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22/12/2007

Bonnes fêtes de fin d’année !

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« Comme il faisait froid ! la neige tombait et la nuit n’était pas loin ; c’était le dernier soir de l’année, la veille du jour de l’an. Au milieu de ce froid et de cette obscurité, une pauvre petite fille passa dans la rue, la tête et les pieds nus. Elle avait, il est vrai, des pantoufles en quittant la maison, mais elles ne lui avaient pas servi longtemps : c’étaient de grandes pantoufles que sa mère avait déjà usées, si grandes que la petite les perdit en se pressant de traverser la rue entre deux voitures. L’une fut réellement perdue ; quant à l’autre, un gamin l’emporta avec l’intention d’en faire un berceau pour son petit enfant, quand le ciel lui en donnerait un.

La petite fille cheminait avec ses petits pieds nus, qui étaient rouges et bleus de froid ; elle avait dans son vieux tablier une grande quantité d’allumettes, et elle portait à la main un paquet. C’était pour elle une mauvaise journée ; pas d’acheteurs, donc pas le moindre sou. Elle avait bien faim et bien froid, bien misérable mine. Pauvre petite ! Les flocons de neige tombaient dans ses longs cheveux blonds, si gentiment bouclés autour de son cou ; mais songeait-elle seulement à ses cheveux bouclés? Les lumières brillaient aux fenêtres, le fumet des rôtis s’exhalait dans la rue ; c’était la veille du jour de l’an : voilà à quoi elle songeait.

Elle s’assit et s’affaissa sur elle-même dans un coin, entre deux maisons. Le froid la saisit de plus en plus, mais elle n’osait pas retourner chez elle : elle rapportait ses allumettes, et pas la* plus petite pièce de monnaie. Son père la battrait ; et, du reste, chez elle, est-ce qu’il ne faisait pas froid aussi? Ils logeaient sous le toit, et le vent soufflait au travers, quoique les plus grandes fentes eussent été bouchées avec de la paille et des chiffons. Ses petites mains étaient presque mortes de froid. Hélas ! qu’une petite allumette leur ferait du bien ! Si elle osait en tirer une seule du paquet, la frotter sur le mur et réchauffer ses doigts ! Elle en tira une : ritch ! comme elle éclata ! comme elle brûla ! C’était une flamme chaude et claire comme une petite chandelle, quand elle la couvrit de sa main. Quelle lumière bizarre ! Il semblait à la petite fille qu’elle était assise devant un grand poêle de fer orné de boules et surmonté d’un couvercle en cuivre luisant.

Le feu y brûlait si magnifique, il chauffait si bien ! Mais qu’y a-t-il donc ! La petite étendait déjà ses pieds pour les chauffer aussi ; la flamme s’éteignit, le poêle disparut : elle était assise, un petit bout de l’allumette brûlée à la main.

Elle en frotta une seconde, qui brûla, qui brilla, et, là où la lueur tomba sur le mur, il devint transparent comme une gaze. La petite pouvait voir jusque dans une chambre où la table était couverte d’une nappe blanche, éblouissante de fines porcelaines, et sur laquelle une oie rôtie, farcie de pruneaux et de pommes, fumait avec un parfum délicieux. Ô surprise ! ô bonheur ! Tout à coup l’oie sauta de son plat et roula sur le plancher, la fourchette et le couteau dans le dos, jusqu’à la pauvre fille. L’allumette s’éteignit : elle n’avait devant elle que le mur épais et froid.

En voilà une troisième allumée. Aussitôt elle se vit assise sous un magnifique arbre de Noël ; il était plus riche et plus grand encore que celui qu’elle avait vu, à la Noël dernière, à travers la porte vitrée, chez le riche marchand. Mille chandelles brûlaient sur les branches vertes, et des images de toutes couleurs, comme celles qui ornent les fenêtres des magasins, semblaient lui sourire. La petite éleva les deux mains : l’allumette s’éteignit ; toutes les chandelles de Noël montaient, montaient, et elle s’aperçut alors que ce n’était que les étoiles. Une d’elle tomba et traça une longue raie de feu dans le ciel.

« C’est quelqu’un qui meurt, » se dit la petite ; car sa vieille grand’mère, qui seule avait été bonne pour elle, mais qui n’était plus, lui répétait souvent : « Lorsqu’une étoile tombe, c’est qu’une âme monte à Dieu. »

Elle frotta encore une allumette sur le mur : il se fit une grande lumière au milieu de laquelle était la grand’mère debout, avec un air si doux, si radieux !

« Grand’mère s’écria la petite, emmène-moi. Lorsque l’allumette s’éteindra, je sais que tu n’y seras plus. Tu disparaîtras comme le poêle de fer, comme l’oie rôtie, comme le bel arbre de Noël. »

Elle frotta promptement le reste du paquet, car elle tenait à garder sa grand’mère, et les allumettes répandirent un éclat plus vif que celui du jour. Jamais la grand’mère n’avait été si grande ni si belle. Elle prit la petite fille sur son bras, et toutes les deux s’envolèrent joyeuses au milieu de ce rayonnement, si haut, si haut, qu’il n’y avait plus ni froid, ni faim, ni angoisse ; elles étaient chez Dieu.

Mais dans le coin, entre les deux maisons, était assise, quand vint la froide matinée, la petite fille, les joues toutes rouges, le sourire sur la bouche…. morte, morte de froid, le dernier soir de l’année. Le jour de l’an se leva sur le petit cadavre assis là avec les allumettes, dont un paquet avait été presque tout brûlé. « Elle a voulu se chauffer ! » dit quelqu’un. Tout le monde ignora les belles choses qu’elle avait vues, et au milieu de quelle splendeur elle était entrée avec sa vieille grand’mère dans la nouvelle année. »

 

La Petite Fille et les allumettes.

Hans Christian Andersen.

« Contes ». 1848

 

Commentaires

Merci pour cette plongée dans mon enfance et ce conte de Noël qui était mon préféré (à croire que j'aime pleurer...)

Écrit par : Pat La Fourmi | 22/12/2007

>Pat: j'ai redécouvert récemment ce conte en le lisant à mes enfants. J'ai trouvé qu'il exprimait à merveille l'esprit de Noêl.

Écrit par : lawrence | 22/12/2007

Mon Dieu ! L'esprit de Noël c'est une petite fille qui meurt de froid toute seule dehors ?? J'ai toujours beaucoup aimé lire Andersen, toute l'année d'ailleurs, mais la cruauté du destin de cette enfant me fait surtout penser à l'exclusion, et à la difficulté croissante à réparer le monde.

Écrit par : Otir | 22/12/2007

Ahh, c'est sûr, l'histoire n'est pas très drôle!
Mais il faut savoir lire au delà des "habits" du conte.

Sinon, il existe une fin alternative ou un beau jeune homme au regard de braise (en fait un prince) lui achète sa dernière allumette, se consume d'amour pour elle, et l'emmène dans son beau château chauffé grâce à une pompe à chaleur, afin de l'épouser (avant une nuit de noce qui s'annonce torride).

Écrit par : lawrence | 22/12/2007

ça se passe à Disneyland cette version-là?

Écrit par : Pat la Fourmi | 22/12/2007

J'préfère la version où elle meurt pas de froid mais qu'elle rentre chez son père sans argent et avec un paquet d'allumettes vide...

Sérieusement, ce compte est à la foid beau et horrible, mais surtout horrible.

Écrit par : Niluje | 22/12/2007

>Niluje: Beaucoup de contes sont horribles et cruels. Pense au "Petit Poucet" ou l'ogre ivre égorge ses 7 petites filles!

Écrit par : lawrence | 22/12/2007

Sept millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté (817 euros par mois) en France en 2007 dont près de deux millions d'enfants.
Bonnes fêtes de fin d'année.

Écrit par : Guillaume | 22/12/2007

>Guillaume: on a les mêmes préoccupations.
Bonne année à toi aussi.

Écrit par : lawrence | 22/12/2007

Bonnes fêtes de fin d'année à vous tous.

Écrit par : mdm | 22/12/2007

Ben moi je préfère la version de Terry Pratchett... Celle où la Mort remplace le Père Porcher et ramasse la petite fille avant qu'elle meure pour l'emmener dans un endroit chaud. Ce conte fait partie des histoires qui m'ont marquée quand j'étais petite, tellement il est atroce. Mais je pense moi aussi qu'il fait partie de l'esprit de Noël, ça fait réfléchir au milieu de cette débauche de consommation...

Bonnes fêtes à toi et à ta famille, et meilleurs voeux pour une belle nouvelle année!

Écrit par : Hérisson | 23/12/2007

Les commentaires sont fermés.