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20/11/2007
Le nouveau code ADN: A, R, G, E, N, T.
Daneel Ariantho (à partir d’un article de TechCrunch) m’a signalé les activités d’une société commerciale qui analyse le génome humain pour la modique somme de 999$. Vous crachez dans un récipient approprié, et au bout de 4-6 semaines, on vous rend une sorte de carte génétique disponible sur leur site web avec des petites bandes vertes (les « bons » gènes) ou rouges (« les mauvais »). Les « mauvais » sont ceux que la littérature a associé à une fréquence statistiquement plus élevée de survenue de telle ou telle maladie. Cette start-up a, selon TechCrunch, été capitalisée à hauteur de 3.9 millions de dollars par Google en mai dernier.
Bon, évacuons tout d’abord la part subjective qui entoure la lecture du code ADN. On sait le lire, on le fait couramment dans les limites de la loi en France, et bien plus couramment ailleurs. La seule mention de l’acronyme ADN entraîne pourtant invariablement chez des commentateurs peu au courant (et se croyant l’être) l’évocation de tout un tas de références cinématographiques (de Frankenstein à Gattaca) qui leur donnent l’impression qu’ils dominent le sujet. C’est porteur et donc vendeur, mais pas plus consistant qu’un soufflé qui aurait trop traîné entre le four et la table familiale. On prête au génome une mystique qu’il n’a pas, mais ça fait vendre, alors on en rajoute.
Maintenant, réfléchissons à ce qu’apporte de test. Nous partirons du principe qu’il est « fiable », c'est-à-dire effectué dans des conditions optimales par des gens correctement formés.
Il peut vous dire si vous êtes plus à risque de développer par exemple une maladie « A », si vous êtes porteurs du gène « abc » qui sera scolairement colorié en rouge.
Bon, et alors ? Vous avez x % de plus de développer cette maladie. Et alors ? Qu’allez vous faire ? Courir chez votre médecin pour prévenir une maladie qui n’est pas encore arrivée ?
Vous allez me rétorquer : et le dépistage, c’est du flan ?
Non, mais le dépistage se fait sur une vaste population si possible à risque de quelque chose. Dans ce cas, le dépistage est validé et sous tendu par la loi du nombre.
Mais par contre, au niveau individuel, que vaut une étude sur 1 personne ?
Par ailleurs x % de plus est un chiffre relatif. Si le risque absolu d’avoir « A » est de 0.00000000000231 %, et que vous avez 50 % de risque de plus qu’un quidam d’avoir cette maladie, croyez moi, vous ne risquez pas grand-chose.
Vous allez aussi me rétorquer que des études avec des tas de patients ont montré que la présence d’« abc » augmentait le risque de « A ».
Certes, mais êtes-vous certains d’appartenir à ces groupes ? Etes-vous seulement représenté ?
Admettons que ce risque soit avéré. La question persiste : qu’allez vous faire ? Où pour être plus précis, qu’est-ce que votre médecin va faire ?
La maladie ainsi mise en lumière, « votre » maladie, est-elle seulement évitable ?
Imaginons que la maladie soit un infarctus du myocarde. Qu’allez vous faire de plus pour éviter la survenue d’un infarctus à part corriger des facteurs de risque (que vous avez probablement déjà traqué, étant donné que votre angoisse est telle que vous avez payé 999$ pour analyser votre ADN) ? Faire des coronarographies mensuelles, des épreuves d’effort hebdomadaires ? Inefficaces et non dénuées de risque. C’est la dure loi de la médecine, on diminue souvent un risque en en majorant un autre.
Donc ce test ADN est une aberration.
Maintenant, changeons de point de vue. J’ai parcouru le site web de cette société. Tous les arguments exposés (de manière très didactique) sont valables scientifiquement quand ils sont pris un à un. Le site interroge des médecins qui approuvent gravement chacun leur petite parcelle de vérité.
Ensuite, le site aboutit à partir de la somme de ces petites vérités à un grand mensonge : chacun d’entre nous se doit de faire son test ADN.
La perversité des hommes mués par l’appât du gain ne cessera jamais de m’étonner : établir du faux à partir du vrai. Ce modus operandi n’est pas nouveau, mais il y est porté à un niveau qui impose le respect.
A la fin de ma lecture, j’étais presque tenté de ma faire faire ce test. Heureusement, je me suis repris, et j’ai craché sur l’écran, et non dans le petit récipient approprié (j’aurais presque pu le faire, je suis de garde cette nuit).
Maintenant, changeons encore une fois de perspective.
Cette start-up est prometteuse en terme financier. La peur de la maladie et de la mort est une source d’énergie intarissable (contrairement aux énergies fossiles) pour la planche à billets de celui qui sait la canaliser. Que reste t-il pour gagner le gros lot : lui assurer une large diffusion sur le net, ou tous les inquiets du Monde passent leur temps à rechercher des informations sur leurs maladies actuelles et futures. D’ailleurs, petite remarque ancillaire : ce sont ceux qui n’utilisent pas internet par défaut d’infrastructure ou à cause de leur extrême dénuement qui bénéficieraient probablement le plus des informations médicales qui y sont collectées. Pas des occidentaux névrotiques suivis comme le lait sur le feu par un système de santé hyper perfectionné.
Le monde est mal fait, n’est-ce pas ?
Quel est le moteur de recherche le plus utilisé actuellement ?
Qui vient d’investir 3.9 millions de dollars dans cette start-up ?
Si vous ne savez pas que la réponse à ces deux questions est la même, c’est que vous habitez une caverne et que vous ne vous souvenez plus du début de ma note.
Par contre, comme vous pouvez le constater, dans le monde des affaires, là, les choses sont bien faites.
02:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (7)