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08/08/2007

Les gazelles.

Je vois de plus en plus de gazelles à ma consultation.

 

Comment les définirais-je ?

25-30 ans, origine maghrébine, nées en France, et totalement « fashion-victims ».

Elles sont souvent minces et grandes, et d’une beauté particulièrement recherchée. Pantalon serré, laissant apparaître la dentelle d’une petite culotte, chaussures pointues et à talons hauts, portable noir à la main, ou se balançant autour du cou, petit haut translucide ou permissif, leurs vêtements sont assez souvent stéréotypés.

Elles font souvent une entrée remarquée dans ma médiocre salle de consultation,  ou tout du moins remarquée par les patients qui ne sont pas déments.

Elles y côtoient souvent ma clientèle habituelle.

Notamment la dame maghrébine elle aussi, mais diabétique et obèse, 50 ou 60 ans mais qui en fait 20 de plus, voilée de noir, beige ou bleu marine, mais toujours uni et de pied en cap, sauf le visage ; et dont la vie a été, est et sera bouffée par un grand nombre d’enfants et un mari âgé, malade et exigeant. Parfois infidèle, en plus.

Bien évidemment, ces dernières sont souvent les mères des premières.

 

Je pourrais faire une note complète sur ces femmes, leur gentillesse, leur visage doux et résigné, leur rire quand je tente 2-3 mots en arabe ou en berbère, leurs grigris qu’elles portent contre la peau, leurs tatouages et scarifications souvent faits dans leur enfance pour les guérir de je ne sais quels maux, et leurs dizaines de jupons et de sous tuniques.

Mais aujourd’hui, ce n’est pas le sujet.

 

Le motif de consultation des gazelles est assez constant : palpitations, malaises, ou les deux.

 

La semaine dernière première gazelle.

25 ans, très volubile et un peu agitée.

Elle a des palpitations quand elle boit du café et fume.

Et bien arrêtez !

Non, ça aurait été trop simple.

Trop de stress, trop de pression, il faut qu’elle continue.

D’ailleurs, pour que je constate ses palpitations, elle a bu un expresso et a fumé une cigarette juste avant de rentrer dans l’hôpital. Ca marche toujours, c’est immanquable.

Malheureusement, rien sur le tracé et à l’examen.

Comme j’étais d’une humeur badine, je lui ai proposé d’aller se reprendre un expresso et de se refaire une clope avant de remonter me voir en prenant les escaliers.

J’aime bien prendre la place du démon, parfois.

 

Elle arrive encore plus excitée qu’avant (normal) et me tend son poignet : « Je le sens, vous aussi ? ».

Je la fait rentrer, l’ausculte et fait un tracé : je ne vois rien.

Elle convient toutefois, que ce n’était pas aussi fort qu’avant.

Je lui programme un holter qui sera probablement normal, mais qui la rassurera.

 

Aujourd’hui, gazelle numéro 2, accompagnée par sa cousine, une gazelle numéro 3.

Elle vient pour…

Malaises.

Elle a déjà fait part de son choix d’examens paracliniques auprès de mon infirmière : holter ECG, échographie cardiaque, bilan biologique…

 

Je commence à l’interroger.

Ca dure depuis un an (je suis déjà rassuré), elle perd parfois connaissance mais la durée de ses malaises lui laissent heureusement le temps de se rendre à l’Hôpital voisin pour finalement syncoper dans les bras d’une infirmière.

Ce ne sont donc pas des malaises à l’emporte-pièce, c’est le moins que l’on puisse dire.

Je l’interroge 10 minutes, sans vraiment arriver à trouver une nosologie convenable.

Ca ressemble vaguement à des malaises vagaux. Vaguement.

Je poursuis : tabac, oui, alcool et café, pas demandé, drogue, oui (Cannabis occasionnel et quelques rails de coke il y a un an).

Pas de quoi fouetter un chat, semble-t-elle me dire.

Je la fais se dévêtir « en haut », ce qui prend 0.7seconde et je remarque alors ses prothèses mammaires.

Elles sont proprement démesurées sur une jeune femme mince et grande. Elle vient juste de se faire opérer dans une clinique de la région.

Quand elle s’allonge, ses tétons ne sont pas loin d’être au niveau du bout de son nez.

Je déteste ces prothèses, même de taille raisonnable.

D’abord par goût personnel, et aussi car elles rendent aveugle la fenêtre apicale en échographie cardiaque trans-thoracique. Je pense que c’est dû à un phénomène de reflexion/réfraction des ultra-sons, mais quelque soit la position de la sonde, même à distance de la prothèse, on ne voit strictement rien à part un grand vide échographique.

Je me souviens d’une patiente déjà plus toute jeune qui était effrayée que je puisse raconter « son secret », que j’avais découvert au cours d’une échographie. D’abord, le raconter à qui, étant donné qu'elle était venue seule ? Je ne lui ai pas demandé. Et ensuite, elle devait imager que ses proches et ses médecins étaient persuadés que ses magnifiques seins étaient doués de propriété antigravitationnelle.

 

Je demande ensuite à ma gazelle si elle est née là-bas ou en France. En France, bien…

Ne voyez pas là un relent de nationalisme identitaire (que j’exècre), mais plutôt un moyen élégant de se rassurer (ou de s’inquiéter) sur la présence d’un toujours possible rhumatisme articulaire aigu.

Alors que je l’examine, ce qui n’est pas totalement désagréable lorsque ses seins inhumains sortent de mon champ de vision, je me dis que ce serait bien qu’elle fasse un malaise.

Le miracle eut lieu : elle voulu bien me donner ce que la jeune femme de la semaine d’avant m’avait refusé, une magnifique scène clinique « comme à la maison ».

L’examen est resté normal, de même que l’ECG. La patiente s'est heureusement remise assez rapidement.

La cousine me dit alors que c’est parce qu’elle retient trop de choses en elle, et qu’elle n’extériorise qu'occasionnellement l'ensemble de ses problèmes que sous cette forme. Je pousse un « ummpffpeutêtrepourquoipas » poli mais qui n’engage à rien. Encore une qui a trop lu Biba Magazine.

Ce malaise bien opportun m’a évité d’avoir à programmer tout un bilan cardiovasculaire.

Je rédige alors un petit courrier circonstancié à son généraliste.

Commentaires

mais qu'est-ce qu'elles ont donc dans la tronche ces gazelles-barbies ? Quelle idée ont-elle de la féminité, de la beauté ? Et la culture ? Vous savez, ce qui fait qu'on s'ouvre au monde, qu'on s'intéresse à autre chose qu'à ses seins ? Elles en font quoi de ça ?

Écrit par : anita | 09/08/2007

C'est sûr.
Ce qui me chagrine d'autant plus qu'elles ont l'immense chance initiale d'être à la croisée de deux cultures extrêmement riches, l'occidentale et l'arabe.
Mais je vois de tout pendant mes consultations, autant elles ne prennent que ce qu'il y a de pire des 2 côtés, autant, certaines/certains arrivent à une synthèse harmonieuse.
Mais ces derniers sont malheureusement rares.
Le multiculturalisme appauvrit souvent plus qu'il n'enrichit, alors que ce devrait être le contraire.

Écrit par : lawrence | 09/08/2007

Quand on ne mange que 3 feuilles de salade par jour pour rester min... anoxerique, qu'on a beaucoup de stress (pour pas grand chose en général), qu'on fume et qu'on boit du café, faut pas s'étonner de faire des malaises.

Quant aux prothèses mammaires king size, je trouve ça abominable aussi.

Écrit par : Merlin | 09/08/2007

Au lycée j'avais un vieux professuer de math qui nous disait "je suis votre professeur de culture générale, d'histoire, de français, d'éducation civique et quand j'ai fini tout ça j'essaie de vous enseigner un peu de mathématiques ... Ce post me fait un peu penser à ça, pour être un bon cardiologue, finalement il faut être un peu sociologue, avoir des notions de psychologie, bien connaitre l'histoire de son pays, pas être mauvais en biophysique, ne pas avoir de secret pour la bactériologie même exotique, et au final il reste un peu de temps pour faire de la cardio ! Je me retrouve bien dans cette vision des choses ... comment ils disent déjà à la faculté ? Ah oui, la globalité du patient !

Écrit par : urgences matin | 09/08/2007

Une approche "systémique", quoi...
On (ne) connait (pas) ça en informatique aussi.
Quant au multiculturalisme, je ne peux hélas qu'aller dans ton sens, Lawrence (je parle en connaissance de cause, ayant une épouse d'ascendance algérienne). J'ai trop souvent vu le pire des deux fusionner allègrement dans un enthousiasme délirant parfaitement invivable.
Y compris dans des couples non mixtes (culturellement s'entend) qui se comportent comme de gros cons franchouillards (égoistes, roublards, vaguement racistes...) avec une bonne dose de communautarisme étriqué, bigot et rétrograde. Bonjour l'assimilation...

Écrit par : Jacques | 09/08/2007

Et là, Zorro-David Vincent va arriver et mitrailler la jeune de questions, notamment sur son mode de vie et ses habitudes alimentaires.
Ces jolies gazelles ne s'assument pas entièrement en tant qu'elles-même, il y a du travail... de généraliste une fois que la consultation cardio est rassurante.

Écrit par : david vincent | 09/08/2007

Diable !

La question que l'on peut se poser est la suivante : ces Gazelles sont-elles heureuses (et leur mères, le sont elles aussi) ?

Je trouve ce passage interpellant :

"Je déteste ces prothèses, même de taille raisonnable.
D’abord par goût personnel, et aussi car elles rendent aveugle la fenêtre apicale en échographie cardiaque trans-thoracique. Je pense que c’est dû à un phénomène de reflexion/réfraction des ultra-sons, mais quelque soit la position de la sonde, même à distance de la prothèse, on ne voit strictement rien à part un grand vide échographique."

Il est toujours difficile de s'insérer dans un milieu socio-culturel, pourtant ce problème ne date pas d'hier : l'immigration/émigration a toujours existée, que je sache.

Le nouveau Ministère de l'intégration devrait peut être envisager de créer un CAUVAM (Centre d’Accueil en Urgences des Victimes d’Agressions des Migrations) pour éviter le MPTSD (Migration Post Traumatic Syndrom deasease).

Boire, Manger et être en Bonne Santé, c'est une nécessité, être épanoui et heureux c'est peut-être, un luxe.

Écrit par : Dr Ventouse | 09/08/2007

Sur le sujet des implants mammaires, un article publié aujourd'hui sur 20nimutes.fr :

http://www.20minutes.fr/article/174346/Sante-Trois-fois-plus-de-suicides-pour-les-femmes-qui-ont-des-implants-mammaires.php

Écrit par : Dr Ventouse | 10/08/2007

Ce qui m'interpellent le plus dans cet article c'est cette phrase :
"Les femmes qui ont des implants mammaires ont trois fois plus de chances de se suicider que celles qui ont gardé leur poitrine naturelle"

On arrive à un débat tres philosophique : le suicide est-il une chance ?

Écrit par : Rightwolf | 10/08/2007

Tristes ces générations qui ne savent se créer leur vie sans se servir de modèles, ti raillées entre deux mondes : la tradition et les fashion victims. Victimes des bêtises de la mode, encore une futur Pro Ana ?Elles sont timbrées ces filles !

Écrit par : Fanette | 10/08/2007

Elles ont eu 15 ans avant d'en avoir 20, et il y aurait beaucoup à dire sur la somatisation des tensions internes de ces jeunes filles, même sans lire Biba.
En ce qui concerne les implants, ce qui me choque, moi, c'est que des médecins acceptent de les poser.

Écrit par : anita (une autre) | 10/08/2007

Je suis tombée par hasard sur cette article, en faisant des recherches medicales, et etant moi même d'origine marocaine, je souhaite intervenir.
Je suis tout à fait d'accord sur tous ce qui a été dit j'aimerai seulement preciser qu'heureusement, toutes les gazelles ne sont pas comme ca. Ma mere est venu en France il y a bientot 30 ans et ne ressemble pas vraiment à ces meres obeses de 50-60 ans qui sont ici très bien decritent. Moi même je ne suis pas une de ces pro ana abonnée au protheses mammaires ou autres, mais bien tout l'inverse...et pourtant ca m'arrive d'aller souvant chez le medecin..! ^^
Voilà, je sais que tous ceci est deja trés clair pour vous mais je voulais juste m'assurer que tout le monde le sache et ne se crée pas de prejugés sur toutes ces gazelles que nous sommes, pourtant si differentes l'une de l'autre (et parfois de façon trés flagrante...^^)
Bonne continuation :)

Écrit par : Sonia | 20/08/2007

>Sonia: merci pour votre intervention.
En arrivant au "Je souhaite intervenir", je me suis dit: ça y est, elle va me massacrer!
En fait, non, ouf!

C'est en effet une caricature, que je croise assez souvent à l'hopital, mais qui heureusement, n'est pas une généralité.
Si vous avez lu un peu plus loin la note "des patients....", vous avez pu vous rendre compte que la réalité détruit rapidement les a priori que l'on peut se faire sur les gens.
Heureusement!

Écrit par : lawrence | 20/08/2007

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