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19/12/2005
Memento mori
 Ce matin, dans le centre ville, règne l’excitation des achats de Noël, malgré la crise, malgré tout.
Ce matin, dans le centre ville, règne l’excitation des achats de Noël, malgré la crise, malgré tout.
Je fais queue chez Nespressso, parmi mes semblables ; les manteaux de cashmere se frôlent, les cartables et les sacs en agneau pèsent lourds d’attendre.
Je repense à la consultation que je viens de faire à l’Hôpital.
- Un homme de 40 ans, quasi paraplégique, les neurones bouffés par l’alcool
- Un homme de 75 ans, lui aussi bouffé par l’alcool, mais plutôt du côté du cerveau. En plus: 3 litres de liquide dans chaque plèvre, et dans l’abdomen
- Une femme, la cinquantaine, depuis le 15 novembre, elle sait qu’elle a une tumeur du sein gauche de 2 cm de diamètre, et un ganglion positif. Chimio avant les fêtes, d'où l'échographie cardiaque.
- Une femme enceinte, isolée, loin de sa famille, 23ème semaine, entrain de perdre son bébé par la faute d’une tension artérielle incontrôlable.
-Une laborantine séropositive, qui arrive de moins en moins à contrôler sa jambe gauche (Elle a honte quand elle entend derrière elle: « regarde, maman, la dame, elle a bu »). Personne en sait ce qu’elle a.
- Un jeune homme consumé par une maladie chronique (je ne sais plus laquelle) et par la dialyse, qui a un bon litre de liquide dans le péricarde.
- Une anesthésiste qui m’emmène sa fille de 20 ans, déficiente mentale, pour savoir si on peut lui prescrire la pilule après une phlébite qui n’en était pas une.
- Une femme de 26 ans, 4 enfants, cardiopathie dilatée assez sévère. Son mari s’inquiète de savoir si il pourra avoir un cinquième enfant. Personne ne sait ce qu’elle a (moi non plus).
- Une femme de 45-50 ans, un bon quintal avec une phlébite historique du membre inférieur droit. Les symptômes ont commencé en Algérie : rentrez en France, on ne peux rien pour vous, ont dit les médecins de là-bas. Elle est rentrée en avion il y a 48 heures.
Et j’en oublie quelques autres, moins graves.
En fin de matinée, j'avais l'empathie un peu émoussée, et le "ce n'est rien, rassurez-vous", un peu mécanique.
C'est mon tour.
"Vous désirez, Monsieur?
Comme d'habitude...
Il n'y a plus de série limitée, peut-être de "l'Arpeggio"?
Non merci, du "Ristreto", plutôt.
Comme il vous plaira, Monsieur"
Memento mori.
14:30 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (7)








Commentaires
On culpabilise parfois hein ?
Écrit par : Melie | 19/12/2005
contraste entre le grave et le futile. Ainsi va la vie...
Écrit par : rita | 20/12/2005
Ce n'est pas pas tellement de la culpabilité; mais comme le dit Rita, c'est plutôt le constraste entre le grave et le futile qui a été saisissant ce lundi matin.
Écrit par : Lawrence | 20/12/2005
D'un autre côté, je ne sais pas si nous même on se rend compte de nos futilités parfois.
Écrit par : Serillo | 21/12/2005
>Serillo: on s'en rend compte avec l'âge, c'est ça la sagesse.
Par exemple, je ne fais plus de concours de diurèse sous lasilix. Mon record personnel: 12 litres en 48H, battu par mon co-interne avec 14 litres.
Après un tel essorage, les patients étaient mieux, mais un peu fatigués...
Écrit par : lawrence | 21/12/2005
Oh, j'ai cru que c'est toi qui avait pris du lasilix!
Écrit par : shayalone | 21/12/2005
LOL
Écrit par : lawrence | 21/12/2005
Les commentaires sont fermés.