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21/02/2007

Le scaphandre et le papillon.

Encore une histoire triste ce matin, enfin deux, mais surtout une.

 

Tout d’abord une femme de 50 ans.

Il y a un an, sa vie était « formidable ».

Elle sortait d’un parking à pieds, et la barrière s’est refermée juste quand elle est passée dessous. Elle ne sait pas pourquoi le système de sécurité n’a pas marché.

Elle a pris un gros coup sur la tête et s’est affalée par terre. Les pompiers sont arrivés, et n’ont heureusement pas décelé d’anomalie.

 

Elle rentre à la maison, encore un peu secouée.

Son mari la trouve pâle, elle ne se sent pas très bien.

Ils vont chez le généraliste qui lui trouve une arythmie cardiaque.

Ils consultent rapidement un cardiologue qui diagnostique une fibrillation auriculaire.

Logiquement, il l’anticoagule avec un relais par AVK.

Il décide de temporiser en la ralentissant un peu avec de la digoxine.

La fibrillation cède en 8 jours, sans aucun problème.

 

Quelques semaines après, au cours d’une grosse colère, elle fait une poussée hypertensive qui la conduit aux urgences.

Là aussi, tout finit bien.

Puis rapidement, de retour à la maison, elle ressent une faiblesse des jambes et des douleurs diffuses.

Les choses se compliquent un peu, elle consulte de « nombreux incompétents » qui ne trouvent pas ce qu’elle a. Elle fait même un séjour en clinique, dans un service de cardiologie ou on lui dit que « le cœur va bien ».

Cette histoire traîne.

 

Finalement, je ne sais plus qui a l’idée de faire une IRM médullaire qui retrouve une compression sévère par un hématome, probablement lié aux anticoagulants.

Elle est transférée en neurochirurgie pour y être opérée en urgence.

Mais le neurochirurgien ne pourra pas faire grand-chose.

Elle restera paralysée jusqu’au niveau D3-D4.

 

Je la vois ce jour pour un bilan vasculaire d’ulcères traînants des deux jambes.

Elle s’est coincée les jambes entre les marchepieds et l’armature du fauteuil roulant, et n’ayant pas de sensibilité, elle s’est blessée profondément en voulant se dégager.

C’était il y a quelques semaines, et la situation se dégrade.

Le döppler est normal.

 

La deuxième est tout aussi tragique, et malheureusement bien plus fréquente.

Une jeune femme de 28 ans envoyée pour un bilan vasculaire pour une deuxième greffe bi pulmonaire pour cette maladie.

Par ailleurs, elle est greffée rénale.

Première perfusion à l’âge de 4 ans, première chambre implantable à l’âge de 11 ans.

Elle est lucide comme seuls le sont ceux qui vivent sous le joug de maladies chroniques graves depuis l’enfance.

 

On a parlé de sa maladie et ça m’a rappelé un souvenir d’enfance.

 

Je vivais dans une maison à la campagne près de Lyon et chaque été, les voisins recevaient leurs petits enfants. Je devais avoir 10-14 ans. Nous avions à peu près le même âge et jouions assez souvent au vélo, aux Playmobils et à la gadoue dans les fossés du petit chemin de terre. Il y avait un garçon, l’aîné et deux filles. Les deux filles étaient atteintes.

La petite se consumait d’été en été, le visage mangé par des yeux cernés et toute maigre. Un jour elle n’est plus venue dans la maison de ses grands-parents pour jouer avec nous. Puis quelques années plus tard, j’ai revu la plus grande. Elle venait de commencer sa fac avec une lucidité et un courage  inouïs. J’ai appris son décès l’année d’après.

 

Depuis, plus aucun rire ne sort de la maison d’à côté.

21:15 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (9)

Commentaires

C'est la vraie vie docteur...
Celle qui comporte des douleurs et des grandes joies... Ce matin j'ai enterré une amie décédée d'un cancer au sein, hier je faisais de la luge avec ma petite-fille...
Ce n'est pas SecondLife
Ceci dit compte-tenu de ce que vous vivez au quotidien je comprends votre besoin d'évasion dans le virtuel...

Écrit par : Rosa | 21/02/2007

>Rosa: vous avez déjà parlé à quelqu'un de votre fixation sur "Second Life" ?

Écrit par : lawrence | 22/02/2007

Etrange comme les gens ne veulent plus mourir et ne tolèrent plus aucune souffrance. Ils veulent, ils exigent de "l'efficacité" et font du Médecin un Dieu. Un Dieu somme toute impuissant, rendu comptable des facéties du véritable démiurge. Renard a tout dit: "La médecine n'a de certain que les espoirs trompeurs qu'elle nous donne" et c'est déjà beaucoup. Je ne cligne pas encore de l'oeil gauche et mon talent littéraire se résume en des ordonnances types, mais je tourne de l'oeil chaque jour davantage au contact de patients qui ne le sont pas. "J'ai vos résultats de biopsie Madame, vous allez bientôt mourir et c'est normal. Pour toute réclamation, voyez au choix avec vos parents ou avec l'autre là-haut". Laissez parler ceux qui ont besoin de le faire puis rentrez chez vous et écoutez l'impromptu de Schubert....

P.S: Mauvaise journée

Écrit par : kropotkine | 22/02/2007

>kropo: je vois cela. Mais n'oublie pas que les attentes des patients en France sont en général bien plus élevées que chez toi. Et il existe une différence culturelle assez importante. Chez nous, le "Labess? Hamdoulah!" n'existe quasiment plus. On a remplacé Dieu/El Mektoub par d'autres croyances, pas forcémment moins obscures.
Ce qui te semble étonnant ne l'est pas ici.

Écrit par : lawrence | 22/02/2007

Non !
Je ne peux en parler qu'avec vous puisque cette "fixation", comme vous dites, ne me vient que sur votre blogue...
A quand votre prochain billet historique ?

Écrit par : Rosa | 22/02/2007

Le prochain sera probablement sur Benjamin Franklin, mais il faut d'abord que je finisse le livre.
Donc pas avant pas mal de temps...

Écrit par : lawrence | 23/02/2007

Externe simplement.
Un matin: Elle...à peine 35 ans. Elle a mal à la tête: PL RAS. Désir d'un second enfant.
Le lendemain matin: annonce: elle est morte subitement dans la nuit. Un simple mal de tête...quelle ironie.
Et cette jeune fille de 22 ans, sportive, douleur du MSD et nausées; Le SAMU qui préfère envoyer un médecin plutôt que de venir en urgence (22ans et un IDM, on y croit peu, non?!).
perte de connaissance et arrêt cardio-vasculaire; son père la réanime en attendant le médecin. Elle décedera quelques jours plus tard à la suite d'un coma.
Et j'ai si peu d'expérience... mais je pourrais encore allonger cette liste. Est ce qu'on s'habitue jamais? Et à vrai dire j'ai peur de m'y habituer...
Vous dire que la vie est un vaudeville dramatique qui assène mais transmet tant et tant...même cela me parait dérisoire.

Écrit par : lilou | 24/02/2007

>lilou: on ne s'y habitue jamais, heureusement.

Écrit par : lawrence | 25/02/2007

Il n'y a que quand on sera morts qu'on sera habitués à ce que la vie soit une grosse merde non ? En tout cas je me méfierai des barrières de parking maintenant... et de tout d'ailleurs.... Trub Mode Parano.

Écrit par : Trublyonne | 27/02/2007

Les commentaires sont fermés.