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04/08/2007

Vulnerant omnes, ultima necat.

Hier soir, je discutais de la mort avec une famille. Une dame hospitalisée à la clinique et fragile psychologiquement est en train de perdre une de ses filles d’une pathologie en phase terminale. La seconde fille, elle aussi fragile, n’a pas vraiment prévenu sa mère de la gravité actuelle de la situation. Elle  me demandait alors ce que j’en pensais, et notamment nous parlions du pronostic, de l’heure de la fin que fixent parfois les médecins. Je lui dis que cet exercice s’apparentait parfois plus à la prédiction qu’à la science médicale et lui ai raconté l’histoire de mon grand-père paternel.

Les fins de journées, lorsque le soleil décline, surtout en fin de semaine sont souvent favorables à ce genre d’épanchements.

Mon grand-père tenait une fromagerie dans l’Ain. Il aimait beaucoup le fromage, et en mangeait bien évidemment toute la journée. Son poids dépassait largement le quintal. Il a  travaillé toute sa vie du lever au coucher du soleil, à retourner des fromages de 70 Kgs pour les faire affiner, puis à les vendre. Travailleur acharné, autodidacte, ses idées et ses valeurs étaient droites, bien arrêtées, et ne souffraient aucune contestation de la part du destin ou des êtres humains. Il ne faisait pas confiance aux banques et cachait son magot (qui était considérable) dans un coucou suisse ou une vieille chouette empaillée (je ne me souviens plus).

Il a perdu sa jeune femme (ma grand-mère) peu après la guerre d’un cancer digestif délabrant et atrocement douloureux. Malgré ce drame qui a toujours jeté un linceul sur sa vie, il continuait toujours à faire mécaniquement le signe de croix au couteau sur le pain avant de le trancher. Il s’est remarié peu après, avec une femme, qui sous l’action du fromage toujours à portée de main a elle aussi largement dépassé le quintal. Je me souviens qu’il y avait toujours une odeur aigrelette de fermentation lactique qui flottait chez eux.

Un beau jour, dans les années 70-80 (je ne m’en souviens plus, non plus), on lui annonce qu’il a un cancer du poumon à petites cellules (il fumait beaucoup entre deux morceaux de Comté) et qu’il en avait pour 6 mois, pas plus. Il perd ses cheveux en cours de chimiothérapie et décide de se faire faire une pierre tombale.

Il choisit consciencieusement la pierre et son emplacement, dans le cimetière du village, avec vue sur un hameau proche qu’il affectionnait particulièrement. Une fois la pierre confectionnée, il a pris l’habitude de se coucher dessus régulièrement, accompagné de son chien à trois pattes (une patte perdue à la suite d’un accident de voiture), « pour voir ce que cela faisait ». Le rituel a duré des jours, des semaines, puis des mois, puis la mort ne voulant pas de lui, mon grand-père s’est lassé.

Il est mort 11 ans plus tard, on ne sait pas trop de quoi.

11:05 Publié dans Mon passé | Lien permanent | Commentaires (0)

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