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17/01/2008
Le retour au bled.
Le retour au bled (bilad) de mes patients maghrébins est toujours un peu angoissante pour moi.
Quand je dis bled, je pense aux petits villages reculés, mais aussi aux grandes villes : Alger, Oran, Constantine, Tunis, Sfax, Casablanca, Marrakech… Le danger se trouve aussi bien dans les villes, que dans les champs.
Le patient cardiaque, littéralement tiré par la manche d’amis en amis, de cousins en cousins, passe son séjour à banqueter, ripailler, et parfois oublier la dure réalité de la maladie.
Vous savez ce que c’est, loin du toubib (طبيب , tubiib) loin du cœur…
D’un côté, c’est bien, mais d’un autre, se goinfrer de délicieuses sucreries (as-sukkr) pour un coronarien dyslipidémique et diabétique, ou de sel pour un insuffisant cardiaque à une tablée où le café (kawa, qahwa) coule à flots continus peut avoir des conséquences non négligeables.
Et que dire du séjour qui devait durer 2 semaines, et qui se prolongea plusieurs mois ? Une fois le stock de médicaments épuisé, notre cigale se trouva bien dépourvue quand « labess moins bien » fut venu.
Le réseau de soin au Maghreb, surtout en Algérie, semble-t-il, (tu confirmes, Kropo ?) est parfois plus erratique que chez nous. D’où, parfois des situations difficiles.
Que faut-il faire ?
Je l’avoue, j’infantilise comme une maman qui envoie son enfant pour la première fois en colo. Je répète 10 fois mes conseils de prudence au patient et à sa famille, je leur fais apprendre l’ordonnance par cœur, avec interrogation surprise parfois : « Combien de Plavix ? Quand prendre le Lasilix ? Un makrout ou une orange (narandj) et un abricot (al-barkuk) ? ». Mais bon, vous savez aussi bien que moi ce que c'est, les klebs (kalb) aboient mais la caravane passe quand même. Le chiffre zéro (as-sifr pour les deux) n'existe pas en matière de risque.
J’essaye d’adapter l’ordonnance en prescrivant des molécules que je sais être disponibles là-bas. Dans ces cas, j’utilise pas mal le captopril qui est ubiquitaire (mes quelques rares essais avec le ramipril ont été aussi assez concluants).
Ca tombe bien, vous le savez, en général je ne suis pas un adepte « de la dernière nouveauté qui va fondamentalement révolutionner le traitement de telle ou telle pathologie ».
Je l’avoue, depuis quelques temps, je me fais dédommager mes angoisses.
Je demande aux patients que je connais bien de me ramener des fruits secs, notamment des dattes du bled.
Celui qui n’a pas goûté des dattes directement descendues de l’arbre, du séchoir puis de l’avion ne sait pas ce qu’est une datte.
Caton s’est servi de figues fraîches cueillies trois jours avant en Lybie devant le Sénat Romain pour faire raser Carthage, moi je me sers de dattes (algériennes dans ce cas particulier) pour apaiser mes inquiétudes.
La semaine dernière, j’en ai mangé quasiment 1Kg à moi tout seul en 48 heures (moins quelques dattes pour les infirmières et mon épouse).
"Quand est-ce que vous repartez ?
Ah, dans si longtemps !?"
Je ne suis pas un assassin (hachchachi, mais c'est discuté), juste gourmand!
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Merci à Wikipedia (comme d’habitude).
Merci à Projet Babel.
Merci à Plutarque.
Merci aux arabes pour tout ce qu’ils nous ont apporté.
Merci à mes patients pour les dattes.
10:30 Publié dans Des patients... | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
Oui, il faut toujours prendre dattes avec ses patients chroniques-
Écrit par : anita-(nostalgique) | 17/01/2008
Waaaaaaaaa ! Magnifique celle la.
Écrit par : Niluje | 17/01/2008
pour les IEC la plupart sont disponible chez nous à ALGER et en ALGERIE j'imagine:
lopril enalapril perindopril ( sous la denomination de COVERSYL) ramipril quinapril
les AA2 le sont aussi ( valsartan 80 et 160 irbesartan 150 et 300 candesartan 4 et 8 mg et le losartan)
statins disponibles chez nous: fluvastatine atorvastatine et zocor ; la pravastatine nest pas disponible helas
beta-bloqueurs: avlo ; atenolol metoprolol acebutolol bisoprolol (detensiel) carvedilol (introuvable depuis 1mois)
Écrit par : kaddourkardio | 18/01/2008
de temps en temps avec le patient on téléphone au pharmacien du bled pour voir ses dispos et les prévisionnels,de fait les retraités partent avec des stocks et ont la consigne formelle de prévoir bien à l'avance le retour ..;en cas de sevrage on voit réapparaitre l'histoire naturelle des maladies du genre diabètique insuffisant cardiaque à plus 15 kg avec une glycémie à 4 gr ce qui en général me rassure sur la solidité de l'espèce,sans mécréantiser pire que le retour au pays le grand pélérinage est une épreuve très dure : ceux qui font le bilan de départ repartent avec le le rendez vous de bilan de retour !
le vieux cardiologue surmené est menaçé par l'Inflation Pondérale Progressive donc après avoir arrosé les voisins il me reste 3 kg de dattes dans le frigo je pense que je vais passer à la distillation !
Écrit par : doudou | 18/01/2008
>kaddourkardio: merci+++
Écrit par : lawrence | 19/01/2008
Que c'est beau, que c'est bon !
Écrit par : gazelle | 19/01/2008
Miam, ça me donne faim !!!
Écrit par : Coryse | 19/01/2008
Les commentaires sont fermés.