02/07/2007
De garde en réa.
Qui plus est, au CHU, ça a quand même plus de gueule (en clinique, la semaine dernière, j’ai dormi de 21h30 à 7h00).
J’attends une thrombose de valve mitrale mécanique qui devrait sortir au milieu de la nuit.Cette dernière risque donc de devenir houleuse.
J’ai aussi utilisé la technique du « self-disclosure » pour éviter les questions dérangeantes d’une famille. Une patiente a eu aujourd'hui une sternotomie blanche, c’est à dire que le chirurgien a ouvert et rien pu faire. Une jeune femme de sa famille demande de ses nouvelles assez tard, après que l’équipe de jour soit partie (et bien entendu, le chirugien).
Que sait-elle ?
Dois-je me lancer dans des explications complexes alors que je ne connais la patiente que depuis une heure et qu’à partir de demain 8h je n’aurai plus aucun contact avec la patiente ou sa famille ?
Heureusement, elle portait une croix huguenote !
Après lui avoir donné des nouvelles vagues mais rassurantes, je suis parti à fond dessus.
Sur mon cousin, et puis comment une famille d’origine corse peut être protestante?
...
La jeune femme est partie satisfaite (elle m'a dévoilé une partie de sa généalogie), quoique pas beaucoup plus informée qu’avant notre rencontre.
Je laisse le soin au chirurgien et à l’équipe de jour de répondre à ses questions.
A condition, bien sûr qu’ils ne fassent pas pareil que moi : « Ah !, vous portez une croix huguenote… » !Souriant, avenant, mais machiavélique !
20:20 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (3)
01/07/2007
Langue de bois.

J’ai retrouvé un classique générateur automatique de discours sous forme de tableau (c’était bien avant internet, les scripts ou autres applets). Le mode d'emploi est simple: il suffit de prendre un bout de phrase dans chaque colonne successive et de recommencer ad libitum avec d'autres.
Ca m’a fait quand même rire, d’autant plus que je viens de passer une partie de l’après-midi à rédiger une grille EPP pour la référence 42.
Les initiés sauront de quoi je parle, les autres doivent s’estimer heureux de ne pas le savoir.
Retrouvé ici, grâce à ce site.
Et pour la bonne bouche, c'est ici.
17:20 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (0)
30/06/2007
Le maçon et le bord de la piscine.

Journée chez des amis au bord de la piscine.
Toujours le même groupe d’amis, plus proches de ma femme que de moi, car ce sont nos enfants qui nous ont fait connaître à la sortie de maternelle.
Un couple de fonctionnaire (les hôtes) et un couple dont le mari est maçon et kabyle.
Ce maçon s’est bâti une situation à la force des poignets, en travaillant nuit et jour. Il aime étaler sa réussite : grosse voiture, belle maison, grande piscine, et nombreux arbres de plusieurs mètres de haut achetés à prix d’or chez le pépiniériste du coin (« pas envie d’attendre que ça pousse ! »). Il achète tout ce qu’il y a de plus cher, et nous le fait savoir.
Il a des idées bien arrêtées, et sans nuance. Un peu comme le sanglier qu’il aime chasser, il fonce sans discernement au travers de l’épaisseur de la vie.
Son principal problème est qu’il se fait fréquemment arrêter au volant de sa grosse voiture, car les pandores trouvent suspect qu’un « arabe » puisse se payer ce monstre. Ca l’énerve, d’autant plus qu’il déteste les arabes (je vous rappelle qu’il est kabyle).
Malgré sa grande gueule, il est attachant et le cœur sur la main.
Et j’aime bien quand il raconte avec force mimiques et moulinets des mains comment il a tancé le flic qui l’a interpellé dernièrement.
«Je lui ai dit, tu vois, une voiture comme ça, de toute ta vie, tu ne pourras pas te la payer, car toi, tu n’as pas des ampoules aux mains comme moi, mais aux lèvres, avec ton sifflet ».
Vous voyez le genre.
Il est fier de s’être fait lui-même, sans avoir étudié : « j’achète des journaux tous les matins, et je balance tout, sauf les pages sport ».
Cette après-midi, il a eu une parole « malheureuse ».
Il s’indignait que des dealers de banlieue puissent frimer en BMW.
« Toi tu es médecin, tu as fais des études, tu gagne le smic et tu es locataire, et tu vois un jeune passer devant chez toi en BMW, ça te fait rien ? »
Miroir intéressant.
Ma maison est en effet petite et un peu pouilleuse par rapport à la sienne (du type de celle que pourrait avoir un smicard, dans son esprit), et je suis locataire.
Bon, c’est un choix.
Je préfère voir ma famille et avoir du temps à moi que me tuer au travail, et je sais que je ne mourrai jamais de faim.
Mais le fait que cette remarque m’ait dérangé montre bien que je n’assume pas entièrement ce choix. Confort de vie ou course au chiffre ? « Lauriers de cendres » ou petite vie modeste ?
Choix qui reste cornélien.
Il est en est à un stade ou la possession fait l’homme et où il bosse comme un fou pour bâtir. Et moi, ou en suis-je ? Je suis fils unique d’une famille aisée (qui a bossé comme lui bosse maintenant), et je peux me permettre de ne pas travailler comme un fou, et j’en profite.
Mais je me demande aussi si je ne suis pas le «Buddenbrook » à partir tout va s’écrouler. « Les Buddenbrook », c’est un livre qui m’a glacé quand j’étais adolescent. Maintenant, je comprends que ce n’était qu’une anticipation de mes craintes actuelles.
Je n’ai pas osé lui dire que je gagnais un multiple du smic, de toute façon, cela aurait été moins que lui, et il n’aurait pas compris que je ne le montre pas plus.
Car il y a aussi cela dans sa remarque.
Je me montre, donc je suis. Si je ne me montre pas, je ne suis rien.
Comment lui expliquer que la richesse de la vie, c’est aussi autre chose que la « caillasse », comme il dit.
Sa réussite ne m’éblouit pas, elle ne me rend pas jaloux non plus. Il a réussi à la force du poignet et il la mérite.
Disons que son côté « m’as-tu vu » énerve un peu ma personnalité lyonnaise psychorigide.
Mais surtout, comme tous ceux qui foncent sans réfléchir et sans avoir de culture (mon grand-père était exactement comme lui), il fait s’interroger ceux, qui comme moi pèsent et balancent tout consciencieusement à l’aune de ce qu’ils savent.
N’auraient-ils pas raison, eux ?
Je pense que c’est là justement que ce trouve le véritable sens du « Beati pauperes spiritu » (« Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux! ». Traduction Louis Segond. Doudou va encore dire que je suis un horrible parpaillot !).
Vous voyez, ça ne me profite pas, les après-midi avec les amis au bord de la piscine. Elles me poussent à l’introspection (et sur ce blog, qui plus est) !
Et le pire, c’est que la prochaine fois, c’est lui qui invite dans sa maison hollywoodienne. Il va falloir que je cultive mon stoïcisme avant d’y aller.
Et devinez quoi, le pire de tout c’est que j’ai honte de tous les inviter chez moi.
20:08 Publié dans ma vie quotidienne | Lien permanent | Commentaires (19)