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27/03/2005

Lost in Translation.

medium_lost-in-translation-3.jpgUn des rares films qui m’ont marqué, mais je ne suis qu’un spectateur de cinéma très occasionnel.
Ce film traite de nombreux thèmes (la perte de la jeunesse, l’effilochage des couples, la solitude, la place de l’individu dans la société actuelle hyper technologique…) avec une grâce, et une finesse rares. Ceci en fait une belle évocation de la vie.
La première fois que j’ai vu ce film, c’était après une nuit de garde agitée.
J’étais donc parfaitement en phase avec ce film, et en opposition de phase avec le monde environnant.
Bill Murray et Scarlett Johansson sont fabuleux.
Ma scène préférée, celle des retrouvailles, pleines de tendresse et de promesses.

Pour ne rien gâcher, Bill Murray porte au poignet une Datejust or et acier, face noire et bracelet jubilé (dans les fora anglophones: DJ S/S black face Jubile.)
Ce petit exercice est nommé le "watch spotting", et est aussi stupide que de noter les immatriculations des avions entrain de décoller. Mais bon, on ne se refait pas.
Par exemple, quelle est la montre du « vrai » James Bond (avec Sean Connery)?
Une Submariner sans date de 1954.

21:00 Publié dans Film | Lien permanent | Commentaires (0)

Astérix

medium_ledevin.3.jpgLe Devin. Uderzo.
Planche 10, page 10. 1972





Mon père m’a offert mon premier Astérix avant que je sache lire (Astérix en Hispanie).
Depuis, je ne suis jamais arrivé à lire une autre BD.

Pourquoi ?
Parce que, enfant, en lisant les aventures du Gaulois, je me suis plusieurs fois pissé dessus de rire.
Adulte, je ne me pisse plus dessus, mais je ris toujours, et je découvre des allusions cachées qui me ravissent.
Vieillard, je me pisserai à nouveau dessus, et je rirai toujours de bon coeur.

La valeur d’une œuvre, quelle qu’elle soit, est la multiplicité des lectures que l’on peut en faire, à 3 ans, à 30 ans, et au-delà, que l’on soit médecin, ou maçon, européen ou asiatique.
Astérix me fascine depuis toujours, et ce n’est pas prés de s’arrêter.

medium_anatomi.4.jpgLa leçon d'anatomie du Professeur Nicolaes Tulp. Rembrandt 1632
169,5 x 216,5 cm
Mauritshuis, The Hague





Excellent site sur Astérix

08:50 Publié dans Loisirs | Lien permanent | Commentaires (1)

26/03/2005

L’aire d’autoroute.

medium_030448-biot.jpgL’été dernier, nous faisions un long trajet autoroutier avec les enfants.
Nous nous arrêtons sur une aire d’autoroute pour nous dégourdir les jambes, boire, et faire un petit pipi.
Nous nous garons à l’ombre de chênes-liège, non loin des toilettes.
Les cigales grésillent comme des démentes, j’arrive à en localiser une sur un tronc, et je mets Guillaume sur mes épaules pour lui faire voir d’où vient ce curieux petit bruit.

Au-delà de la rangée d’arbres, une pente de 7-8 mètres, assez brutale mène à un ru. De l’autre côté du petit ruisseau, une courte remontée est barrée par la clôture de l’aire et un sous bois.

Guillaume et moi descendons patauger dans l’eau fraîche et vive, nos pantalons remontés.
Après quelques minutes d’éclaboussements joyeux, nous remontons.

Je discute du temps avec un conducteur venu, lui aussi se dégourdir les jambes.
Sally est allée avec Guillaume faire un pipi, tandis que je porte le petit dans mes bras.
C’est alors que je remarque un curieux manège.
Des voitures arrivent successivement, accompagnées par un motard de la police, qui crie un chiffre à une consoeur debout à côté d’un fourgon, que je n’avais pas remarqué jusqu’à présent : 160, 201, 190…
Nous sommes au fond d’une nasse à excès de vitesse.

Evidemment, les contrevenants sont de méchante humeur.
Je vois arriver une dame, la cinquantaine, conductrice d’une Volvo, contrôlée à 180.
Elle est accompagnée de son père, environ 80, grand, maigre, un peu perdu.
Ils sortent de la voiture, et pendant que la fille rentre dans le fourgon, le père sort du coffre, en laisse, un jeune boxer un peu fou.
Le chien tire comme un damné, et entraîne le papi.
Mon compagnon et moi voyons ce couple enlaissé et instable franchir la bordure du parking, et tirer tout droit perpendiculairement à travers la pente.
Je n’aurais jamais cru qu’un monsieur aussi âgé pouvait tricoter des jambes aussi rapidement, le torse arquebouté en arrière.
Il parvient à éviter le ruisseau, mais s’incarcère de tout son long dans la remontée.
Le chien est bien sûr ravi que son maître se roule avec lui dans l’herbe.
J’espère qu’il ne s’est pas fait un « col ».
Non, il se relève et remonte péniblement jusqu’au parking.
Sa fille, rouge de colère, sort du fourgon, et passe devant lui pour retourner dans la voiture.
Elle lui lance sur un ton peu amène :
« Et fait attention de ne pas tomber, il ne manquerait plus que ça, aujourd’hui !! ».

Elle n’a même pas remarqué les traînées verdâtres sur son blouson, ni mêmes les quelques brins d’herbe au milieu de cheveux blancs en bataille.

25/03/2005

SMS

medium_baudelaire.jpg
Un site propose un traducteur automatique français/SMS (lien trouvé sur Telerama).
J'ai essayé de rendre Baudelaire un peu plus accessible pour la jeune génération




La Nature é 1 templ ou 2 vivan piliers
Laissent parfoua s0rtir 2 konfuzes par0les;
L’ho y pace à través des f0ré d symb0les
qui l’0bserv av des regar familié.

kom d long éch0s qi 2 loin s konfonden
t ds 1 ténébreuze é pr0fonde unité,
Vaste comm la n8t è kome la clarté,
Les parfums, les couleur & les son c répond.

Il e dè parfums frè kom dè chairs d’enfan,
Doux kom lè h0tbois, verts kom lé prairies,
_ ê d’autr, kor0mpu, riche é tri0mfants,

Ayan l’expansion dé choz 1finies,
kome l’ambr, l musc, l benjoin é l’ensens,
qui chan lè transp0rts d l'esprit i des sens.

B0delaire, lè fleur du mal IV


La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Baudelaire, Les fleurs du mal IV


Etonnant, non?

07:23 Publié dans Web | Lien permanent | Commentaires (3)

23/03/2005

Sortie de garde.

medium_flail.jpgLa nuit a été calme.
Une entrée de 6h30 est venue mettre un peu d’animation.
Homme de 60 ans, rupture de cordage et capotage de la petite valve mitrale, IM et OAP massifs.
Intubé, ventilé, transféré.
2 expressos, et c’est parti…
Une échographie cardiaque trans thoracique rapide, de débrouillage (dommage que je ne puisse pas numériser les images qui étaient magnifiques).
Je lui ai mis une VVC et une artère radiale en moins de 5 minutes (j’aime bien déconnecter le cerveau et n’utiliser que la fonction manuelle, surtout quand tout se passe bien).
Un peu de dobutamine, et hop, au bloc dans la matinée.

Je ne sais rien du patient, qui n’a été pour moi qu’un creux sous clavier, et une gouttière radiale gauches entourés de champs verts jetables. Pas d’empathie, pas de sentiment. De la technique pure.
Ca fait du bien parfois de mettre la fonction empathie au repos, de ne plus analyser les actions et réactions du patient, de ne plus se surveiller pour ne pas dire quelque chose qui serait mal interprété, de ne pas devoir simplifier à l’extrême des mécanismes faisant l’objet de centaines de publications dans le Monde, et pas toujours élucidés, de ne pas avoir à parler si l’on n’en a pas envie, et de répondre aux questions en grognant, si on le veut.
Bref, de régresser à un stade primaire, comme Robinson dans sa soue.

Bon ce n’est pas tout, mais je vais devoir reprendre mes habits civilisés, jusqu’à la prochaine garde.

PS: image en ETO, tirée d'internet, montrant un superbe prolapsus de la petite valve mitrale, comme chez mon patient

07:44 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)

22/03/2005

Le Corse.

medium_corse.jpgMon troisième Chef de Service était corse.

N’imaginez pas les fromages explosifs, ni les vendetta héréditaires, ni enfin les siestes nycthémérales heureusement entrecoupées par des sommeils réparateurs.
N’imaginez pas non plus un accent à couper au couteau, mais une intonation plus subtile, accentuée lors des menaces.
Imaginez un élu du peuple, avec un pouvoir politique conséquent, ou cela revient au même, qui le fait croire.
Imaginez un pouvoir universitaire et médical tels qu’ils pouvaient exister avant la technocratie actuelle.
Imaginez une ville du Sud, ou les réseaux, et clans règnent en maîtres, ou la Règle n’existe que pour savoir par où la contourner.

Il a connu l’époque bénie ou son pouvoir n’avait pas de limites, un claquement de doigt faisait apparaître un agrégé de chirurgie digestive ou de radiologie, maugréant pour la forme, mais présent et obéissant.
La rédemption d’un service obtenu est toujours longue à obtenir.
Comme tout chef se respectant, il choisissait une favorite, et la propulsait dans l’échelle sociale : école des cadres, BMW Z3, fourrures…
Evidemment la favorite en titre, et ses devancières assuraient un service de renseignement efficace sur tout ce qui se passait dans le service, encore un instrument de pouvoir.

Un couple d’amis industriels corses (ça existe !!) désire passer quelques jours en ville pour les soldes de janvier, et quelques soirées au Casino (pas le supermarché !). Pas de problème, leur chambre double est réservée de telle date à telle date. Certes, ils avaient des pathologies de la vieillesse. Mais pas de quoi passer 8 jours à l’Hôpital à 1000-1100 euros la journée. Les aides soignantes gardaient la clef de leur chambre dans leurs poches, jusqu’à leur retour nocturne et tardif, après une virée au Casino (petite gourmandise de Madame).
J’ai fait leur entrée un jour. Que mettre comme motif d’admission ? J’ai fait comme les générations d’internes qui m’ont précédé, et j’ai marqué la phrase rituelle sur le dossier médical : « Admission pour bilan de santé ».

Une amie (non corse) a un festival de Jazz dans un mois.
Pas de problème, sa chambre seule est déjà réservée.
« Tu réserve la chambre, Lawrence ».
« Ce sera fait, Monsieur ».

Son ex-femme a une migraine ?
Il fait ouvrir une unité de soins intensifs cardiologiques, qui était fermée pour une partie de l'été. Evidemment, scanner cérébral dans la minute.

Un protocole de recherche clinique très juteux (7500 euros par patient), pas de problème non plus, les indications sont élargies, et les contre-indications pudiquement passées sous silence.

Il prépare sa retraite dans le privé en envoyant tous les patients du service en convalescence dans une certaine maison de rééducation (même si le patient habite à l’opposé de la ville), et à son départ, il emporte tous les dossiers médicaux de sa consultation privée.

Un jour, convoqué dans son bureau (moment toujours un peu anxiogène), j’assiste à une scène qui restera gravée dans ma mémoire.
Un patient, chemise Boss à rayures bleues grande ouverte, est penché au dessus du bureau professoral. Et le Professeur l’ausculte de sa place, penché lui aussi au dessus de son sous-main, les oreillettes de son stéthoscope au niveau des apophyses mastoïdes : « Rentre ! ».
Quel bel édifice symétrique ! Pour ça, le client (non plus un patient) payera 107euros, et reviendra le mois d’après, pour un « contrôle ».

Ses patients, si fiers de se faire suivre par lui, ne sont pour lui qu’objets de mépris, sauf si ils sont détenteurs d’une parcelle de pouvoir qu’il pourra utiliser (avocats, syndicalistes…).

Il déboulait les samedis et dimanches dans le service, suant et sifflant (BPCO post tabagique avancée), pour faire la visite devant la liste des patients affichée au mur.
Attention alors, si on ne répondait pas à une de ses questions, il tournait rouge pivoine et explosait de rage, en hurlant des insultes que je n’ai jamais entendues ailleurs :
« Tu es con à bouffer des bites par paquets de douze ».
« Appelle Untel [un agrégé de chirurgie digestive], et dis lui : mes couilles».


Malgré tout, je l’ai choisi comme membre de mon jury de thèse, et je pense à lui avec un brin de tendresse (pourtant, jamais je ne voudrais revivre cette époque, avec du recul, je ne le supporterai pas), car il est un des derniers dinosaures d’une époque (heureusement) révolue, celle de la toute puissance.
C’était une crapule, mais tellement caricaturale, qu’elle en devenait attachante.

Sa fin de carrière n’est pas très heureuse à ce que l’on m’a dit.
Il est cantonné dans un bureau dans une grande clinique privée, dont il ne fait plus trembler les murs. Il doit continuer à suivre tous ses vieux patients, ressassant leur gloire respective perdue. Ah, naufrage de la vieillesse…
Sa principale collaboratrice est une ASH, sa dernière Mme de Maintenon, qui le critique dans son dos, rédige et signe ses ordonnances, et doit lui faire une gâterie entre deux patients.
De plus en plus rarement.

La fin d’un règne.

15:50 Publié dans Médecine | Lien permanent | Commentaires (0)