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30/12/2006

Comment fabriquer une maladie ?

medium_Knock.jpgLe numéro de janvier de « Prescrire » est arrivé hier. Un article très intéressant traite du « Disease Mongering », ou comment forger une maladie pour pouvoir vendre des médicaments.

Oh, bien sûr, pas dans le sens de créer des agents pathogènes pour pouvoir vendre des pilules pour les éradiquer. Ce n’est pas une nouvelle preuve de la « théorie du complot », quoique…

Il s’agit plutôt d’une « knockisation » à grande échelle de la population. Le bon Dr. Knock, héros de Jules Romain (Le Docteur Knock, ou le triomphe de la médecine, 1923) va persuader les habitants du bourg ou il a acheté fort cher une clientèle rachitique (au sens figuré !), qu’ils sont tous atteints de quelque chose. Knock va ainsi garnir sa clientèle et multiplier son investissement initial.

La devise de Knock est le fameux : « Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent ».

Jules Romain avait déjà tout compris bien longtemps avant que cette stratégie marketing soit énoncée (par Lynn Payer dans les années 90).

L’article donne quelques exemples (maladie des jambes sans repos, « impuissance féminine »…) et surtout un lien vers une revue médicale qui y consacre un numéro complet.

Cette revue, « PLoS Medicine » se veut être un nouveau modèle gratuit pour l’édition médicale. Le Monde en a parlé il y a quelques semaines. Cette revue est anglophone (pas étonnant), gratuite, en ligne et surtout dotée d’un comité de sélection (de « reviewers » en bon français). Je viens juste de la découvrir, et je n’ai pas eu le temps de me faire une opinion bien définie sur la qualité des articles. Mais je pense consacrer une note à cette revue.

Pour les scientifiques sceptiques et attachés à une presse médicale plus « établie », un article du très respectable BMJ y fait aussi allusion (ici et surtout ici).

Revenons au sujet de cette note.

Un article de « PLoS Medicine » cite un auteur (Lynn Payer en l’occurrence) qui identifie les 10 stratégies princeps du « Disease Mongering ». Je vous les cite, car « Tout y est ».

En anglais et dans une mauvaise traduction maison :

  • “Taking a normal function and implying that there's something wrong with it and it should be treated”.

Prenez une fonction physiologique normale et faites croire que quelque chose ne va pas et qu’il faut le traiter.

  • “Imputing suffering that isn't necessarily there”.

Mettez en avant une souffrance qui ne va pas forcément de soi.

  • “Defining as large a proportion of the population as possible as suffering from the ‘disease’”.

Faites passer le message qu’une large proportion de la population souffre de cette maladie.

  • “Defining a [condition] as a deficiency disease or disease of hormonal imbalance”.

Définissez un état comme étant une maladie déficitaire, ou un déséquilibre hormonal.

  • “Getting the right spin doctors”.

Réunissez les meilleurs experts en communication.

  • “Framing the issues in a particular way”.

Orientez les résultats des études dans votre intérêt .

  • “Selective use of statistics to exaggerate the benefits of treatment”.

Utilisez certaines de vos données statistiques pour exagérer les bénéfices du traitement, cachez les autres.

  • “Using the wrong end point”.

Choisissez un mauvais objectif de traitement.

  • “Promoting technology as risk-free magic”.

Faites croire que votre technologie magique est sans aucun risque.

  • “Taking a common symptom that could mean anything and making it sound as if it is a sign of a serious disease”.

Prenez un symptôme banal et équivoque et faites le percevoir comme étant le signe d’une maladie grave.

  

 

Ca ne vous rappelle pas quelque chose ?

  

Sur ce, comme il s'agit probablement de ma dernière note avant 2007, je vous souhaite à tous un excellent réveillon et mes meilleurs voeux pour la nouvelle année !

 

 

 

 

Edition 01/01/07: "amélioration" de la traduction. 

Commentaires

Doutons, doutons, il en restera toujours quelque chose, comme dirait l'OZ.
Bonnes fêtes aussi, je reviendrai par ici.

Écrit par : alayaya | 31/12/2006

J'éprouve un malaise :sommes-nous vraiment aussi c......que ne le croient les labos pharmaceutiques ?heuuuuuuu..oui !:-)

Écrit par : Martine | 31/12/2006

bonne année!

Écrit par : shayalone | 01/01/2007

Merci!
Toi aussi!
Plein de bonnes choses pour toi et Chou.

Écrit par : lawrence | 01/01/2007

Hé oui, en écrivant cette note et en dénonçant comme une arnaque le syndrome des jambes sans repos, vous pensiez plaider pour la vérité ! Il s'avère que les jambes sans repos sont une maladie importante du système nerveux, qui occasionne gêne et insomnie et, dans les phases aiguës, une détresse liée à l'impossibilité de se reposer. Depuis votre article, heureusement, ce syndrome a été étudié, reconnu par la médecine - qui n'etait pas à l'abri de jugements stupides : "vous êtes un peu nerveux en ce moment, prenez du magnésium"..." et un médicament a été proposé avec efficacité.
Les gens qui inventent des maladies (je ne le nie pas évidemment) pour faire vendre sont condamnables, ceux qui les dénoncent en négligeant de vérifier leurs sources ne peuvent que faire amende honorable !

Écrit par : Lea | 27/12/2009

Arghh?!
Il y a des études indépendantes et de bonne qualité qui sont sorties sur le syndrome des jambes sans repos?
Envoyez-moi les références, je vais me remettre à jour.

Parce que les fiches de la HAS sur le SIFROL et l'ADARTREL sont peu flatteuses.
ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) à IV pour les deux, c'est à dire mineur.
Les études montrent des améliorations "modestes", et uniquement dans les formes très sévères. Dans les autres cas, ces deux médicaments ne sont même pas remboursés.

Enfin, par ailleurs, le placebo améliore les symptômes de cette maladie jusqu'à près de 50%...

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fbum_sifrol_internet_072007.pdf

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ropinirole.pdf

Écrit par : lawrence | 27/12/2009

Les commentaires sont fermés.