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19/04/2008
C’est byzantin ou Byzance ?
Source: Wikipedia
En fait, ça dépend de quel côté on se trouve.
Comme souvent, l’histoire racontée par AS Kesselheim et J Avorn dans un article très récent du NEJM, se déroule aux Etats-Unis.
Vous savez que la régulation fédérale américaine s’appliquant sur les publicités des médicaments est moins restrictive qu’en Europe. Ainsi, la publicité directe aux consommateurs est autorisée (comme en Nouvelle-Zélande, d’ailleurs).
Parmi les conséquences, des prescriptions proportionnelles à l’agressivité commerciale des laboratoires, et non à l’efficacité de la molécule concernée.
Ainsi, l’ézétimibe, qui n’a toujours pas démontré d’efficacité clinique 6 ans après son autorisation par la FDA, et qui n’est pas recommandée en première ligne ni par cette dernière, ni par l’autorité canadienne de régulation atteint en 2006 15.2% des ventes d’hypocholestérolémiants aux EU, contre 3.4% au Canada.
Source: NEJM (2)
Les auteurs de l’article « Use of Ezetimibe in the United States and Canada » citent comme cause probable de cette différence les campagnes publicitaires DTC (« Direct To Consumer ») dont le coût s'est monté à près de 200 millions de dollars US en 2007 pour la seule spécialité Vytorin (son « co-marketing » étant le Zetia). Les autres causes citées sont un délai d’acceptation du dossier d’AMM plus important au Canada, et une pression plus importante des autorités sanitaires sur les praticiens.
Autre étude, autre coïncidence troublante.
Un article de Archives of Internal Medicine s’est intéressée aux prescriptions « hors AMM » aux Etats-Unis.
Il ressort que 21% des prescriptions se font hors AMM à partir des données de 2001, tirées du « National Disease and Therapeutic Index ».
Sur ces 21% de prescriptions hors AMM, 73% ont peu ou pas de justification scientifique.
La palme de la prescription hors AMM en 2001 revient à la gabapentine (83% des prescriptions), alors que justement, le laboratoire qui commercialise cette molécule sera condamné quelques années plus tard, en mai 2004, à payer 430 millions de dollars d’amende au gouvernement fédéral pour « promotion hors AMM ».
Comme quoi, quand on fait de la publicité, les médecins, comme leurs patients, se font influencer. Et cela, bien souvent, indépendamment de toute justification scientifique.
Mais cette régulation est encore trop sévère pour certains qui y voient une restriction au premier amendement de la constitution américaine: « Congress shall make no law . . . abridging the freedom of speech ».
Donc, contrôler la publicité sur les produits pharmaceutiques s’apparenterait à brider la liberté d’expression…
Cela peut paraître totalement fou, mais dans certains cas, cette restriction de la régulation pourrait bien s’appliquer. Ce serait Byzance pour l’industrie pharmaceutique !
Je ne suis pas juriste, et l’article du NEJM (1) est un poil trop technique pour mon anglais, mais pour vous donner une idée des débats juridiques byzantins que cela peut donner, voici un petit schéma qui peut permettre de savoir si une publicité viole ou non le premier amendement :
Le "Central Hudson test" est en fait tiré d'une jurisprudence (Central Hudson Gas & Electric Corp. v. Public Service Commission of New York).
On se croirait en plein dans une série judiciaire américaine...
J’espère bien que la publicité « DTC » ne sera jamais autorisée en Europe.
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(1) Kesselheim AS, Avorn J. Pharmaceutical promotion to physicians and first amendment rights. N Engl J Med. 2008 Apr 17;358(16):1727-32.
(2). Jackevicius CA, Tu JV, Ross JS, Ko DT, Krumholz HM. Use of Ezetimibe in the United States and Canada. N Engl J Med. 2008 Mar 30 (DOI: 10.1056/NEJMsa0801461), in Print April 24, 2008
(3). Radley DC, Finkelstein SN, Stafford RS. Off-label prescribing among office-based physicians. Arch Intern Med. 2006 May 8;166(9):1021-6.
23:27 Publié dans Prescrire en conscience | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
La DTC sera autorisé un jour en europe. C'est inéductable. L'automédication est promu pour faire diminuer les couts de temps docteur. Il existe dejà de la DTC. Il faut bien que les patients ou plutôt les consommateurs soient informés des derniers progrès de la recherche en homéopathie et autres sciences du rhume. Il y aura de plus en plus de médicaments distribué sans ordonnance donc il faudra bien que les cibles soient atteintes. Internet sera un outil extraordinaire de ce marketing. L'utilisation du marketing viral existe déjà. Les sites dit d'information, les programmes d'aides développé pour les patients sont la première étape de la DTC.
Ensuite il y a des arguments économiques. Il faut que ce fleuron de l'industrie occidentale prospére et croisse. Le modèle de recherche de nouvelles molécules est exangue. Il faut bien développer des niches de croissance et le publicité directe en est un.
Il semble que le lobbying au niveau européen est intense.
Il faudra avoir les reins solides pour refuser de prescrire la molécule vue à la télé en expliquant qu'elle n'a pas fait la preuve de son efficacité, mais qu'elle a pu être mis sur le marché.
Je pense que dans les facultés, il va falloir développer un enseignement pour donner les skills pour lutter contre le matraquage publicitaire.
Bon courage.
Joli blog
Écrit par : stephane | 20/04/2008
http://fr.wikipedia.org/wiki/DTC
DTC, c'est le cas de le dire...
Écrit par : yann | 21/04/2008
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