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20/08/2006

Les patients sont des veaux.

medium_cardiologue.gifBon, c’est un peu polémique et accrocheur comme titre, mais c’est très vrai. Ce sont les patients les plus simples à traiter, les plus fréquents aussi, mais  pas forcémment  les plus intéressants.

 

Dans leur immense majorité, les patients nous font confiance pour gérer ce qui leur semble être d’une immense complexité : leur propre corps et ses maladies.

Bon, ils ont raison, pas tellement sur notre capacité à gérer la maladie et le corps malade (il faut bien dire que c’est assez souvent la Nature, que certains appellent Dieu ou le destin -el mektoub- qui font que les choses vont mieux ou moins bien). Comme le disait Voltaire, « L'art de la médecine consiste à distraire le malade pendant que la nature le guérit. ».

Ils ont raison sur la complexité du sujet qui intéresse les médecins : le corps humain et la maladie. Je ne vais pas épiloguer, le « Ars longa, vita brevis » a déjà tout dit.

Certains, toutefois, ne nous font pas confiance, ce sont les plus difficiles à traiter, car on ne peut soigner qu’en acceptant de l’être.

Je suis tombé récemment sur un troisième type ; drôle de rencontre.

Ce patient, travaillant dans un domaine parfaitement extra médical a été frappé, comme on peut l’être par la foudre par un infarctus du myocarde. Oh, rien de bien grave (cardiologiquement parlant), mais il a développé une défense assez originale contre son anxiété (qui confine à l’angoisse).

Il rationnalise sa maladie en lisant tout ce qu’il peut trouver sur le net, il s’est même inscrit sur theheart.org.

Il me bombarde de questions sur des connaissances théoriques qu’il a acquises tout seul, et raisonne sur mes réponses. Ce patient n’étant pas du tout idiot, toutes ses questions et raisonnements sont logiques et cohérents. J’ai presque l’impression de parler avec un confrère, ou plutôt à un externe/jeune interne, c'est-à-dire avec des connaissances théoriques, mais aucune expérience pratique. Sauf que là, et pour cause, il est incapable de prendre de la distance. Dernièrement, il m’a demandé, via un petit mot transmis à ma secrétaire de prescrire des examens biologiques pour le rassurer, je pense. Je l’ai fait, je pense, pour le rassurer. Probablement aussi, car je n’avais pas trop de temps pour lui expliquer que le bilan demandé était bien vain, et n’apporterai rien. D’ailleurs, je lui avais déjà donné mon opinion sur certains dosages, la semaine dernière. Il n’en a pas tenu compte, et est reparti à la charge, à l’assaut de ses moulins.

J’ai accepté de lui laisser un peu de mou dans notre relation thérapeutique, ce qui n’est pas mon habitude. Je suis plutôt du genre praticien exigeant pour mes patients, et pas trop enclin à me laisser dicter ma conduite.

Il est au-delà des explications rationnelles sur sa maladie, ce qui est assez paradoxal pour un patient qui sait tout sur l’hyperhomocystéinémie (qu’il n’a probablement pas). D’ailleurs, il continue à fumer (je lui ai obtenu une consultation anti-tabac rapide, mais sans grand résultat pour l’instant). Il recherche dans son œil la paille qu’il n’a pas, et ne voit pas la poutre.

Je vais voir comment cette relation va évoluer, pour qu’elle lui soit profitable, et que son rationalisme ne l’étouffe pas, et n’étouffe pas mon action.

 

Mélie, Shayalone, vous avez des suggestions ?

 

 Caricature trouvée ici.

13:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (13)

Commentaires

j'ai travaillé il y a quelques années avec un Cardiologue extrèmement compétant, mais qui était "obèse", diabétique et fumeur. j'avoue que je me suis toujours demandé comment il faisait pour convaincre sa clientèle des méfaits de tous les excès...
ceci étant, lorsque je l'interrogeais, il me répondait " je ne suis pas dieu" je ne suis pas là pour montrer l'exemple, mais pour "soigner"...
Je reste perplexe...
Bon ok..ce n'est pas trop dans le sujet que tu développes ci dessus, mais c'est une question que je me pose souvent.."etre ou n'etre pas un exemple"?.....

Écrit par : isabelle | 20/08/2006

Je trouve qu'il a raison ce cardiologue. Pas dans sa conduite personnelle, mais dans ce qu'il dit. Il est là pour soigner, pas pour montrer l'exemple, les médecins ne sont pas des sur-hommes ou des exemples de perfection.

Mais on s'éloigne carrément du sujet là :)

Écrit par : Matthieu M. | 20/08/2006

pour revenir au sujet ci dessus... ;) je pense qu'il est franchement casse pied d'avoir a faire à des patients qui croient en savoir plus que le médecin lui même.
Dans tous les corps de métiers il en est ainsi, quand on a longtemps étudié pour une fonction quelqu'elle soit il est frustrant d'avoir à appliquer ses connaissances devant des personnes qui pensent pouvoir vous donner des leçons sur ce que vous êtes sensés savoir mieux qu'eux.
Et je crois que si j'étais médecin..Je préférerais cent fois les "veaux"...aux "singes savants"..

Écrit par : isabelle | 20/08/2006

C'est sûr que pour le médecin c'est plus facile d'avoir affaire à des "veaux" qu'à des "singes savants"; comme le dit Isabelle... Rien à justifier, une position dominante, le sentiment d'être reconnu... mais on ne peut pas demander à tous les gens hors médecine d'être stupides n'est-ce pas ! ;-)

Écrit par : Mllegazou | 20/08/2006

Mais on peut très bien ne pas être stupide et avoir passé l'age de jouer "au docteur" non? ;)

Écrit par : isabelle | 20/08/2006

Dire que j'ai rendez-vous chez mon médecin demain, je me demande comment elle me considère...

Écrit par : lesfillesde1975 | 20/08/2006

http://www.starwars-holonet.com


Oulàà, c’est presque aussi chaud qu’un échange de commentaires chez Mélie !

On peut être Prix Nobel de mathématiques (je sais, ça n’existe pas, mais comme ça, personne ne se sent visé) et prendre un comprimé de Lasilix tous les matins, sans discuter. Un veau, c’est ça, c’est d’obéir sans se poser de question. Je pense que le grand Charles voyait aussi les choses comme cela avec son fameux « les français sont des veaux ».
D’ailleurs, nous sommes tous le veau de quelqu’un : de son garagiste, de son expert-comptable, de son plombier, de son médecin….
D’ailleurs, du veau à la vache à lait, il n’y a qu’un pas…

Écrit par : Lawrence | 20/08/2006

Le terme de "veau" ne me plaît pas du tout, mais là n'est pas la question...

Cette façon de rationaliser à l'extrème, on le voit souvent en psychiatrie, chez les patients psychotiques aussi bien que chez les névrosés (de façon différente bien évidemment.) Le plus souvent c'est une défense contre l'angoisse, dans un mouvement obsessionnel qui donne l'impression, en comprenant la maladie, de contrôler les choses (en ayant la possibilité de demander au médecin de faire tel ou tel examen complémentaire...) Et ça paraît en effet assez surprenant que tout en faisant tout pour nous mettre en échec, beaucoup continuent à venir nous voir...

Écrit par : Melie | 20/08/2006

Moi tout compte fait..je trouve ça plutot " affectueux"..et pour une fois qu'on n'associe pas un mot féminin à une idée "péjorative"...ah Merci Monsieur de FRANCE d'avoir parlé le premier ! ;)
Avez vous remarqué que nous mangeons du "boeuf"..mais que lorsque la bête est malade..il s'agit de la "vache folle"??
Alors...mes petits praticiens préférés, garagistes, plombiers et autres experts comptables..appelez moi comme vous voulez...tant que vous me respectez j'obtempère !!! ;)

Écrit par : isabelle | 20/08/2006

>Mélie: c'est ce que je me suis dit aussi, étonnant qu'il continue à venir me voir...
>Isabelle: c'est exatement ça.

Écrit par : Lawrence | 21/08/2006

Il y a des médecins qui ne supportent pas que leurs patients essayent de se documenter tout seuls (et c'est vrai que le web est une arme à double tranchant en la matière, puisque tout le monde se retrouve avec plein d'informations, sans avoir le recul et les connaissances de fond pour les interpréter correctement). Peut-être ont-ils l'impression que le patient les dépouille d'une position de pouvoir ?

Mais il y en a d'autres avec qui ça se passe bien : le dernier dentiste que j'ai vu était tout ébaudi que je lui parle de « 21 » plutôt que de mon incisive en haut à gauche.

Écrit par : Thomas | 21/08/2006

>Thomas: le pouvoir que l'on peut avoir sur un patient n'est qu'un hochet pour les vaniteux, une vraie relation de soin ne peut s'envisager que comme un échange. mais comme je l'ai déjà dit, c'est assez rare

Écrit par : lawrence | 21/08/2006

d'accord avec lawrence sur la question du "pouvoir"... Mélie ayant décrypté le "sens" du symptome, peut-être te demandes-tu "comment" le gerer, Lawrence! Il veut du contrôle pour se rassurer? Trés bien, c'est possible. Mais ça va prendre du temps. Il a des connaissances théoriques en vrac, mais c'est son cas à lui qui l'inquiète:peut-être faut-il lui faire construire et élaborer des connaissances sur son cas précis, et vraiment, que ce soit lui qui cherche et analyse ses données, et toi tu ne feras que le guider.
Il ne pourra faire que "ses" bons choix, pas les notres juste parce qu'on est médecin... donc, il faut l'amener à choisir les solutions dont nous savons, parce que c'est notre métier, qu'elles sont actuellement les meilleures. Obssesionel et perfectionniste comme il apparait ici, nul doute qu'il sera un excellent élève.
Ou plutôt un "partenaire". Après tout, c'est sa vie, ses soins, c'est lui qui gobe les cachetons (et vu les taux d'observance, y a pas tant de veaux que ça!), et se goinfre de nicotine...
N'est-ce pas là qu'on forme la meilleure alliance?

Écrit par : shayalone | 21/08/2006

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