en 2004, aux Etats-Unis. La législation nous protège en France, pour l’instant.


Prescription-drug price increases in 2004 more than double inflation rate

Apr 13, 2005
Shelley Wood

Washington, DC - Prescription-drug prices, including cardiovascular drugs, soared in the US in 2004, far outstripping the general inflation rate, according to a new report from the University of Minnesota and AARP, a US nonprofit organization for people age 50 and over. The average rate of increase in drug prices compared by month with the previous year appears to have been dropping, however, since June 2004, when Medicare prescription discount cards were first introduced.
Nevertheless, the average price increase for 195 brand-name prescription drugs in 2004 was 7.1%, compared with the inflation rate of 2.7%, according to the report: "Trends in manufacturer prices of brand-name prescription drugs used by older Americans 2004 year-end update." The price increases are the biggest one-year increase seen in any of the past five years, the report notes.
Several cardiovascular drugs that were top sellers in 2003 have seen their prices rocket skyward over the past five years and continued to increase in 2004. The price of clopidogrel 75 mg (Plavix®, Sanofi-Synthelabo) and metoprolol succinate 50 mg (Toprol XL®, AstraZeneca) has increased by 45% over the five years. The price of simvastatin (Zocor®, Merck) increased by 25% over the same period.
"A typical older American (who takes three prescription drugs) is likely to have experienced an average increase in the cost of therapy of $154.68 in 2004, assuming that the drugs are brand-name products and the full price increases were passed along to the consumer," the report states.
Prices tripled over five years
Of the 195 drugs in the sample, 153 have been on the market for the past five years. "Cumulatively, the average manufacturer price increase for these 153 brand-name drugs was more than two-and-one-half times the general inflation rate 35.1% compared with 13.5%," the report states.
"The cumulative effect of these price increases can be substantial. On average, manufacturer prices of the 153 widely used prescription drugs that have been on the market since the end of 1999 have increased by more than one third (35.1%) during the subsequent five-year period, compared with a general inflation rate of 13.5%," the report summarizes. "For a typical consumer who takes three brand-name prescription drugs, the average increase in the cost of therapy for drugs used to treat chronic conditions rose by more than $700 during this five-year period."


Pour plus d'informations, la source de l'article (PDF en anglais).

Commentaires

Triste vision du métier de visiteur (dans le cas visiteuse) médicale...
J'ai la chance d'exercer moi même ce beau métier (j'insiste beau métier) et, monsieur, vous faites d'une exception malheureuse une généralité affreuse!
Vous participez à la propagande (que l'industrie pharmaceutique à certes bien cherchée) du tous pourris les labos!
J'exerce mon métier d'une manière éthique en informant au mieux les médecins sur mes produits. Certes l'objectif n'est pas masqué, faire prescrire mon produit plus que mon concurrent mais les règles du jeu sont connues de tous (médecins comme vm) . Avez vous déjà réflechi au fait que vous pouviez disposer d'une information médicale facile et qui peut en plus être conviviale? Bien entendu, il faudrait au départ faire un effort de sélection naturelle comme pour les femmes de cardio à tête de cheval faisant office d'agent de voyage plus que d'informatrice thérapeutique mais en un an, vous pouvez vous constituez un fichier de vm corrects.

Ne croyez pas que je sois aveugle, évidemment les labos (le marketing) tentera toujours de biaiser dans son intérêt les études et autres publications, mais je vous assure que certains "représentants" munis de leurs saccoches sont cortiqués et capables de faire la part des choses...
Quant aux cadeaux que vous évoquez, les invitations au restaurant ou à des congrès ont depuis tous temps existés dans les relations commerciales, le hic c'est que c'est le commerce du médicament financé par les fonds publics qui nous intéresse et qui en fait un sujet tabou... Libre à chacun d'accepter ou pas ce "sponsoring", mais n'oubliez pas que derrière chaque sacoche se cache un homme ou une femme qui bosse et un cabinet fermé aux visiteurs médicaux c'est un baton de plus dans les roues du travail qu'ils doivent effectuer...
Cordialement

Écrit par : nicolas | 29/06/2005

Je suis ravi d'être lu par un représentant de la VM.
Bien évidemment, vous avez raison sur beaucoup de points.

Derrière chaque représentant se cache un homme/une femme digne d’intérêt, a priori, et qui mérite le respect.
J’en ai bien conscience, et c’est pourquoi je suis toujours correct avec les visiteurs que je croise. J’ai même fait amende honorable à plusieurs reprises, lorsque j’étais en torts (1 annulation de congrès à la dernière minute, réponse un peu brusque lors d’une journée chargée…). Je n’ai jamais fait sciemment attendre un délégué devant ma porte.

Mon attitude est par ailleurs assez simple, pas de VM au cabinet, ou ailleurs.
Pas de haine, aucun mépris, mais, hormis les visiteurs/visiteuses que je connais de longue date, je ne désire plus avoir d’informations commerciales, même « conviviale ».
J’ai, comme vous le suggériez, tissé un petit réseau de délégués médicaux à qui je fais la bise, ou selon les cas, une petite tape amicale dans le dos. Manifestations bien évidemment dénuées de tout intérêt, j’y reviendrai.
Malheureusement, comme ce sont des hospitaliers, je ne les vois qu’épisodiquement.
Ils font l’effort (que j’apprécie beaucoup) de venir me voir au cabinet ou à la clinique, souvent en contradiction avec la politique du labo (séparation ville/hôpital, multiplication des réseaux de ville…).
Quel est leur point commun ?
Ce sont des « vieux » de la VM, ils s’approchent de la cinquantaine, et nous comparons les progrès de leurs petits enfants, et de mes deux fils.
Ils se connaissent tous, et faisaient assez souvent des visites « communes », dans mon bureau, lorsque j’étais CCA.
Je ne dis pas cela pour dire que j’ai des amis parmi les VM, mais pour atténuer l’impression que j’ai donné de généraliser le cas des brebis galeuses.
Ils ont aussi une qualité rare que vous avez pointée, ils ont de l’éthique.
Ce sont bien plus que des vendeurs.

Qu’est ce qui m’a fait prendre du large par rapport à la VM ?

- Le caractère agressif de certains visiteurs, en cas de refus poli de rencontre, ou en cas d’argumentation autour d’un produit.

- L’absence d’information objective (c’est normal, c’est votre métier de présenter le produit sous son meilleur jour), ce qui n’est finalement pas si grave, dans le cas ou le médecin s’informe à partir d’autres sources.


- Une désinformation de plus en plus répandue, ça c’est plus grave.
Un exemple ancien : le « CHOL…. 0.4mg est beaucoup plus efficace que le VAS… 20, car c’est la première statine microdosée ». Hormis le fait qu’il ait été retiré du marché quelques mois plus tard pour des rhabdomyolyses mortelles, comment peut-on comparer le poids de deux molécules différentes, comment comparer la plume et le plomb, l’eau et l’air ?
Un exemple récent : « ils ont des problèmes avec CRE…., ils vont bientôt le retirer à cause du risque de protéinurie ».
Deux exemples personnels, pris au hasard, parmi beaucoup d’autres, quelque soit le laboratoire. Chaque mois, « Prescrire » en cite une dizaine de plus.

- Le sentiment d’être acheté. Sentiment assez désagréable, pourtant largement soutendu par vous, et nous. Vous avez utilisé le terme « convivial ». Pour moi, ce terme recoupe un sentiment sordide de compromission, et de faux semblants, entre deux coupettes de Champagne. Des collègues prescrivent la dernière molécule sortie, au sortir de ces fêtes « conviviales », sans vraiment se soucier de la balance bénéfice/risques. Combien de tapes dans le dos perdureraient, si la VM n’avait pas la puissance financière des labos derrière elle ?
J’ai participé à ces soirées « conviviales », et j’y participe toujours. Mais, sans hypocrisie, j’ai du mal à sourire à tout cela.Ca doit être mon hypothétique ascendance huguenote…
J’essaye de ne participer qu’à des soirées organisées autour de molécules que j’utilise déjà. Je ne supporte plus de faire semblant d’être intéressé par la présentation d’une molécule que je ne prescrirai jamais de toute façon.


« Tous pourris » ?
En me lisant, vous devez avoir l’impression que moi seul suis parfait, et que mes collègues et la VM sont tous pourris.
Evidemment, non.
Ne serais-ce que parce que je profite du système, et donc suis aussi pourri (je suis même pire que les autres, car je n’apprécie même pas la « convivialité », voire y participe en critiquant par derrière, comme ici !).
De plus, beaucoup, dans nos deux groupes font leur travail avec éthique et abnégation
Ensuite, il faut bien se dire que sans les bénéfices engendrés par la vente de médicaments, pas de recherche/développement, nous en serions resté aux sangsues et aux ventouses.
Enfin, parce que si l’on exclut les congrès « coupettes », l’Industrie permet à beaucoup de jeunes de partir se former aux grandes messes scientifiques, qui seraient sinon totalement inabordables (AHA, ACC,ESC…).

Donc, relations complexes, dangereuses entre l’Industrie et les médecins.
Relations « nécessaires » ?
Vaste débat
Remis à plus tard, il est tard.
Cordialement.

Écrit par : lawrence | 29/06/2005

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