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26/05/2005
Premier choix (2)
Avant hier, je suis allé à une soirée organisée pour les cardiologues libéraux.
J'y ai retrouvé l'un de mes anciens assistants (Richard) de cette note.
J’ai bu en début de soirée un Martini blanc, seul alcool que je bois, une ou deux fois par an. Pourquoi un Martini blanc ?
Un de mes nombreux râteaux, je ne sais plus laquelle (Delphine ?), m’avais initié à ce petit plaisir, véritable nectar des Dieux, lorsque je le buvais en la dévorant du regard.
Qu’en est-il resté ?
Cette vieille habitude uniquement, même plus l’identité de celle qui occupait alors probablement toutes mes pensées.
Bref, étant donné que mon foie ne voit pas passer souvent d’alcool, un verre suffit à me désinhiber (et incidemment à me coller un mal de crâne pas possible, comme si quelqu’un m’aspirait le cerveau de l’intérieur, avec une paille).
Avec mon ancien assistant, égayé lui, par le bon vin, nous avons imité notre ancien patron jusqu’à fort tard.
« Tu vois, tu vois… »
Nous nous sommes aussi remémoré.
Petites corrections: la première coronaire désobstruée par Richard était une IVA, et pas une coronaire droite, et l’anévrysme du patient ne faisait pas 60 mm mais 100 mm (!!).
Enfin, Priscilia, la petite salope d’IMG s’appelle en réalité Sabine.
Dans 50 ans, je donnerai son vrai nom, par pur esprit de vengeance.
Il m’a reconfirmé tout le reste, et m’a rappelé d’autres anecdotes.
L’une d’elles reste emblématique de ce choix (je l’avais pourtant oubliée).
Il faut d’abord que je précise certains points techniques pour les non initiés à la science difficile de l’électrophysiologie.
Cette dernière s’intéresse à tous les troubles rythmiques ou conductifs.
Un des troubles rythmiques le plus sévère est la tachycardie ventriculaire.
Il s’agit d’une urgence médicale, car elle conduit souvent au bas débit cardiaque, et au décès. Sa reconnaissance est parfois difficile, mais souvent immédiate sur un ECG. Elle survient souvent chez des patients porteurs de cardiopathies sévères.
Pour empêcher cette tachycardie de tuer nos patients, la meilleure solution reste de leur implanter un petit appareil (un peu plus gros qu’un pace maker) qui se nomme défibrillateur ventriculaire, et leur donner un traitement anti-arythmique prophylactique
L'appareil reconnaît la tachycardie et envoie une série de petites impulsions indolores (ou « bursts »), voire un choc électrique de 30 joules (en cas de tachycardie ventriculaire vraiment menaçante) pour arrêter ce trouble du rythme. Trente joules, c’est un choc électrique très désagréable pour le patient, mais accepté car permettant de lui sauver la vie.
Imaginez vous donc des patients rendus plus ou moins impotents par leur maladie cardiaque, et se prenant des chocs électriques inopinés et imprévisibles, les ressuscitant parfois plusieurs fois par mois. Même l’homme le plus équilibré développait un psychisme, disons… particulier, une sorte de « syndrome de Lazare ».
Donc, un jour, un de ces patients (45-50 ans) se présente dans mes soins intensifs. Depuis quelques heures, il ne se sent pas bien. C’est un insuffisant cardiaque sévère. On l’installe, au scope et à l’ECG : tachycardie ventriculaire à 135 battements par minute. Il était en effet traité avec une association cordarone et bêta bloquant, qui ralentissait l’arythmie, ce qui expliquait donc la bonne tolérance clinique.
Petit interne docile, j’essaye d’arrêter l’arythmie par un traitement IV, sans succès.
Pourquoi donc son défibrillateur ne s’est pas mis en route ?
Tout simplement, car à l’époque, les algorithmes de reconnaissance de ces appareils étaient à leurs balbutiements. Pour éviter de délivrer un choc à une tachycardie sinusale, avec un bloc gauche par exemple, l’appareil ne prenait en compte que les arythmies avec une fréquence supérieure à un certain seuil de fréquence cardiaque (150-160 bpm). Certains patients avaient en effet pris des chocs alors qu’ils remplissaient leur devoir conjugal (ou extra conjugal), faisant partager le grand éclair blanc à leurs partenaires…
Fort heureusement pour les patients, grâce à une console externe de commande, on peut non seulement contrôler le fonctionnement de l’appareil, mais aussi déclencher des « bursts » voire un choc en cas d’urgence pour arrêter une arythmie. Cela en moins de 5 minutes.
Manque de chance, le seul médecin sachant manier ces appareils est au ski, et injoignable sur le portable.
En désespoir de cause, j'appelle le patron, qui est, je vous rappelle un « world medical leader », en électrophysiologie de surcroît.
Il déboule dans les soins et comprend la situation en quelques secondes. Il comprend surtout qu’il n’y connaît strictement rien, et que tout le monde attend son intervention.
Il commence à nous enfumer.
« Tu vois, tu vois, il faut appeler XXX
- Mais il est au ski, monsieur (il le sait pertinemment)
- Innnnnnnnnh (petit bruit guttural, montant en intensité et dans l’aigu, signe d’explosion à venir).
….
Et oui, je fais comme Ron aujourd’hui….
11:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Tu veux atteindre les 1500 visites uniques par jour ? Ou c'est juste la flemme d'écrire la suite ?
Écrit par : Ian | 26/05/2005
Ouarff...
Ni l'un,ni l'autre.
Juste le manque de temps, entre les enfants, le repas et la clinique!!
Mais le chiffre de 1500 m'a impressionné.
Bravo Ron, c'est mérité
Écrit par : Lawrence | 26/05/2005
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