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22/02/2005

Thérapie.

medium_0140249001.01.lzzzzzzz.jpg.gifLawrence Passmore, et Sally Passmore (« Madame ») sont des pseudos tirés d‘un autre de mes romans fétiches : Thérapie de David Lodge.

L’auteur est un universitaire anglais né en 1935. Il a donc connu la seconde guerre mondiale (malgré son âge, il garde un souvenir horrifié du « Blitz »), la révolution sexuelle des années 50-60, survenue dans un pays resté très puritain, et les années « Thatcher ».
Ses livres sont assez inégaux, mais toujours pleins d’ironie, d’humour, et de nostalgie.
Pour l’instant, « Thérapie » est pour moi, le meilleur.
Pour résumer sans déflorer (en plus, Internet compte quelques résumés bien ficelés), c’est l’histoire d’un quinquagénaire, qui aurait tout pour être heureux, mais qui déprime. Il suit tout un tas de thérapies pour sortir de sa morosité, et finalement, seule la quête d’un amour de jeunesse va lui permettre de repartir du bon pied.
La majeure partie du livre est sous forme d’un journal intime, ce procédé permet un réjouissant croisement de points de vue.
Lawrence Passmore est très attachant par ses petites manies (il est hypochondriaque, pratique une charité de bonne conscience, et est assez fier de sa réussite professionnelle et de son petit confort, même si il garde cette fierté pour lui). Le portrait est très vrai, sans jamais être caricatural.
Ce livre m’a tout de suite « parlé », car, à part la tendance hypocondriaque, Lawrence est mon double « de dans » 20 ans.
A un moment, il passe devant un concessionnaire possédant une voiture japonaise de luxe, qui le subjugue. Il a amplement les moyens de l’acquérir. Mais il est freiné par l’idée que ses parents, modestes, auraient réprouvé un tel luxe, de surcroît japonais (le pont de la rivière Kwaï n’est pas si loin), et il n’en a surtout absolument pas besoin. Il passe tous les jours, devant la devanture en collant le nez sur la vitrine, dévore tout ce qu’il trouve sur ce modèle (et déplore que toutes les critiques soient élogieuses), et soupèse sans fin le pour et le contre.
Jusqu’au jour ou….
La voiture a été vendue, il rentre dans la concession, et agresse le vendeur « pourquoi avez-vous vendu MA voiture ?? ». Il allonge un pot de vin, et se débrouille pour l’acheter, finalement.
Je n’ai jamais allongé de pot de vin, mais cette histoire m’arrive environ 4-6 fois par an (pour des objets plus modestes). Heureusement pour mes finances, je ne craque pas à chaque fois….

Sa petite gloriole pour sa réussite sociale est aussi un de mes petits défauts, qui exaspère Sally (la mienne…).
Ma tendre et chère est d’origine modeste, alors que moi, je viens d’une famille de paysans enrichis par l’acharnement de mon grand-père à quitter la paysannerie, et à vendre de la peinture automobile dans les années 70-80. Il a bien réussi, et j’ai toujours connu un certain luxe de petit bourgeois de province. Nos trains de vie sont donc assez éloignés.
Avec 150€, elle remplit un caddy complet, et nourrit 4 personnes pendant 15 jours. Moi, je sors du supermarché avec 3 sacs, qui font survivre la famille pendant, allez…. 5 jours.
Je ne fais donc jamais les courses….

Ensuite, il ne faut pas trop que je me la ramène avec ma profession, car Sally, en bonne infirmière, sait tacler par derrière tout médecin un peu trop imbu de lui-même.

Deux exemples.

Je refaisais mon papier à lettres sur Office (à la suite d’un déménagement). J’ai tapé un en-tête en Garamond, en haut et à gauche : « Docteur Lawrence Passmore », puis en bas l’adresse. J’étais assez content du résultat sobre, imposant, et mérité.
« Qu’est-ce tu en penses ?
- C’est ridicule, et prétentieux de mettre « Docteur » dans une correspondance, mais fais comme tu veux…
- Euuuuh, ah bon ?… »

J’ai gardé le Garamond, et sacrifié le « Docteur » sur l’autel de la modestie.
Je suis presque sûr qu’elle raconte à ses copines que je suis « dans le domaine de la santé »…

Plus tard, je l’ai emmenée chez une galériste qui vend des peintures que je trouve superbes (c’est ma lubie actuelle, après les livres de l’Imprimerie Nationale, et les montres).

J’avais dans l’idée d’en acquérir deux, et tournais autour depuis 6 mois environ (comme pour la belle japonaise !). Elle fait le tour de la boutique, aime certaines œuvres, et d’autres pas. Les deux tableaux convoités ne l’enchantent pas, mais la réaction n’est pas négative (« c’est ton argent, fais-en ce que tu veux », exemple de réaction négative : « ça me donne envie de gerber »).
D’autres clients rentrent, nous partons, pressés par un film qui doit débuter quelques minutes plus tard. Les deux tableaux me regardent partir tristement, au beau milieu de la boutique.
Je me retourne, et lance à la galériste (que je tente de me faire tutoyer à chaque visite…) :

« Vous m’enverrez un bon prix pour les deux toiles, sur mon mail.
- Bien sûr… » (ben voyons, elle m’a déjà donné un prix définitif il y a six mois).

La sanction ne tarde pas :
« Vous m’enverrez un bon prix pour les deux toiles… » se moque-t-elle gentiment avec un accent parisien arrogant inattendu chez elle, qui a un accent typiquement du Sud (le paing, la piiinntuure, Guillooome).
« - Bah oui, tu voulais que je dise quoi ?
- on va être en retard pour le film… ». Petit sourire.

M’en fous, alors que je tape ce lignes, « Walk of Live » 1 et 2 ornent le salon et la chambre, et je les admire tous les matins, en me levant.

Trouver ses petits travers si bien décrits dans un livre, a quelque chose d’apaisant.
On n’a moins l’impression d’être le réceptacle de tous les petits défauts de l’univers, d’autres en partagent quelques uns avec moi.

Tu vois, Sally...

17:33 Publié dans Livres | Lien permanent | Commentaires (0)

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