Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Encore une dernière... | Page d'accueil | Rikki-tikki-tavi (2) »

19/05/2008

Rikki-tikki-tavi (1)

L' Œil Rouge à la Peau-Ridée

  Au trou devant lui dardée,  
  L'Œil Rouge a crié très fort :  
  Viens danser avec la mort !  
     
  Œil à œil, en tête à tête !  
  (En mesure, Nag !)  
  L'un mort, finira la fête !  
  (À ta guise, Nag !)  
  Tour pour tour, et bond pour bond !  
  (Cours, cache-toi, Nag !)  
  Manqué ! mort à Chaperon !  
  (Malheur à toi, Nag !)  

* * *

Ceci est l'histoire de la grande guerre que Rikki-tikki-tavi livra tout seul dans les salles de bains du grand bungalow, au cantonnement de Segowlee. Darzee, l'oiseau-tailleur, l'aida et Chuchundra, le rat musqué, qui n'ose jamais marcher au milieu du plancher, mais se glisse toujours le long du mur, lui donna un avis ; mais Rikki-tikki fit la vraie besogne.

C'était une mangouste. Il rappelait assez un petit chat par la fourrure et la queue, mais plutôt une belette par la tête et les habitudes. Ses yeux étaient roses comme le bout de son nez affairé ; il pouvait se gratter partout où il lui plaisait, avec n'importe quelle patte de devant ou de derrière, à son choix ; il pouvait gonfler sa queue au point de la faire ressembler à un goupillon pour nettoyer les bouteilles, et son cri de guerre, lorsqu'il louvoyait à travers l'herbe longue, était : Rikk-tikk-tikki-tikki-tchk !

Un jour, les hautes eaux d'été l'entraînèrent hors du terrier où il vivait avec son père et sa mère, et l'emportèrent, battant des pattes et gloussant, le long d'un fossé qui bordait une route. Il trouva là une petite touffe d'herbe qui flottait, et s'y cramponna jusqu'à ce qu'il perdît le sentiment. Quand il revint à la vie, il gisait au chaud soleil, au milieu d'une allée de jardin, très mal en point, il est vrai, tandis qu'un petit garçon disait :

— Tiens, une mangouste morte. Faisons-lui un enterrement.

— Non, dit la mère, prenons-le pour le sécher. Peut-être n'est-il pas mort pour de bon.

Ils l'emportèrent dans la maison, où un homme le prit entre le pouce et l'index, et affirma qu'il n'était pas mort, mais seulement à moitié suffoqué ; alors ils l'enveloppèrent dans du coton, l'exposèrent à la chaleur d'un feu doux, et… Rikki-tikki ouvrit les yeux et éternua.

— Maintenant, dit l'homme (un Anglais qui venait justement de s'installer dans le bungalow), ne l'effrayez pas, et nous allons voir ce qu'il va faire.

C'est la chose la plus difficile du monde que d'effrayer une mangouste, parce que, de la tête à la queue, leur race est dévorée de curiosité. La devise de toute la famille est : « Cherche et trouve », et Rikki-tikki était une vraie mangouste. Il regarda la bourre de coton, décida que ce n'était pas bon à manger, courut tout autour de la table, s'assit, remit sa fourrure en ordre, se gratta et sauta sur l'épaule du petit garçon.

— N'aie pas peur, Teddy, dit son père. C'est sa manière d'entrer en amitié.

— Ouch ! Il me chatouille sous le menton, dit Teddy.

Rikki-tikki plongea son regard entre le col et le cou du petit garçon, flaira son oreille, et descendit sur le plancher, où il s'assit en se grattant le nez.

— Seigneur, dit la mère de Teddy, et c'est cela qu'on appelle une bête sauvage ! Je suppose que si elle est à ce point apprivoisée, c'est que nous avons été bons pour elle.

— Toutes les mangoustes sont comme cela, dit son mari. Si Teddy ne lui tire pas la queue ou n'essaie pas de le mettre en cage, il courra par la maison toute la journée. Donnons-lui quelque chose à manger.

Ils lui donnèrent un petit morceau de viande crue. Rikki-tikki trouva cela excellent, et, quand il eut fini, il sortit sous la véranda, s'assit au soleil, et fit bouffer sa fourrure pour la sécher jusqu'aux racines. Puis, il se sentit mieux.

— Il y a plus à découvrir dans cette maison, se dit-il, que tous les gens de ma famille n'en découvriraient pendant toute leur vie. Je resterai, certes, et trouverai.

Il employa tout le jour à parcourir la maison. Il se noya presque dans les tubs, mit son nez dans l'encre sur un bureau et le brûla au bout du cigare de l'homme en grimpant sur ses genoux pour voir comment on s'y prenait pour écrire. À la tombée de la nuit, il courut dans la chambre de Teddy pour regarder comment on allumait les lampes à pétrole ; et, quand Teddy se mit au lit, Rikki-tikki y grimpa aussi. Mais c'était un compagnon agité, parce qu'il lui fallait, toute la nuit, se lever pour répondre à chaque bruit et en trouver la cause. La mère et le père de Teddy vinrent jeter un dernier coup d'œil sur leur petit garçon, et trouvèrent Rikki-tikki tout éveillé sur l'oreiller.

— Je n'aime pas cela, dit la mère de Teddy ; il pourrait mordre l'enfant.

— Il ne fera rien de pareil, dit le père. Teddy est plus en sûreté avec cette petite bête qu'avec un dogue pour le garder… Si un serpent entrait dans la chambre maintenant…

Mais la mère de Teddy ne voulait même songer à de pareilles horreurs.

 

(A suivre…)

Le livre de la Jungle 1894

Rudyard Kipling.

08:00 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Ahhh le livre de la jungle. Que de souvenir ;)

Écrit par : jocelyncharles | 20/05/2008

Les commentaires sont fermés.