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23/10/2006

Les Brûlés.

medium_dante.jpgJe n’avais encore jamais parlé de cet endroit, ici, mais j’y suis allé ce matin.

 

Le service est fléché par de rares panneaux « Grands Brûlés ».

Sa nature et sa localisation précises sont indiquées presque comme à contre cœur, comme lorsque l’on évite de prononcer certains mots.

La double porte bleue n’est même pas renseignée, d’ailleurs, il n’y a pas de salle d’attente pour les familles.

Peut-être, en scrutant longtemps la bande de crépi crasseux au dessus d’elle, le visiteur pourrait y voir apparaître la phrase prémonitoire : « Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate ».

Je sonne à l’interphone, la porte s’ouvre, j’y glisse mon appareil d’échographie.

Moi, je passe donc par un vestiaire spécial. En effet, contrairement aux autres services de réanimation, il faut se déshabiller afin d’enfiler un pantalon et un sarreau stériles, un masque et un calot jetables.

A l’entrée, on laisse vraiment tout.

Bien que le service soit situé au premier étage, la lumière du jour ne pénètre jamais ici ; pas de fenêtre, comme pour conjurer l’espoir. Une lumière un peu blafarde rend l’ambiance encore plus désespérante.

Un sas, premier cercle, le secteur « tiède ».

Encore une porte, deuxième cercle, le secteur « chaud ».

Ce n’est pas une vue de l’esprit, malgré la tenue légère il règne toujours une chaleur moite infernale ici. Surtout, il y fait encore plus sombre.

Les portes vitrées ouvrent sur les tourments de chaque malade.

Chaque chambre comporte un lit avec une sorte de baldaquin ou pendent des ridelles épaisses en plastique transparent. A côté, un respirateur, à côté encore une vaste baignoire surmontée d’un palan. Au fond de la baignoire repose une sorte de sommier en acier inoxydable. La chaleur humide provient de ces bains désinfectants.

Première chambre à gauche, une infirmière baigne un malade immergé presque entièrement. Seules surnagent une tête sans cheveux ni sourcils, et deux mains. Toutes trois sont couvertes de plaies sanguinolentes.

Première chambre à droite, deux médecins noirs massent et intubent un patient.

Je ne les avais jamais vus ; je souris en me rappelant que les anciens auteurs pensaient que la peau des éthiopiens était noire parce que brûlée par le char du soleil rendu fou par Phaéton. Des médecins à la peau brûlée gardent des brûlés sans peau.

Le patient qu’ils réaniment est celui pour lequel je suis venu.

Ils le récupèrent.

Je rentre mon appareil d’échographie dans la petite chambre exigüe.

Il y fait encore plus chaud, entre l’agitation de la réanimation et la chaleur émise par les appareils et les 6 êtres humains qui s’y entassent et se gênent.

Je me penche pour brancher mon appareil, à travers un fouilli de fils électriques .

Un gros bruit de déchirure me fait sursauter.

Je viens de craquer l’arrière de mon pantalon sur une bonne vingtaine de centimètres.

On éclate tous de rire (sauf le patient).

« Ca arrive souvent » me précise, hilare, un des deux médecins. J’accuse alors les infirmières présentes de détricoter les coutures pour favoriser les rencontres avec les médecins. Tout le monde rit en poursuivant son travail

Ouf, un peu d’air frais malgré l’atmosphère étouffante.

 

En moyenne, ici, une infirmière tient deux ans avant de demander sa mutation dans un autre service.

15:00 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Ces équipes doivent être très soudées pour arriver à se détendre dans pareil moment.
Une chose surement indispensable dans ce type de service.

Écrit par : Serillo | 23/10/2006

J'ai connu les réa pédiatriques (Spéciale dédicace à Antoine-Beclère...), la problématique est un peu la même.
Est-ce un hasard, mais la fille d'un couple d'amis est en chambre stérile à Cochin, un peu mal en point (accident de labo au Lycée : un billet qui m'interpelle "quelque part"...

Écrit par : Jacques | 25/10/2006

Je suis passée dans ce service pendant 3 mois en D2, premières tentatives de pose d'artères et de vvc... [nostalgie] ; ça ne me semblait pas si glauque et désespérant.

Écrit par : Katleen | 28/10/2006

Les commentaires sont fermés.