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11/10/2007

Le dire, ou pas.

Faut-il dire à un patient qui vient de faire son premier syndrome coronarien aigu que cela risque de se reproduire ?

En théorie, cela ne se discute pas, c’est oui.

Pour agir rapidement en cas de nouveaux symptômes, pour que le suivi soit optimal, c’est à dire poursuivi même si tout va bien, et aussi pour que le patient soit à même de comprendre sa pathologie, la réponse est définitivement oui.

Alors, pourquoi personne ne le fait en hôpital ou en clinique ? Pourquoi personne n’éclaire le patient sur sa pathologie ?

Pourquoi personne ne leur dit que la coronaropathie est une maladie chronique avec des phases aiguës et non une maladie aiguë qui ne reproduira plus jamais, comme la rougeole ?

En général, quand je les vois en clinique en réadaptation après la phase aiguë, je suis le seul à leur parler d’une éventualité de récidive (je fais un syndrome de Calimero). Donc assez souvent, je me retrouve à aborder ce sujet en parlant aux patients lorsque je les mets en garde en cas de récidives de douleurs… Et assez souvent, il faut bien le dire, ils tombent de très très haut, puisque personne ne leur a dit que ça pouvait recommencer.

Pensez donc, j’ai un ressort, ça ne peut pas se reboucher…

Je me suis donc fait la réputation d’être le Dr House de service. Pour plaisanter, les infirmières prennent la grosse voix quand j’arrive et disent la phrase supposée être mon leitmotiv : « Madame/Monsieur, vous allez mourir… ».  

Aujourd’hui, ça a été le pompon.

Je discute avec une famille en l’absence de la patiente. Je leur explique les signes d’alerte qui doivent faire appeler le SAMU.

La patiente déboule dans sa chambre un peu plus tard puis me rejoint avec sa fille. Elle me joue la grande scène de l’acte I en me clamant que si ça devait recommencer, elle aurait plutôt préféré mourir de son infarctus, que je l’avais inquiétée…

Après, je n’est pas été très fin, je l’avoue…

Je lui ai dit que j’avais dit des bêtises, qu’elle devait m’excuser, qu’elle était en fait immortelle grâce aux stents et qu’elle mourrait au delà des 130 ans, par lassitude. Elle est repartie dans sa chambre comme une diva. Sa fille m’a dit que j’avais bien fait de lui mettre les points sur les i. Malheureusement, j’ai payé ma franchise car elle a fait durant toute l’après midi une grosse crise d’angoisse avec douleurs précordiales, sueurs et tension artérielle systolique à 240. Je suis allé la voir pour la rassurer.

Elle m’a alors dit « qu’elle ne m’en voulait pas, et que je n’aurais pas du lui raconter tout ça car elle était consciente de son état ». J'ai trouvé ce "pardon" stupéfiant, mais je n’ai préféré rien dire et j'ai calmé sa crise par un cocktail atarax+loxen.

Bilan des courses : une patiente au fond du lit, 1 heure de perdue et une réputation de Dr House au plus haut.

Tout va bien…

°0°0°0°0°0°0°0°

Petit ajout : aujourd’hui, je n’étais peut-être finalement pas en grande forme.

Un couple, la quarantaine, est venu me voir à peu près au même moment.

Monsieur a fait un infarctus. Et ils sont très inquiets tous les deux.

Devant pas mal de  monde, c’est à dire l’aide soignante et l’infirmière, Madame évoque d’emblée sa vie intime, en précisant que personne ne leur avait parlé de ça avant.

Sexe en post infarctus, problème délicat.

J’ai un peu traité le sujet à la hussarde.

Me tournant vers Monsieur : « vous faîtes du vélo en rééducation ? ».

Monsieur : « 20 minutes, deux fois par jour ».

Me tournant vers Madame : « Et bien, c’est pareil. Donc vous pouvez avoir une activité sexuelle ! ».

Ils ont alors rigolé.

J'ai alors fugitivement pensé à ce célèbre toast des Hussards : « A nos chevaux, à nos femmes, et à ceux qui les montent ! »

20:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (14)

Les meilleurs chirurgiens savent ne pas opérer.

Je suis depuis 2004 une patiente diabétique et polyvasculaire de 78 ans.

Quand on s’est connus, j’avais fait dilater son artère iliaque externe droite pour une claudication intermittente.

Depuis lors, elle cavale en ville et mes contrôles döppler sont satisfaisants.

 

Au cours de l’été, elle se plaint soudain d’une claudication intermittente assez serrée (stade de Leriche IIb).

Je fais un döppler : occlusion de la fémorale superficielle droite avec une mauvaise reprise poplitée et sténose serrée de la fémorale superficielle gauche distale. Les IPS sont à 0.6 au repos.

Je documente le tout en vue d’une intervention (examen fonctionnel des coronaires parfait, test de marche confirmant la sévérité des symptômes, döppler TSAO satisfaisant, bilan biologique satisfaisant) et je l’envoie à un PH de chirurgie vasculaire que je connais bien (je fais des döpplers dans le service).

J’avoue que la perspective d’une intervention ne m’enchantait pas, mais son périmètre de marche était vraiment serré.

Puis de façon assez inattendue, elle se remet progressivement à trottiner comme avant.

Je maintiens le rendez-vous pour voir ce que le chirurgien va en penser.

Elle y va, et il opte pour la poursuite du traitement médical, et une réévaluation dans 3 mois.

Son idée est qu’elle ouvre progressivement ses collatérales, et que son artériopathie se compense doucement. Etant donné son âge et ses co-morbidités (qui ne sont pas majeures, toutefois), il préfère surseoir à l’intervention.

J’applaudis des deux mains, mais c’est vrai que c’est difficile de le faire avec une seule…

 

Je l’ai revue en consultation lundi dernier, tout va bien.

 

Je me suis alors demandé combien de chirurgiens auraient opté pour cette prise en charge non invasive.

Probablement assez peu, et encore moins dans le privé.

Je ne diffame pas, je le constate tous les jours à l’hôpital et en clinique. Je n’ai aucun parti pris, je travaille dans les deux secteurs, bien que par mon éducation, je sois très attaché au service public. J’envoie donc mes patients indifféremment en clinique ou à l’hôpital en fonction de leurs désirs et de ce que je sais de leur prise en charge future.

A l’hôpital, je suis certain que le côté financier ne rentrera pas en compte, et que le patient sera « cadré » (parfois un peu trop, pour faire de la « science »…) mais par contre le service public n’arrive pas à la plante des pieds du privé pour son efficacité et l’hôtellerie. C’est un peu caricatural, il y a pas mal d’exceptions mais c’est quand même un peu ça.

 

Combien de fois j’ai vu/je vois des chirurgiens ou des cardiologues interventionnels (privés et publics) faire un acte, au « mieux » pour faire plaisir au correspondant ou faire de la science, au pire pour leur enrichissement personnel ?

 

Le choix d’un cardiologue traitant doit aussi se faire en fonction des gens avec qui il travaille.

C’est même presque le critère plus important.

10:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (1)

Leuchonychie.

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 Cliché tiré du site du NEJM

 

Hier j’ai reçu un patient assez jeune (45-50 ans) dans les suites d’une nième poussée d’insuffisance cardiaque. Il est porteur d’une cardiopathie ischémique sévère avec une fraction d’éjection qui doit être aux environs de 20%. Il est d’ailleurs en évaluation pour l’inscrire en liste d’attente pour une transplantation cardiaque.

 

Je l’avais déjà vu en mai dernier pour une autre décompensation.

 

Mais cette fois-ci, j’ai remarqué ses ongles totalement blancs.

Depuis que je m’étais fait avoir par le quizz du NEJM, je sais que la leuchonychie totale peut être un signe d’insuffisance cardiaque.

Ce signe d’est pas pathognomonique, on peut aussi le voir dans d’autres désordres (insuffisance hépato cellulaire, insuffisance rénale, diabète, hypoalbuminémie chronique, lymphome de Hodgkin).

Ce n’est pas que cela change quoique ce soit, mais enfin, j’étais assez content de le remarquer hier (je commence à avoir quelques connaissances dignes du Dr. House, en plus d’avoir son caractère).

 

Par contre, au cours de l’entretien, j’ai été étonné de constater qu’il n’avait strictement rien compris à sa maladie.

Lui a-t-on même expliquée ?

 

Il a pris 20 Kgs à domicile avant  d’être  tellement mal qu’il s’est retrouvé hémodiafiltré en réanimation.

Je lui explique alors la nécessité absolue de se peser chaque jour, et de consulter son cardiologue devant une prise de poids subite sur 24 à 72 heures.

Il me répond alors : « Pas de problème Doc, je me pèserai. Mais de toute façon ça n’arrivera plus jamais, je ferai attention ».

Je n’ai pas osé lui dire que je ne connaissais qu’une seule situation qui pourrait lui donner raison.

 

« Beati Pauperes Spiritu »

09:30 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (2)