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12/02/2008

La dissection.

Relève en début de garde de réanimation de chirurgie cardiaque, il y a quelques semaines.

 

Le dernier patient nous regarde d’un œil morne, avec un langage borgne et un bras gauche paralysé. Il s’en sort bien, selon le médecin qui me fait la relève.

Il est en effet à j3-j4 d’une d’intervention qui a duré 9 heures.

Le médecin qui me fait la relève et le chirurgien qui l’a opéré et qui passait par là sont tout farauds de sa prise en charge. Ce dernier ne résiste pas à l'envie de me faire un petit dessin de son exploit (les chirurgiens adorent faire de petits crobards pour aider à notre compréhension, souvent plus lente).

Ce chirurgien a donc repoussé de ses petits bras musclés les limites de la chirurgie cardiaque en réopérant ce patient pour une récidive de dissection aortique, 9 mois après la première.

Il y a 9 mois, donc, dissection aortique de type Stanford A. Un premier chirurgien décide d’innover en utilisant une technique mixte (endoprothèse + réimplantation des trons supra aortiques). Je ne détaille pas, mais ce type de prise en charge est assez à la mode en ce moment.

Le problème est que cette technique ne protège pas des récidives en amont. Et c’est ce qui est donc arrivé.

Un second chirurgien, de la même équipe, arrive donc à la rescousse et bataille 9 heures durant contre la dissection et l’endoprothèse au beau milieu.

 

En les voyant tous les deux si fiers (pour le second, chirurgien, il avait quand même de bonnes raisons), je me suis demandé si une prise en charge classique n’aurait pas résolu définitivement le problème il y a 9 mois.

Une prise en charge bien codifiée, et dont la réalisation a fait d’immenses progrès depuis l’époque où j’ai débuté mon internat. Qui plus est, ces techniques « classiques » restent à ma connaissance le traitement de référence de la dissection aortique de type A.

 

Evidemment, le progrès médical passe par des médecins novateurs qui savent tourner le dos à une technique établie afin d’en développer une autre, qui deviendra elle-même une technique de référence en cas de succès.

Depuis tout temps, donc, les médecins sacrifient une poignée de patients sur l’autel de la déesse du progrès médical. Ce doit être un héritage du minotaure. C’est comme cela, et sauf évolution biotechnologique majeure, il en sera toujours ainsi.

Certains patients en stade terminal, et pour qui la médecine éprouvée ne peut plus rien font la queue pour embarquer pour le palais de Minos. Cela, je le comprends parfaitement. Mais quand il existe un traitement curateur de référence ? Faut-il toujours innover ? Ou s’arrête la volonté inflexible de faire progresser la médecine, et ou débute l’orgueil ?

 

Ce soir, l’ubris de ces deux praticiens m’a retourné le cœur. Jamais ils n’ont remis en question leur prise en charge, jamais ils n’ont regardé leur patient avec compassion.

Peut-être que dans quelques années, l’avenir leur donnera raison, et que cette prise en charge deviendra la référence.

Mais alors leurs lauriers auront pour moi le goût de la cendre.

Peut-être que dans quelques années, l’avenir leur donnera tort. Ils ne se souviendront alors plus de ce patient, ou alors comme d’une bonne histoire de chasse.

21:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)

Commentaires

J'espére que vous conserverez toujours cet état d'esprit et ce recul par rapport à votre métier, j'ai en tout cas été heureux de vous lire.

Écrit par : aliscan | 12/02/2008

Petit "clavardage" bien disséqué.

Cela m'arrive parfois de dire à mes patients réticents : honnêtement, si vous étiez un membre de ma famille, je vous soignerai comme je vous le propose.

Pour les magistrats, il faut soigner en fonction des "données actuelles", n'être ni trop en retard ni trop en avance (sauf exception).

Si un correspondant me fait un coup pareil, j'en change.

Comment dit-on déjà ?

Quelle est la différence entre Dieu et un Chirurgien ?

Écrit par : Dr Sangsue | 13/02/2008

qu'en dit l'affssaps tout simplement?

Écrit par : johann | 13/02/2008

Merci pour ce commentaire . Combien d'ostéotomies tibiales et de suppressions de disque lombaire qui, il y a quelques dizaines n'étaient pas nécessaires ! Mais si l'on regarde avec assez de recul, il semble que les chirurgiens ont dans leur grande majorité adopté un bon principe : il vaut mieux une micro-intervention très précise et très ciblée qu'un grand chantier avec plein de matériel
Rodrigue

Écrit par : emin | 13/02/2008

pour la chir réglée le légal, réglementaire voire éthique est clair :information éclairée du patient sur les choix techniques,protocole scientifiquement validé ,gare à la sortie des clous ou bien protocole expérimental accepté par un comité d'éthique registre pour publication comme pour les endoprothèses aortiques abdominales;moralité il est très difficile d'imaginer des nouveautés en chir d'urgence
dans le cas présent très dubitatif,un de mes chirs préférés propose pour l'urgence le bentall moderne avec croisé à partir de la sous clavière gauche si le tabcd est intéressé le patch de l arche la nuit est à déconseiller ! sinon sans ubris pas pas de chirurgien ( ni de cardiologue ?)

Écrit par : doudou | 13/02/2008

Les commentaires sont fermés.