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14/10/2006

Grosse semaine

medium_Veies.jpgHier à 20h00, en rentrant à la maison, je repensais à ma semaine. Tous les kékés de la ville bravaient la mort en slalomant entre les voitures avec leurs "205 Rallye" trafiquées sur la petite route de banlieue. Bien petits James Dean de pacotille.

 

Deux œdèmes aigus du poumon à la clinique, dont une mutation en SAMU (hier au soir, justement). La dame que j’ai transférée est restée exactement 15 minutes avant de faire un OAP. Lorsque j’ai téléphoné au médecin qui me l’avait envoyé, il m’a dit qu’elle était « un peu limite » en montant dans le VSL. Beau diagnostic, heureusement qu’elle n’a pas commencé à faire la carpe durant le transport ! Une dizaine de bouffées de trinitrine sublinguale et 60 mg de Lasilix IV plus tard, elle était stabilisée et le SAMU arrivait.

 

L’après midi, j’avais fait l’admission d’un homme de 44 ans.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas de chance.

Il est déménageur, et en faisant un effort, il fait sortir une hernie (dite « de Spiegel »). Il consulte un chirurgien qui l’opère, parce que le patient insiste : en fait dans la hernie, il trouve un sarcome abdominal. Il est transféré en centre spécialisé ou on extrait ce sarcome. Deux ans plus tard, métastase pulmonaire : lobectomie droite avec chimiothérapie. Encore deux ans plus tard, cardiopathie aux anthracyclines avec fraction d’éjection à 20% (il fait un OAP un dimanche et se retrouve aux soins intensifs). En plus, on lui diagnostique un énorme thrombus auriculaire gauche enclavé dans le septum inter-auriculaire (dans le foramen ovale). Les médecins suspectent une embolie paradoxale, et de fait on met en évidence à la scintigraphie une embolie pulmonaire. Enfin (pourrait-on dire), alors qu’il est toujours hospitalisé, il envoie du caillot et bouche son aorte, il est opéré en urgence sous anesthésie locale (il est inopérable à l’heure actuelle).

La, il va bien et a un bon moral.

On appelle ça la « résilience ».

 

Hier je reçois un homme de 60 ans, ancien chef d’entreprise actuellement au RMI (il a fait faillite il y a 3 ans). D’instinct, il se braque contre l’aide-soignante qui s’occupe de lui et lui voue instantanément une haine froide. Il l’écrase de son sentiment de supériorité intellectuelle et de classe sociale, bien qu’elles ne reposent plus sur rien depuis bien longtemps. Il nous dérange tout le temps pour des doléances sans fin. Nous l’écoutons patiemment, car il a fait un gros infarctus. Il pleure pour un oui ou pour un non, à la moindre micro-contrariété. A la fin il me dit qu’il a trouvé à la clinique deux amis : moi et mon collègue. J’ai voulu lui dire quelque chose de gentil en lui répondant qu’il avait de la chance, parce que moi, je n’en avais qu’un seul ici : mon collègue. Il a tourné les talons en s’affaissant et en me lançant un « merci pour moi… ». Mon ami était écroulé de rire : « Pourquoi tu es allé lui dire ça !! ».

Bonne question !

 

Mardi, à l’hôpital, j’ai passé 45 minutes sur un döppler artériel de l’aorte et des membres inférieurs chez un patient opéré trois fois : pontage fémoral croisé gauche-droit, et pontage fémoro-poplité haut à droite, puis à gauche. Il a une occlusion iliaque droite ancienne et il claudique des deux côtés.

Alors ?

Alors ?

Bravo : sténose serrée de l’iliaque gauche qui alimente les deux membres inférieurs via le pont fémoral croisé.

Un bien beau döppler, ma foi.

 

Mercredi, un père et sa fille, sortis probablement pour la première fois de leur cambrousse viennent me voir pour un deuxième avis (pour le père). Ils sont arrivés au CHU, pourtant bien décati, en ouvrant de grands yeux émerveillés. Ils m’ont aussi pris pour le messie « Parce que, Docteur, vous travaillez dans le deuxième Hôpital de France ». Ils ont du lire ça dans « Paris-Match », ou n’importe quelle autre publication médicale spécialisée. Je leur ai bien vite enlevé leurs illusions, en parlant lentement, pour que le retour à la triste réalité soit moins rude.

 

Enfin, « last but not least », je vais faire un peu d’autocongratulation. En pleine euphorie, j’ai appelé tout le monde, Sally compris, et j’ai même raconté l’histoire à ma mère (c’est dire comme c’est exceptionnel).

J’arrive un midi et je rejoins mes collègues à l’office de la clinique. Une radio du thorax tourne dans les mains. Il s’agit d’un opéré cardiaque récent, arrivé la veille ou l’avant-veille. Le radiologue a écrit sur le compte rendu qu’il remarque une opacité para cardiaque gauche. On décide de faire un scanner à distance pour éclaircir les choses. Je regarde la radio négligemment : au sein de cette opacité, il y a une ligne radio-opaque enroulée sur elle-même, tout à fait inhabituelle. Pourtant, j’en ai vu des radios de post-opérés cardiaques.

Tout le monde se sépare.

Pourtant, cette histoire me chiffonne, je demande à l’infirmier comment va le patient. C’est un médecin à la retraite, il est très inflammatoire, sa cicatrice sternale et un point d’entrée des drains cicatrisent mal et suppurent un peu. Je regarde de nouveau la radio : l’image n’est pas superficielle, elle est intra-thoracique sur le cliché de profil. La ligne est trop épaisse pour une électrode épicardique.

Je vais l’examiner pour vérifier l’absence de compresse sur le thorax, et lui montre la radio pour savoir si il savait ce que c’était (les gens ont parfois des antécédents non renseignés dans leur dossier médical).

Il ne sait pas ce que c’est.

Uhmmm uhmmm uhmmm, je crains le pire.

J’appelle une copine assistante dans le service de chirurgie cardiaque et lui demande de regarder les clichés post opératoires.

Elle me rappelle : l’image est apparue en post opératoire.

On convient de faire voir la radio au chirurgien qui a opéré le patient.

Coup de téléphone 30 minutes plus tard : il faut rapatrier le patient dans le service, ce sont bien des compresses chirurgicales oubliées.

 

Malgré toutes les précautions per opératoires, et la carrière sans tache du chirurgien, ce genre de complications reste toujours possible. J’ai trouvé une abondante littérature sur le net.

Et bien évidemment, il faut que ça tombe sur un confrère…

J’ai toujours dit qu’être médecin est un facteur de risque à part entière.

En post opératoire, tout le monde est passé à côté : en réa car il y a des fils et tuyaux de partout, et en unité parce que l’interne (novice) croyait que c’était le corset du patient.

Le patient a été repris hier, et tout c’est bien passé.

Ouf !

Je me suis couché fier comme Artaban.

C’est suffisamment rare pour que j’en profite un peu.

J’attends la chute dans l’escalier, comme Camille après le sac de Véies.

  
 

 °O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°O°

  
 

"Lorsqu'on apporta devant lui ce butin dont l'abondance et la richesse dépassaient son attente et son espoir, Camille, dit-on, demanda, levant les mains au ciel, "Que si quelqu'un des dieux ou des hommes trouvait excessive sa fortune et celle du peuple romain, la faute en fût expiée au moindre dommage pour lui et pour la patrie." Comme, dit-on, il se tournait en faisant cette prière, il glissa et se laissa tomber; et cette chute fut pour ceux qui établirent les prédictions sur l'événement, le présage de la condamnation de Camille, et de la prise de Rome, malheur qui arriva peu d'années après. Pour en revenir à cette journée, elle fut remplie tout entière par le massacre des ennemis et par le pillage d'une ville si opulente.

 

Tite-Live

Histoire Romaine

Livre V

 

09:40 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (4)

Commentaires

Excellente semaine on dirait.
Je crois bien que c'est l'Express qui publie le classement des hôpitaux.
A l'internat, on nous parle de "textilome" pour les compresses oubliées. Et ca arrive encore malgré toutes les précautions.

Écrit par : Esculape | 14/10/2006

J'aime bien vous lire, surtout quand vous êtes content de vous.
Le patient n'est-il jamais qu'un autre soi?
Vous n'inversez jamais les rôles?
C

Écrit par : camille | 14/10/2006

>Camille
Oulà, question compliquée!
Heureusement, j'ai une bonne santé, et je suis rarement dans le rôle du patient.
Mais bon, ce n'est pas fête tous les jours, et je suis quand même assez rarement content de moi. Je pense que ce blog est un prisme bien déformant dans ce cas particulier.

Écrit par : Lawrence | 14/10/2006

ma mere a passer un irm et lui ont trouver une suspition de myelome avec une c olonne vertbrale ecrasee par lusure du temps et il y a une semaine elle vomissait beaucoup et la elle vient d'etre operee d'un morceau d'intestin et d'une eventration

Écrit par : devaux | 25/03/2008

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