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23/08/2005
Les personnes âgées sont-elles des patients comme les autres ?
Les personnes âgées sont-elles des patients comme les autres ?
Bien sûr, a-t-on envie de répondre.
Pas si simple que cela en fait.
Première question, qu’est-ce qu’une personne âgée ?
Dans nos pays développés, dans la plupart des études cliniques, on s’accorde à fixer la limite à 70-75 ans.
Mais à vrai dire, il n’existe pas de borne fixe.
Disons qu’à partir de 70-75 ans, le métabolisme est assez modifié pour avoir une influence notamment sur les effets des médicaments pris (ce que l’on pourrait appeler « pharmacogériatrie »).
Petit rappel, pour toujours avoir ceci en mémoire, la durée de vie moyenne actuelle en Tanzanie est de 45.24 ans.
Donc comment traiter les personnes âgées ?
Bien, quelle question, comme les autres, en suivant les études cliniques, et les recommandations des sociétés savantes !
Encore une fois, pas si simple que cela.
Primo, car les buts thérapeutiques ne sont pas les mêmes.
Chez la personne âgée, le but principal est d’assurer une qualité de vie optimale, vient ensuite seulement de la prolonger.
Il faut souvent faire un choix en cardio : instaurer des médicaments potentiellement dangereux, mais permettant de prolonger la vie (et aussi la qualité de vie, par exemple IEC et bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque), ou assurer un confort de vie en instaurant un traitement par diurétique simple, assez peu dangereux (qui peut aussi devenir délétère si l’on ne surveille pas !).
J’ai vu assez de syncopes traumatiques sous bêtabloquants, ou d’insuffisances rénales aiguës sous IEC chez des patients âgés, voire très âgés pour être très prudent sur leur prescription systématique.
Secundo, les études dont nous parlons, sont-elles adaptées à des personnes âgées ?
Et bien non, la plupart du temps, l’âge moyen des études est autour de 50-55 ans.
Par exemple, la population de « CHARM-preserved » (Lancet 2003), une étude menée spécifiquement sur une pathologie touchant des patients âgés et très âgés, est de …
67 ans.
C’est mieux que la plupart des études, mais encore loin de ce qui se passe dans la vie réelle.
Autre problème que celui de l’âge, celui des maladies associées, les fameuses « comorbidités ».
Beaucoup d’entre elles sont des critères d’exclusion pour des patients potentiellement « incluables » dans des études cliniques.
Ainsi, prenons « MERIT-HF » (Lancet 1999), une des études fondatrices dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.
Seuls 13% d’une population de 20388 patients insuffisants cardiaques pris au hasard dans une immense base de donnée aux EU, et âgés de plus de 64 ans (âge moyen de 78 ans) correspondent aux critères d’inclusion de l’étude (FA Masoudi. Am Heart J 2003).
Autrement dit, cette étude, encore une fois fondatrice, ne concerne que 13% des patients insuffisants cardiaques, âgés de plus de 64 ans.
Enfin, vient le problème de la polymédicamentation des personnes âgées.
Le risque d’interaction augmente avec le nombre de médicaments pris par jour, et atteint 10% avec 6-10 molécules, et dépasse 50% avec plus de 16 (Sources CREDES et PAQUID)
Seize comprimés différents, c’est énorme me direz-vous.
Lisez l’ordonnance de votre grand-mère/grand-père et vous serez surpris.
J’ai ressorti et résumé ce cours, que je faisais l’an dernier aux médecin généralistes dans le cadre de la formation médicale continue à la suite de la parution d’un article dans le dernier JAMA (Boyd CM, Darer J, Boult C, et al. Clinical practice guidelines and quality of care for older patients with multiple comorbid diseases. JAMA 2005; 294:716-724.)
Les auteurs s’interrogent sur la validité de études cliniques, et des recommandations de pratique médicale chez les personnes âgées.
Ils donnent un exemple virtuel frappant.
Soit un homme de 79 ans ayant les pathologies suivantes, toutes de gravité modérée :
Ostéoporose, osteoarthrite, diabète de type 2, bronchite chronique, et HTA.
Selon les recommandations actuelles (aux Etats-Unis), il faudrait :
- Prendre 12 traitements différents, avec 19 prises médicamenteuses, réparties en 5 fois sur 24 heures.
- Il faudrait qu’il fasse un peu d’exercice avec des poids pour son ostéoporose, mais cela est interdit par ailleurs si son diabète est compliqué par une neuropathie périphérique.
Douze traitements différents, représentent environ 30% de risque d’interactions médicamenteuses significatives.
Plus on avance, plus c’est complexe de soigner les gens….
Comme d’habitude, l’étude du JAMA est citée ici.
10:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
A la fac on arrete pas de nous bassiner que si l'espérance de vie augmente, les conditions de vie et les facultés sont elles aussi revues à la hausse en terme de durée. Personellement ça m'a toujours semblé bizarre qu'on puisse vivre de plus en plus vieux en gardant un maximum d'autonomie, comme si l'esperance de vie était en fait étirable à l'infini.
C'est donc une histoire de compromis entre durée et qualité au final ?
Écrit par : Kurtizoide | 24/08/2005
En fait, l'espérance ET la qualité de vie augmentent.
Mais, quand l s'agit de traiter, plus l'âge augmente, et plus on favorise la qualité de vie par rapport à la durée de vie. Et ce, d'autant plus que les traitements sont de plus en plus difficile à manier avec l'âge grandissant, et que les pathologies sont débilitantes.
Par exemple, en l'absence de contre indication, c'est un meurtre de pas instaurer un traitement par IEC chez un patient insuffisant cardiaque systolique de moins de 70-75 ans (jusquà 80, en fonction de l'état général).
Au delà, je suis beaucoup moins catégorique.
Mais par ailleurs, les IEC améliorent AUSSI la qualité de vie. Donc tout est une question d'équilibre risque/bénéfice.
Quels risques dois-je faire courir au patient pour lui prolonger la vie?
A 50 ans, la question ne se pose pas, à 85-90 ans, beaucoup plus.
Écrit par : Lawrence | 24/08/2005
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