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25/06/2006
Call me Ishmael.
Hier, je cherchais un roman de vacances, car j’ai un mal fou à achever « LA Confidential » de Ellroy. J’ai eu le malheur d’arrêter de le lire 72 heures de suite pour mon mariage, et je me suis perdu dans l’intrigue et la myriade de personnage.
Hier, Moby Dick m’a fait de l’œil et m’a choisi.
Il s’agit de la version « Armel Guerne » aux Editions Phébus ; a priori le meilleur texte français que l’on puisse trouver (selon les mots mêmes de Armel Guerne qui réfutait le terme de traducteur).
Comme ça, je fais le malin, mais je n’avais jamais entendu le nom d’Armel Guerne jusqu’à hier soir 18 heures.
Jean-Pierre Sicre (jamais entendu parlé non plus), des Editions Phébus a écrit une superbe introduction, centrée justement sur le problème des traductions.
Moby Dick a donc été traduit en trois versions françaises, dont celle d’Armel Guerne et une à laquelle a collaboré Jean Giono.
Armel Guerne a passé 1 mois entier à traduire la première phrase qui ne comporte pourtant que 3 mots simples : « Call me Ishmael. ».
Il l’a traduit par « Appelons-nous Ismahel. »
La traduction de Giono en fait deux phrases : « Je m’appelle Ishmaël. Mettons. »
La traduction la plus « universitaire » (c’est quasiment une insulte pour Armel Guerne) est la plus conventionnelle : « Appelez-moi Ismaël. »
Vous remarquerez aussi les changements dans l’orthographe du prénom du narrateur : Ishmael devenu Ismahel, Ishmaël, ou encore Ismaël.
J’ai donc lu l’introduction hier à Sally, au lit.
Elle m’a répondu d’un prophétique : « Eh bien, ça promet ! ».
Traductions en anglais ?
07:51 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (9)
Commentaires
"Oh my god, you've got such a big dick ! What a gorgeous husband I Have"
Écrit par : ron | 25/06/2006
Je n'ai pas de traduction de "ça promet" à proposer, mais j'aimerais vraiment comprendre comment on en arrive à traduire "Call me Ishmael" en "Appelons-nous Ismahel"...
Autant sur Ishmael et ses variantes, ça doit dépendre de la version de la Bible à laquelle on se réfère, puisque Ishmael (en anglais dans le texte) est le premier fils d'Abraham (merci wikipedia). Mais "Call me" qui devient "Appelons nous", ça tient de l'illumination mystique... Auriez-vous quelque explication plus précise à proposer ?
Oh, et puis pour "ça promet", on pourrait donner quelque chose comme : "Well, that sounds promising" (horriblement mot-pour-mot, pas très idiomatique... on peut forcément trouver mieux).
Écrit par : Q1 | 26/06/2006
Exact, Ishmael est le premier fils d'Abraham, qu'il a eu avec Hagar et non pas avec Sarah. Ishmael et sa mère ont été chassés et sont les descendants des Arabes. Le second fils d'Abraham, Isaac, qu'il a eu avec Sarah, est le descendant des Juifs.
Pour "ça promet", je propose "Oy, vey!"...
Écrit par : danny | 27/06/2006
Concernant le "mettons", je dois avouer qu'il ne reste plus qu'à voir le texte original pour se faire une idée de ce qui a pu motiver cette orientation.
Quant à la précision généalogique de Danny, je suggère une inversion de la chaîne de causalité, si je puis me permettre cette formulation pompeuse à souhait : ce sont les Arabes (resp. Juifs) qui sont descendants d'Ishmael (resp. Isaac), ou alors j'ai rien compris.
Ceci dit, chaque jour qui passe au proche orient me fait douter de plein de choses, mais c'est un autre débat...
Écrit par : Jacques | 30/06/2006
oui, je me suis emmélé les pinceaux sur ce coup-là. Merci de la rectification de chaîne de causalité, Jacques.
Écrit par : danny | 30/06/2006
La traduction d'Armel Guerne est : "Appelons-moi Ismahel." Il ne faut pas se tromper dans les citations et rassurer Q1 (26/06).
Écrit par : Joël | 10/08/2006
La traduction d'Armel Guerne n'est pas loin de toucher au génie... C'est là qu'on voit qu'il faut être auteur pour traduire de la littérature.
Je m'explique: "Call me Ishmael" est une incise de début de roman. Elle donne le ton et introuduit le personnage-narrateur. La suite, on la connaît; un roman qui vous prend aux tripes, crû comme la chair des baleines. "Appelons-moi Ismahel" a l'avantage d'inclure le lecteur de manière plus proche: appelons (tous les deux, moi narrateur et toi lecteur, viens t'asseoir auprès de moi, tu vas vivre cette histoire comme moi je l'ai vécue) et non appelez (je vous intime l'ordre de m'appeler ainsi). "Appelle-moi" a aussi son attrait de par sa familiarité, mais ne possède pas la notion d'inclusion; de plus, la traduction de Guerne date des années 50 ou 60 (ma mémoire me fait défaut ici), il était donc peu probable que le tutoiement fût accepté par les éditeurs à l'époque.
Bien sûr, je parle mais j'aurais traduit par "Appelez-moi" tout traducteur pragmatique que je suis.
Mark, pour avoir étudié la question en cours.
Écrit par : Mark | 16/01/2007
Ah et pour le "mettons" de Giono et cie, c'est aussi une manière de rendre ce ton un peu brusque, brut. C'est carrément autre chose pour la suite, on sent bien la marque "du terroir" de l'auteur de romans, les phrases sont plus longues et colorées. On sent plus chez Guerne l'élégance du poète, une force d'expression davantage concentrée. Les deux autres traductions (1970 Guex-Rolle et 2006 Jaworski, ps Guerne 1954)) sont notablement plus plates.
Sinon, le débat de l'orthographe d'Ishmael me semble bien futile (du point de vue de la traduction, si vous vous y intéressez pour des questions de religion, c'est un autre débat dans lequel je ne voudrais pas rentrer). D'après Wikipédia, Guerne aurait déplacé le "h" pour hébraïser le tout, trouvant qu'il sonnait trop "français".
Personnellement, je trouve que la traduction de Guerne a bien vieilli (je suis de ceux qui pensent que le subjonctif imparfait a encore sa place dans le français écrit), et que la seule raison qu'avait la Pléiade de retraduire l'oeuvre est que les traductions de Guerne ou de Giono et cie portaient trop leurs "marques". Mais à ce moment, pourquoi ne pas utiliser celle de Guex-Rolle?
Écrit par : Mark | 16/01/2007
>Mark: C'est ce que j'aime dans les blogs, c'est de pouvoir lire des gens intéressants qui laissent de longues explications qui sont plus que des commentaires.
Merci.
Écrit par : lawrence | 16/01/2007
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