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09/07/2008
La cardio, c’est du chinois.
Je vois un patient en pré-opératoire d’une chirurgie de cancer ORL.
La lettre de l’externe est succincte, non informative, pour tout dire.
Le patient, qui vient de sortir du bloc après une laryngoscopie est lui aussi peu informatif.
J’arrive à glaner les informations suivantes : 60 ans, gros tabagique, pontage aorto-bifémoral, et il aurait passé une scintigraphie myocardique récente.
Plein d’espoir, j’appelle le service pour avoir un médecin qui connaisse le patient.
Je suis exaucé au-delà de mes désirs les plus fous, on me passe carrément le chef du pôle d’ORL, dont c’est justement le patient.
« Bonjour Monsieur, je suis cardiologue et je vois en consultation M. X. Je voudrais avoir quelques informations complémentaires, notamment sur une scintigraphie myocardique qu’il aurait passé récemment.
- Bonjour, je ne peux pas vous répondre comme ça. Vous savez, je suis ORL, et la cardio, c’est du chinois. Un peu comme une épistaxis pour vous.
- Exact, tout ce qui ne concerne pas le cœur…
- Vous savez ce que vous devriez faire, appeler la surveillante de mon service.
- En effet. Vous pensez qu’elle trouvera l’information dans le dossier médical ?
- Mais le dossier est vide ! Il n’y a que de l’ORL !
- D’accord, merci beaucoup, je vais voir ce que je peux faire »
Très gentil, mais aussi informatif que son externe !
Je ne le critique même pas, nous nous réfléchissons l'un dans l'autre. Nous sommes des spécialistes.
Je suis content de ne pas fumer, de ne pas avoir de cancer ORL et d'être du bon coté du bureau.
L’hyperspécialisation au CHU où parfois personne n’est là pour faire la synthèse, en dehors des anesthésistes dans les services de chirurgie, et de quelques esclaves dont les chefs de service détiennent les passeports est exactement la caricature de ce qui menace la pratique de ville.
Trop de spécialistes, trop de spécialisation tuent la médecine (et le patient).
Je vous suggère la lecture de quelques notes récentes du toubib qui revient souvent sur ce problème délicat, et que personne ne semble enclin à résoudre.
Par exemple :
Du rêve et de la réalité (avec un soupçon d’autopromotion en plus)
Et bien d’autres, encore...
(Toubib, si tu as d'autres notes pertinentes, n'hésite pas à les mettre en commentaire)
19:13 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
dans un de mes établissements préférés, la moutarde nous étant définitivement monté au nez,nous contre indiquons les malades pour défaut d'information ou à la rigueur nous concluons l'observation pré opératoire les jours de bonne humeur comme ceci :absence de conclusion possible ,rapport bénéfice risque laissé en totalité à l'appréciation de l'opérateur !
au bout de six mois la moitié des chirurgiens sont réglo, les autres ont été renvoyés aux textes de notre collègue Gaultier du Sou Médical
dans le public les anesthésistes jouent eux meme à la chasse aux contre indications pour sauvegarder leurs 35 heures...
Écrit par : doudou | 09/07/2008
Il connait ses limites, c'est bien. Il se souvient que le coeur c'est le cardiologue, c'est bien. Il n'y a pas longtemps on m'a reproché de dire, qu'il fallait être médecin avant d'être spécialiste, je persiste et signe.
Écrit par : stephane | 09/07/2008
D'accord avec toi, Dieu (expression purement rhétorique) qu'il y a d'espace vide entre nos différentes limites!
Écrit par : lawrence | 09/07/2008
hummm...... non, finalement ça ne m'amuse même plus
Écrit par : Kropotkine | 10/07/2008
Et le médecin généraliste ? Il sert à quoi ? Celui qui sait à la fois ce qu'épistaxis et myocarde veulent dire.
Eh, oui ça existe des génies qui savent tout.
Si mon fils n'arrive pas à être généraliste, il sera hospitalo-universitaire. Le pauvre.
Écrit par : julien bezolles | 11/07/2008
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