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19/08/2005

Mon ami le facho.

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Ce matin, j’ai fait un doppler à un patient d’un de mes associés.

77 ans, une présentation un peu militaire, un accent allemand, tout signait un ancien de la Wehrmacht, devenu légionnaire après guerre.

Nous discutions durant l’examen, nous parlions de la fin de la guerre quand Hitler a envoyé enfants et vieillards combattre les T-34 russes (le « Volksturm »).

Il m’a alors sorti :

« La seule erreur de Hitler a été de s’attaquer aux juifs, ce sont eux qui commandent le Monde, ils possèdent le capitaux ».

J’en suis resté bouche bée.

Je n’ai rien dit, un patient c’est sacré. Point.

 

Cette triste anecdote m’a rappelé un garçon de ma promo de médecine.

Il s’appelait Yvan.

Tout un programme, déjà.

 

Sa silhouette générale évoquait un « 8 », tête ronde et rosée, cheveux ras sur un corps rond. Il était d’origine alsacienne, et entretenait sa petite pointe d’accent comme un étendard.

 

Hiver comme été, blazer bleu marine, pantalon gris, chaussures noires vernies, attaché case noir.

Une petite fleur de Lys au revers, il posait toujours des questions un peu délirantes aux profs. Si la réponse ne lui convenait pas, il adoptait un ton cassant, parfois limite.

 

Il était isolé dans l’amphi, et parlait seulement un peu aux militaires, et à un copain, les extrêmes s’attirent, plutôt anarchiste.

Un quadrimestre, je me retrouve avec lui aux urgences médicales de « Edouard Herriot » (le Grange Blanche du blog).

Je n’étais pas particulièrement ravi de côtoyer un tel personnage, mais un copain m’avait dit qu’il était un peu étrange, mais très sympa (a l'époque, l'immense majorité de mes amis étaient de gauche, voire au delà, maintenant, je me suis un peu embourgeoisé...).

J’ai en effet découvert un garçon plutôt sympathique qui sur-jouait constamment son rôle de facho, mais sans jamais en avoir les actes.

Il se comportait avec tous les patients avec le même respect et la même gentillesse.

A deux, nous abattions un travail bien supérieur à celui des autres groupes de 3 externes (qui ne foutaient strictement rien, il faut bien le dire).

 

Je me souviens de quelques scènes presque « monthypitonesques ».

 

Un midi, au self de l’Hôpital, nous faisons la queue devant les légumes. Une jeune femme devant nous, probablement externe elle aussi, hésite longtemps devant un plat de carottes.

Il passe la tête au dessus de son épaule, et avec un grand sourire, et les yeux écarquillés, lui dit : « Mange ça, c’est bon, ce sont des carottes Vichy ! »

Un soir d’été calme aux urgences, nous avons fait le tour des pavillons de l’Hôpital en voiture, toutes fenêtres ouvertes, avec de la musique militaire à fond.

Son grand plaisir était enfin de chanter à tue-tête des chansons à boire allemandes ou alsaciennes (et parfois aussi des chants encore moins « politiquement corrects ») lorsque nous faisions des grands lavages gastriques aux TS médicamenteuses, en pleine nuit bien évidemment.
« Shuut Yvan, on va t’entendre !! »

Enfin, il m’avait dit un jour, au milieu de ses mirifiques et innombrables récits de conquêtes féminines, que son arrière-grand père était à Reichshoffen, mais probablement pas du même côté que le mien !

C'était dans le début des années 90, et l'extrême droite française jouait encore ponctuellement un rôle d'épouvantail bien supérieur à son poids politique réel. C'était aussi l'époque ou le "politiquement correct" n'avait pas encore étouffé toute expression de pensée.


Pour en revenir à Yvan, un comédien en pleine représentation, mais aussi un bourreau de travail, qui a contribué à rendre ce stage d’été aux urgences médicales tout, sauf ennuyeux.

12:54 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)

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