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27/04/2005

Ohhhh, le beau cas.

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J’avais oublié ce moyen de défense contre le malheur des autres, qui nous assaille presque quotidiennement.

L’esthétisation (« Oulààààà, quelle belle image !»), la glorification (« J’ai vu un cas magnifique»), voire une thésaurisation digne d’un collectionneur de papillons rares (« c’est mon quatrième en 15 ans ») nous permet souvent de faire abstraction d’une réalité souvent dramatique.
Comme toujours, c’est bien, et pas bien.
Bien, comme moyen de défense, pas bien à cause de la déshumanisation du patient, résumé à une image, une histoire clinique, un bilan biologique.

J’ai repensé à cela ce matin.

Le dernier patient de ma vacation de döppler vasculaire à l’hôpital venait du département des maladies respiratoires, service oncologie.
45-50 ans, dénutri, pâle, et surtout, un membre supérieur oedèmacié et bleuté.
Le bon d’examen est, comme toujours, laconique : recherche de phlébite sur port-a-cath, évidemment dans un contexte de néoplasie pulmonaire.
J’ai posé la sonde.
« Oulààààà, quelle belle image !», ai-je pensé.
L’artère humérale, flanquée de deux veines totalement thrombosées. Le reste est pareil : veines radiales, axillaire, sous-clavière, et même la jugulaire.
J’ai appelé l’interne, dicté mon compte-rendu, et expliqué au patient pourquoi il avait si mal (comme d'habitude, en ne dévoilant que la partie immergée de l'iceberg).
Je l’ai salué: « Bonne journée, au revoir ».
Je ne sais rien de lui, même pas son nom, rapidement oublié.
Mais il va mourir dans quelques jours.

Au suivant.

22:48 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

Je me demandais : connaissez-vous un chirurgien du nom de Thiery Gérard, qui doit lui aussi bosser à Grange-Blanche ?
Question en passant, étant un ancien Lyonnais qui a suivi quelque temps des cours de médecine.

Écrit par : Régis | 27/04/2005

En cancéro c'est pire, on appelle tel patient par "oui alors lui c'est un pancréas"...

Écrit par : Melie | 28/04/2005

>Régis
Non, connais pas, mais je ne fréquente plus les HCL depuis 1997 (à part la radiologie de cardio...)

>Mélie
ca ne m'étonne pas.
On dit "la phase aiguë d'hier", "le choc de ce matin..."

Écrit par : lawrence | 28/04/2005

ça fait quelques temps que je lis sans laisser de message...
c'est souvent instructif, mais là,te lire m'a foutu les boules... autant en m'imaginant à la place du patient que à la tienne...

Écrit par : largentula | 29/04/2005

Bonjour,
Cela faisait un moment que je n'étais pas revenu sur votre blog. Mais j'y retrouve toujours le même respect émotionnel que j'espèrerais voir plus souvent chez les médecins. J'imagine que c'est toujours le dilemme entre éviter de trop s'impliquer émotionnellement pour ne pas "péter un câble" devant tant de souffrance et de mort et revêtir le costume de l'iceberg. Froid. Implacable.

Pourtant, les médecins orientaux, notamment Indiens (puisque c'est surtout eux que j'ai rencontrés), font preuve de tellement de douceur, n'hésitant pas à prendre la main de leurs patients pour les rassurer et tout malade sait à quel point prendre leur main, un contact, un sourire, une émotion dans le regard est primordial dans un lieu qui rime avec souffrance et douleur.

On dénonce souvent l'apprentissage et le mode de sélection des étudiants en médecine. Peut-être est-ce surtout la preuve de notre société occidentale s'individualisant de plus en plus? Comment percevez vous ces différences d'attitude?

Écrit par : Miss Fussy | 12/05/2005

Les commentaires sont fermés.