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27/04/2007

Un train peut en cacher un autre.

Il y a un mois environ, nous avons récupéré une dame de 80 ans environ, dans les suites d’un infarctus antérieur revascularisé tardivement. La fraction d’éjection à la sortie de l’Hôpital est à 35-40%.

Dès les premiers jours, elle développe un syndrome anxiodépressif majeur. Le neuropsychiatre passe et prescrit des anxiolytiques que l’on doit arrêter quatre jours plus tard pour une somnolence importante.

Elle se laisse glisser, demande à voir une psychologue, ce qui n’est pas simple chez nous.

Les deux filles s’en mêlent. Elles sont très demandeuses, très agressives, et remettent sans cesse en cause les soins médicaux et para-médicaux.

Les relations sont assez tendues.

Après l’arrêt des anxiolytiques, elle présente de drôles de symptômes qui nous semblent « fonctionnels » : douleurs multiples et non systématisées, asthénie intense, parfois des hallucinations.

Le personnel para-médical (et nous aussi) la jugeons « folle ».

« Elle est folle » résume en général la relève de la nuit.

Les médecins de garde sont quasiment appelés chaque nuit, et nous, chaque jour. On lui fait des dizaines d’ECG, qui sont tous identiques.

On explique longuement à sa famille que ses symptômes sont dûs à l’angoisse, qu’elle devra avoir un suivi psy en externe…

L’examen clinique est sans grande particularité.

Puis, insensiblement, ses symptômes prennent une allure un peu plus « cardiaque » avec notamment une dyspnée de décubitus.

Elle est toujours angoissée et déprimée, et ses filles demandent à voir la direction.

Finalement, devant l’installation de cette dyspnée, on demande une échographie cardiaque.

C’est moi qui m’en suis chargé hier.

En l’allongeant, elle me fait une « scène » de dyspnée aiguë qui régresse spontanément au bout de quelques secondes. Elle s’allonge finalement, sans être trop gênée.

Je suis perplexe.

L’échographie est catastrophique : fraction d’éjection à 15-20% avec un énorme anévrysme antérieur. J’ai augmenté les doses de diurétiques.

Demain, on la transférera en réanimation cardiaque pour une cure de dobutamine qui retardera peut-être l’échéance. Je suis certain que la messe est dite depuis longtemps et que si nous nous étions réveillés avant, son pronostic aurait été le même. Mais au moins, nous l’aurions transférée bien avant.

Pourquoi une telle erreur de jugement de la part d’une tripotée de praticiens pourtant expérimentés ?

  • Un faux sentiment de sécurité de départ avec une fraction d’éjection abaissée, mais pas tant que cela. Nous l’avons sous estimée dès le début (on ne refait pas systématiquement les examens qui viennent d’être faits à l’Hôpital).

     

  • Le caractère atypique des symptômes, « noyés » dans un contexte neuropsychiatrique riche. Mais a posteriori, n’était-ce pas du bas débit ? On oublie souvent que l’insuffisance cardiaque peut prendre des aspects très particuliers chez le sujet âgé (asthénie, syndrome de glissement, voire véritable démence).

     

  • Une famille agressive et opposante qui n’attirait pas du tout l’empathie. Elle était souvent présente, et nous n’avions alors qu’une seule idée, sortir de la chambre. Et quand nous y restions, c’était pour pinailler sur des détails et des explications incessantes avec ses filles. En définitive, nous nous occupions plus des filles que de la malade. Dans mon esprit, nous n’avons jamais pu travailler assez sereinement pour nous poser les bonnes questions. Par ailleurs, les symptômes maternels se multipliaient considérablement lorsque ses filles étaient présentes. Ce qui nous confortait dans la croyance que ses symptômes étaient fonctionnels. Ce n’est que depuis quelques jours que ces derniers surviennent aussi en dehors des visites, notamment la nuit. Un minimum d’attachement est nécessaire pour soigner, et cette dame et ses filles étaient  une épine dans notre chair.

     

  • Enfin, un détail trivial, dont j’ai déjà parlé une fois. Elle a un épanchement pleural bilatéral qui masque l’auscultation des crépitants. Une diminution du murmure vésiculaire aux bases peut parfois être difficile à distinguer, même s’il n’est pas très difficile de faire le diagnostic : un coup de « 33 » suffit. Mais encore une fois, nous n’avons pas su travailler sereinement.

     

Conclusion du « vieux » cardiologue de l’équipe devant l’ampleur de notre aveuglement ce matin : « C’est sa famille qui l’a tuée ». Certes, mais je n’en suis pourtant pas totalement certain. Nous sommes tous responsables.

Fatigué... (suite)


A. Bylsma 

M. Rostropovitch (paix à son âme)
 

M. Maisky


Yo-Yo Ma 

26/04/2007

Fatigué...

Des patients particulièrement lourds, des familles agressives, des con-frères, de grosses journées (8h-20h presque tous les jours, en ce moment. Parfois 8h-8h en cas de garde), une pression administrative et paperassière pesante, et enfin un grand besoin de vacances, heureusement qu’il y a ça en fin de journée: